Dans son dernier rapport annuel, le collectif « Les morts de la rue » fait état de six cent douze SDF décédés en 2018, soit 15 % de plus qu’en 2017. Des chiffres très en deçà de la réalité, puisque le collectif reconnaît qu’ils seraient en réalité six fois supérieurs à ceux annoncés. Conditions de vie intolérables, maladies, agressions, suicides. Il s’agit d’hommes, de femmes… et d’enfants.
« Je veux que nous puissions apporter un toit à toutes celles et ceux qui sont aujourd’hui sans-abri. […] Nous continuerons donc l’effort indispensable pour réussir à pleinement respecter l’engagement que j’ai moi-même pris devant vous », déclarait le président Macron en formulant ses vœux 2018 aux Français.
Or, quelques jours à peine après la Journée mondiale de lutte contre la pauvreté, le 17 octobre dernier, son gouvernement annonce la suppression de l’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale, le 1er janvier 2020.
Pour résoudre le problème de la pauvreté en France, il suffirait donc de faire taire ceux qui rendent compte, en toute indépendance, de l’exclusion de plus d’une personne sur dix dans le pays.
Eh hop ! Passez, muscade !
« Passez, muscade ! » est une expression qui nous entraîne vers les joueurs de bonneteau, et leur tour de passe-passe qui consiste à retrouver une balle habillement dissimulée sous des gobelets. Au début du 18e siècle, ces charlatans professionnels utilisaient une boule de liège qui ressemblait fortement à une noix de muscade, épice culinaire, pouvant provoquer des troubles hallucinogènes à trop forte dose.
L’expression alors en vogue, « Partez, muscade ! », pour signifier la disparition de la boule, s’est peu à peu transformée en « Passez, muscade ! », l’équivalent de « le tour est joué ».
Avec près de neuf millions de personnes concernées en France, la réponse du gouvernement face à la persistance évidente de l’inégalité et de la pauvreté, réapparue sur le devant de la scène avec la crise des Gilets Jaunes, consiste donc à bâillonner la diffusion de toute information s’y rapportant.
Et à mettre un voile sur ses yeux, pour mieux cacher ses pauvres, qu’il ne saurait voir...
Illustration "Sans asile" de Fernand Pelez (1883)