La méditerranée: un vaste tombeau. Le témoignage de Mohammad

monument hommage.jpg

Emotions, témoignage : les exilés étaient à l'honneur à Sansan.

Le village de Sansan qui a officiellement adhéré à l'AFCDRP  a été le seul, avec son conseil municipal, son maire Jacques Sonilhac et la population, à répondre à l'appel des organisations solidaires comme, entre autres, Amnesty International et le CCM32 (Collectif des migrants) lorsqu'ils ont souhaité organiser une journée en hommage aux exilés  disparus en mer ...

Une centaine de personnes ont répondu à l'appel. Ils étaient venus nombreux pour cette journée sous le signe de la solidarité à Sansan, ce tout petit village aux portes de Seissan. Après l'accueil du public et l'allocution de Jacques Sonilhac qui a su remettre à leurs places  des idées bien fausses quant à ce qu'est l’immigration, la douleur de ces personnes,l'après midi a commencé.

 Chaque personne arrivée sur le site de la salle des fêtes, allait chercher un  galet  dans les tons bleus pour symboliser l'eau de la Méditerranée. Une liste de plusieurs centaines de noms était mise à disposition. Chaque galet était alors marqué, par qui le souhaitait, du nom, du prénom d'un exilé disparu dans les flots. Une tragédie qui continue chaque jour qui passe mais dont on n'entend parler que dans des cas comme cette journée à Sansan...  

Un moment douloureux pour tous, mais particulièrement pour Mohammad, ce jeune homme originaire du Nord de la Côte d'Ivoire, pays frontalier avec le Mali, venu porter témoignage de ce qu'il a vécu, de son exil. Cet incroyable périple qui la conduit jusqu'à Lampédusa en Italie, île tristement connue non pas pour ses plages paradisiaques mais pour ses brassées de naufragés sur ses côtes... Voici des extraits de ce témoignage en direct :

Témoignage de Mohammad. De la Côte d'Ivoire à la France, une tragédie... 

" Moi j'ai eu de la chance, mais des centaines de personnes sont restées, sont mortes pendant que je partais. Femmes enfants, petits bébés ... ". C'est ainsi que Mohammad commença son témoignage. Un long silence s'installa sous les arbres de l'esplanade de la salle des fêtes." beaucoup sont morts dans le désert, dans la méditerranée. C'est difficile ... C'est très très difficile... Imaginez vous que l'on vous mette dans une embarcation de fortune en plein mois d'hiver, et que vous n'arrivez pas ... Imaginez vous un peu ... L'eau, elle est comment ? Je n'ai pas eu de père, ma mère est morte jeune. J'ai été élevé par mon oncle, mais il ne voulait plus me voir et à juré de mettre fin à ma vie ... Alors j'ai dû fuir et je suis parti au Mali ... Puis au Niger dans un convoi clandestin qui m'a amené en Algérie ... Et là a commencé le cauchemar ... On nous a laisser en plein milieu d'une route désertique, avec un bidon de 5 litres d'eau chacun et quelques biscuits ... C'était difficile et douloureux de traverser des routes avec les corps en putréfaction  étalés ...

Le désert est terrible avec tous ces morts, mais la méditerranée est bien pire.

La Tunisie est un pays très difficile pour nous les noirs. Ils sont très racistes ... Quand je suis arrivé là-bas en Tunisie, c'était l'arrivée au pouvoir de Kaïs Saïed. Le peuple était en révolte et j'ai été tabassé, on m'a volé mon téléphone, mon seul bien. Ils n'aiment pas les noirs ... Tu peux marcher sur le bord de la route et simplement parce que tu es noir, les tunisiens vont te lapider ... Voila c'est comme ça ... Ils m'ont traité de Wakalou ... De Ghira Ghira, ce qui veut dire singe .... C'est comme ça que je suis arrivé jusqu’à un convoi de petits bateaux ... Les hommes ont dit : "Si vous arrivez tant mieux si non, c'est comme ça" .... On n'avait pas le choix ...".

Autour de moi les yeux rougies des auditeurs ... Même les enfants qui étaient venus écouter bouches bées ... De toutes les embarcations parties ces jours là, seule celle de Mohammad est arrivée à Lampédusa. " C'était très difficile car nous avons vu les autres mourir, les femmes, les bébés, les petits enfants, mais il n'y avait pas de place dans notre bateau et si on avait bougé on aurait nous aussi chaviré ... On ne pouvait pas les secourir sans mourir nous même. Il fallait choisir. C'était terrible tous ces cris et ces bras tendus vers nous, sous nos yeux ... ". Il éclata en sanglot.

Mohammad  conserve dans sa tête les images de cette atrocité. "Ca me prend ma mémoire. Ma vie était devenue noire ... Mais aujourd'hui je suis là. Je suis sauvé. Je remercie la France ".

Tout au long de la journée, une centaine de personnes ont porté haut et fort les couleurs de l'Amour pour cette humanité si discutée. Lectures, musiques avec deux des chorales d'Abdelak Lakraa,  violoncelle avec Élisabeth. La journée s'est poursuivi avec la solidarité  au coeur.

Cet journée événementielle était organisé par des citoyens du monde, la Mairie de Sansan, CCM32, Amnesty International, Regar, Les amis de la Confédération Paysanne, RESF 65 (Réseau Éducation Sans Frontières), en partenariat avec Astarac Patrimoine, Mutuelle Mutami et bien sûr la municipalité de Sansan. 

Souhaitons que l'on puisse longtemps encore porter secours à ces populations en détresse. Lorsque la vague d’exode a pris des français fuyant le fascisme, ils ont été heureux de trouver des pays d'accueil ... On ferrait bien d'y penser. Un livre à lire pour se remémorer de cette époque de notre histoire de France, oubliée ou mise de côté ...  L'exode un drame oublié.

Publicité
Suggestion d'articles
Suggestion d'articles