Retour sur ce qui se passe à Nouméa

Qu'est ce qui a mis le feu aux poudre ?

Les députés français ont examiné un projet de réforme constitutionnelle concernant la Nouvelle-Calédonie. Après des débats intenses, ce texte a finalement été adopté par l’Assemblée nationale. Cette décision a provoqué de nouvelles tensions sur place, entraînant des scènes de violence à Nouméa.

Rappel de faits

Lundi 13 : Les premières altercations avec les forces de l'ordre ont débuté lundi lors d'une mobilisation indépendantiste en Nouvelle-Calédonie. Cette manifestation s'inscrivait dans le cadre d'une opposition à la réforme constitutionnelle examinée à l'Assemblée nationale à Paris. La réforme vise à élargir le corps électoral pour les élections provinciales, un enjeu crucial pour la région. Les opposants à cette réforme critiquent le risque de "dégel" qui pourrait, disent-ils, "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak". Tout en sachant qu'au dernier recensement de 2019,  le peuple Kanak était majoritaire. Voir le lien  : Recensement en Nouvelle-Calédonie - INSEE. 

La réforme constitutionnelle en question cherche à modifier les critères d'éligibilité pour les élections provinciales, potentiellement en incluant davantage de résidents non natifs dans le corps électoral. Les indépendantistes kanaks perçoivent cela comme une menace à leur représentation politique et à leur influence au sein de la Nouvelle-Calédonie, une région avec une histoire complexe de colonisation et de luttes pour l'indépendance.

Les tensions autour de cette réforme illustrent les défis continus auxquels sont confrontés les peuples autochtones dans la région, alors qu'ils cherchent à maintenir leur identité culturelle et leur autonomie politique face à des changements législatifs perçus comme désavantageux.

Mardi 14 : le président indépendantiste du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, Louis Mapou, avait appelé au calme et à la raison dans un communiqué, soulignant que "toutes les raisons des mécontentements, des frustrations et des colères ne sauraient justifier de mettre à mal ou de détruire ce que le pays a pu construire depuis des décennies et d’hypothéquer l’avenir".

En réponse aux tensions croissantes, un couvre-feu avait été instauré pour la nuit de mardi à mercredi par le haut-commissaire de la République, Louis Le Franc, de 18h00 à 06h00, heure locale.

Nouméa voit alors l'apparition de barrages filtrants et de barricades aux entrées de ses quartiers. Ces dispositifs ont commencé de manière spontanée, mais ont rapidement évolué vers une organisation plus structurée au niveau de chaque zone de la ville. Selon les quartiers, les méthodes varient : certains mettent en place des checkpoints pour contrôler les entrées et sorties, tandis que d'autres vont jusqu'à organiser des gardes armées pour surveiller et protéger leur secteur. Le port d'armes est interdit sur l'ile , mais il semblerait que  76000 armes soient détenues dans tout le pays...

Mercredi 15 : " Le dégel électoral a été prononcé et le peuple continu de s'enflammer... D'autres milices se créent, la défense des habitants. Les armes sont sorties. Les larmes et l'angoisse sont confinées dans toutes les maisons.

TÉMOIGNAGES

" Préparons nous à des moments qui risquent d’être difficiles,  nous dit Chantal, une habitante de Nouméa. Il fallait attendre.. discuter.. parler.. temporiser et trouver des compromis.. C’est ce qu’aurait fait de vrais leaders.. Mais à la place ils empirent les choses ! "

Interrogée sur le terme "on est chez nous" elle nous donne sa position : " on est chez nous" revêt une signification profonde et ancrée dans l'histoire et la culture du peuple Kanak. Il s'agit avant tout d'une affirmation identitaire et d'une revendication de l'héritage culturel et historique qui a façonné leur civilisation. Les noms Kanak, enracinés dans les montagnes, les vallées et les rivières de la Nouvelle-Calédonie, ne sont pas simplement des étiquettes, mais des symboles porteurs de l'histoire, de la culture et de l'organisation sociale et politique de ce peuple. Depuis plus de 3000 ans, ces noms structurent le cadre de vie des Kanaks, définissant non seulement les individus, mais aussi leur place et leur rôle dans la communauté.

