C’est un atelier digne de la fin de l’année qui a eu lieu le 9 décembre au Clan centre socioculturel : il était consacré au champagne. Il s’agit de l’atelier « La vigne et ses produits » lancé par Guy Dutirou, avec, comme intervenant, Jean-Paul Sempé, ex-président de la Cave de Nogaro et actuel membre de l’Inao (1).
La première AOC
La dizaine de personnes présentes à l’atelier a pu déguster du champagne rosé et du champagne blanc, tous les deux bruts. Nous avons appris tout ce que nous voulions savoir sans oser le demander… Entre autres que le « blanc de blancs » est un champagne de cépage unique chardonnay. Et nous ne savions ni que le vignoble a été délimité en 1927 pour ce qui est la première AOC de France, créée en 1936 ; ni que ce sont les moines Bénédictins de l’abbaye de Hautvillers, qui ont créé le vignoble, alors que la prise de mousse date du XVIIe siècle. Grâce au fameux Dom Pérignon, moine cellérier (2). Il en a emprunté la recette à la blanquette de Limoux, alors qu’il voulait, au départ, empêcher l’effervescence naturelle.
Quelques données techniques
Et quels sont les cépages du champagne ? Il y en 3 : le pinot noir (39 % du vignoble), le pinot meunier (33%) et le chardonnay (28%). Mais ce qui étonnera ceux qui connaissent le vignoble d’ici : il y a 8 000 pieds à l’hectare contre une moyenne de 4 000 pieds dans notre région. La distance entre les pieds va de 0,90 à 1,50 m. La récolte est faite à la main, dans des cagettes qui pèsent jusqu’à 50 kg. Pour éviter de colorer en rouge le jus de raisin, diverses mesures sont appliquées : le pressurage a lieu très près des vignes et l’on fait très attention à ce que la peau des raisins noirs soit le moins possible en contact avec le jus, car c’est elle qui contient le pigment. Le vin doit titrer au moins 9°. Comment obtient-on du champagne rosé ? Par macération limitée dans le temps des raisins égrappés avant pressurage.
Le jus reste en cuve jusqu’au 1er janvier suivant les vendanges, puis il est mis en bouteilles. Et une deuxième fermentation commence après addition de « liqueur de tirage » (levures). Le vin des bouteilles de 75 cl n’est jamais transvasé. Les bouteilles sont couchées goulot vers le bas (4) et sont tournées d’un quart de tour chaque jour. Une fois les dépôts de levures éliminés, la petite perte de vin est remplacée par de la « liqueur de dosage », du vieux champagne additionné de sucre (5).
De terribles batailles
Une révolte des vignerons a lieu en 1911 dans la Marne. Après de mauvaises récoltes dues au phylloxéra, les négociants refusent de payer plus cher le raisin subsistant et s’approvisionnent dans l’Aube (qui n’est pas dans le territoire du champagne à l’époque). Après qu’ils ont obtenu l’interdiction aux Aubois de faire du champagne, c’est le tour des vignerons de l’Aube de se révolter. Mais le Sénat s’oppose aux délimitations : nouvelles émeutes des vignerons de la Marne, qui détruisent de grandes maisons de négociants...Tout cela avec l’intervention de l’Armée dans les deux départements. Après de longues batailles judiciaires, la majorité du vignoble aubois est intégrée dans l’appellation Champagne. Actuellement, la Marne cultive 66 % des 34 000 ha de l’AOC champagne et l’Aube, l’Aisne, la Haute Marne et la Seine-et Marne se partagent le reste.
Jean-Paul Sempé souligne que l’interprofession des vins de champagne est extrêmement bien organisée et attaque en Justice toute utilisation « extérieure » du nom « Champagne » (6).
Encore des chiffres
Le champagne, c’est 4,7 milliards de chiffre d’affaires (dont 2,6 à l’export), 15 800 vignerons et 300 maisons de champagne. Le maximum de rendement est de 15 500 kg de raisin à l’hectare, mais dont il ne faut tirer, au pressurage, que 62 hl à l’hectare. À noter qu’un hectare de vignoble se vend 1,5 million d’euros...
(1) Institut national de l’origine et de la qualité. (2) Intendant. (3) La production d’un vin blanc, alors que les deux tiers des raisins disponibles sont à peau noire, impose le pressurage aussitôt après la cueillette de grappes entières et un pressurage doux et progressif, avec un faible résultat d’extraction. Enfin, on fractionne les jus (le 1er est le meilleur, le 2e, « la taille » donne des vins qui vieillissent moins longtemps et le 3e, « la rebêche », est impropre à faire du champagne). (4) Pour rassembler les dépôts de levures qui seront éliminées après congélation du goulot. (5) Le dosage varie du moins sucré (brut nature : pas dosé ou moins de 3 g/l au plus sucrés (le demi-sec : entre 32 et 50 g/l), en passant par le brut (moins de 12 g/l). (6) On se souvient de la vie très brève du parfum « Champagne » d’Yves Saint-Laurent.