À l’occasion du centenaire de la première guerre mondiale, la Société archéologique du Gers et les écrivains publics du Gers se sont associés pour vous faire découvrir la chronologie des événements marquants de la Grande Guerre, tels qu’ils ont été vécus par les Gersois, au travers des grandes batailles qui l’ont émaillée. Chacun d’eux sera l’occasion d’un article qui en reprendra les grandes lignes et s’appuiera sur des portraits d’hommes, soldats gersois, morts ou disparus. L’idée de cette série est de leur rendre hommage pour, qu’à travers eux, le sacrifice de tous ceux de 14 ne soit pas emporté par l’oubli, même cent ans après.
Un nouvel été s’annonce. Le cinquième été de guerre. Pour les Gersois, la situation reste compliquée : le manque de main d’œuvre continue de perturber les travaux des champs, particulièrement à l’approche des fenaisons et des moissons. La question de la nourriture reste prioritaire. Ainsi, face à la crise de l’alimentation qui se profile, des comités de ravitaillement civil sont formés, comme à Condom ou Lectoure au mois de juin. En lien avec les services de la mairie, ces comités assurent la centralisation et la distribution de denrées (riz, légumes secs, pâtes…) à la population.
Les combats se déroulent loin mais la guerre, elle, marque cependant de son empreinte tout le territoire français, soumis aux mêmes difficultés humaines. Mais malgré cela, chacun s’efforce de poursuivre, car, sur le Front comme dans le Gers, il faut tenir bon. D’autant que cet été 1918 voit naitre, enfin, après quatre années d’une guerre cruelle, l’espoir d’une paix prochaine.
Cela ne se fera pas sans mal et, sur le front de Champagne, une formidable bataille va renverser la situation, emportant encore des milliers de soldats. Ainsi, entre juin et septembre, près de 450 soldats gersois vont mourir, dont plus de 70 entre le 15 et le 20 juillet.
La deuxième Bataille de la Marne
A partir de la fin mai 1918, la Marne est le théâtre d’une série d’offensives allemandes et de contre-offensives alliées. La Marne connaît là sa seconde grande bataille, à quatre années d’intervalle. Mais quels changements entre les deux ! Alors qu’en septembre 1914, nos soldats, héroïques, portaient encore leur tenue flamboyante pour se battre à la baïonnette ; ce sont maintenant des hommes soutenus par une artillerie puissante et efficace qui font front.
Après plusieurs victoires importantes, les Allemands sont stoppés par une contre-offensive française dirigée par le général Mangin, le 28 juin. Mais les Allemands n’ont pas dit leur dernier mot : ils lancent l’ « offensive de la paix ». Heureusement, les Français écrasent les Allemands le 15 juillet 1918, dans la bataille défensive de Champagne.
Près de 40 000 Allemands sont tués, blessés ou prisonniers tandis que 5 000 Français seulement sont hors de combat. Cette victoire qui sauve la France est l’œuvre des dispositions défensives et offensives du général Pétain, devenu alors Général en chef de l‘armée Française. Trois jours après cette victoire défensive, Foch (Général en chef des Armées Alliés) décide de réduire la poche de Château-Thierry pour mettre fin à tout espoir de marcher sur Paris aux Allemands.
Voici donc que, le 18 juillet, à 4h30, depuis Bouresches jusqu’à Pernant, sur le front de 55 kilomètres des armées Mangin et Degoutte (10e et 6e armées), l’artillerie française déclenche un formidable tir. Les Allemands s’attendaient à une offensive française mais ils ne l’imaginaient pas autrement que précédée d’une préparation d’artillerie. Ils n’avaient pas envisagé un instant la charge des monstres d’aciers : un barrage roulant de 470 chars d’assaut français tandis qu’une nuée d’avions français et anglais obscurcit le ciel. Le soir, sur 55 kilomètres de front d’attaque, nos lignes ont progressé vers l’est d’une dizaine de kilomètres.
Le 19 juillet, à 4 heures du matin, nouvelle ruée suivant la même méthode à laquelle l’ennemi n’a pas eu le temps de s’accoutumer. Même succès. La progression Française continue ; des compagnies entières de soldats Allemands se rendent. Cet important succès rend la situation des Allemands extrêmement difficile.
Le 20 et le 21 juillet, l’ennemi contre-attaque furieusement, en accumulant contre lui des effectifs sans cesse renouvelés. Les régiments Français tiennent bon et repoussent les Allemands. Le soir, la 6e Armée Française a progressé d’une dizaine de kilomètres.
La deuxième victoire de la Marne est complète. Les événements entre le 15 et le 20 juillet se soldent par la victoire décisive des alliés, en grande partie par les troupes françaises : la dernière attaque allemande est « retournée » et, désormais, la victoire a changé de camp. Mais la lutte continue avec acharnement, car il faut exploiter le succès et, depuis le généralissime jusqu’au plus humble soldat, tout le monde s’y emploie avec la dernière énergie.
Portrait : Jean-Paul Hautehache
Né le 27 avril 1892, dans le village de Saint-Orens-Pouy-Petit, canton de Valence-sur-Baïse, de Joseph Hautehache et Julie Boué. Jean-Paul est le second d’une fratrie de trois enfants, il a une sœur aînée, Marie-Jeanne, née en 1889, et un frère cadet, Lucien, né en 1896 (qui sera lui aussi mobilisé en 1916). Jean-Paul passe toute son enfance dans son village natal où son père exerce la profession de charpentier.
Il incorpore le 17ème Escadron du Train de Montauban, à compter du 9 octobre 1913 pour effectuer son service militaire de deux ans. L’entrée en guerre le maintiendra au service. Le Train organise et coordonne la logistique, le transport (matériel, munitions ravitaillement) et l’appui au mouvement (notamment la circulation routière) de l'Armée de terre française. Cette arme a été créée en 1807 par Napoléon 1er sous le nom de Train des Equipages Militaires. Auparavant, ces fonctions étaient assurées par des moyens ou des sociétés privées sous contrat ou réquisitionnées.
Dès le 2 août 1914, le 17ème escadron du train accueille et coordonne le départ de près de 6000 hommes, 8000 animaux et 2000 voitures. Il participe aux dramatiques combats de Bertrix et Sarrebourg puis, en 1915, aux opérations en Champagne, en Artois, en Lorraine et jusqu’en Belgique. Verdun, dès février 1916, use un nombre considérable de divisions et les formations du Train suivent alors les grosses unités auxquelles elles sont rattachées sur tous les secteurs du front.
Jean-Paul, pour sa part, passe au 23ème Régiment d’Artillerie de Toulouse, le 19 janvier 1916. Il participe avec ses camarades aux combats de Verdun puis, en 1917, aux affrontements sanglants dans la Marne. Au printemps 1918, ils sont sur le Mont-des-Flandres puis, à l’été, en Champagne, où se déroulent de furieux combats.
Le 23 juillet, il est grièvement blessé au cours d’un ravitaillement en munition qu’il acheminait sur une position de batterie et meurt quelques heures plus tard. Son nom est transcrit sur le monument aux morts de Saint-Orens-Pouy-Petit.
Illustrations tirées des ouvrages "Panorama de la Guerre"
Photo de Une : Batterie de petits tanks Renault partant pour une attaque