Avec l'arrivée de la colonisation, car oui la Nouvelle Calédonie est bien une colonie française, une grande partie de cette culture et de cette civilisation a été bouleversée, voire effacée. Ce qui reste aujourd'hui, ce sont des fragments de cette riche culture, préservés par les noms et les traditions qui ont survécu.                                                                            Dire "on est chez nous" dans ce contexte, ce n'est pas un discours d'exclusion ou de racisme. C'est une déclaration de souveraineté culturelle, une revendication du droit à exister et à préserver une identité unique face à des forces historiques qui ont tenté de l'effacer. C'est une expression de la résilience et de la continuité d'une civilisation qui, malgré les défis, continue à affirmer son existence et son droit à la reconnaissance... ".

 Écouter un témoignage : Écoutez IC I:  Les mamans kanaks résistent , sans armes...pour le moment.

Contactée via WhatsApp, Joséphine, 22 ans éclate en sanglot. Depuis toute petite elle se sent tiraillée entre les deux principales communautés. " Notre drapeau est reconnu à travers le monde comme un symbole de liberté, et d'un autre côté comme une force écrasante. Mais voila Nous avons cinq drapeaux c'est difficile à vivre ” ( voir en fin d’article ) 

Depuis samedi 18 , l’apaisement semble commencer à reprendre son cours.  

Cependant bien des gens ont faim et se restreignent sur leurs réserves, quand ils en ont. L'approvisionnement est extrêmement compliqué. 

" C'est régime forcé, nous dit Lili de l’île en essayant de retrouver son humour,  on se plaint tellement tout le temps de nos kg en trop, ben voilà!"

A cette heure, de nombreux  messages de Paix sont envoyés de toutes part, de toutes les communautés, par quasiment l'unanimité de la population Calédonienne.

Des dizaines de groupes sur Facebook  se sont ouverts pour venir en aide à la population. Les voisins sont solidaires entre eux . Des groupes de paroles, des groupes de prières, se forment depuis jeudi. Aujourd’hui le ravitaillement se fait au compte goutte. Des groupes de jeunes, kanaks et autres, sillonnent les rues pour apporter directement des denrées aux personnes ne pouvant se déplacer. La pénurie de médicaments commence  à se faire sentir.  Les routes ne sont pas totalement ouverte. Des blindés sont en train de " déblayer les ronds points " ( pour rappel, la Nouvelle Calédonie est une base militaire française ... ). Les milices armées  n'ont pas baissé la garde. 

Lien vers une des pages de solidarité: ACTION SOLIDAIRE. 

Petite vidéo de coeur:  Petite Vidéo de coeur

 Ce dimanche 19 mai, 16 h 09 France...  1 h 09 Nouméa...

Rien n'est terminé. Des coups de feu retentissent toujours dans bien des quartiers. " On reste confinés même si on commence à sortir pour nous ravitailler . Mais les magasins sont vides, pillés . Il ne reste pa grand chose. La police, les militaires sont là ... Oui, mais  moi ça ne ma rassure pas, s’inquiète Tomasi . Yaëla, en colère rajoute: Au contraire. J'ai peur des réactions de ces petits groupes de jeunes manipulés par des perturbateurs! J'ai peur que tout recommence... Vous comprenez ça vous les blancs de métropole ?? ... ".  

Un Peu d'histoire :

L'histoire de la Nouvelle-Calédonie est profondément marquée par les révoltes anticoloniales, en particulier celles des Kanaks, le peuple autochtone de l'archipel. Lorsque la France prend possession de ce territoire en 1853, elle le transforme rapidement en colonie de peuplement. Ce processus rappelle celui observé en Algérie. Les autorités coloniales françaises y construisent des bagnes et y déportent des opposants politiques, parmi lesquels des figures emblématiques telles que la communarde Louise Michel et des Kabyles opposés à la colonisation de l'Algérie.

L'instauration de la colonie entraîne la création de réserves pour les "indigènes" kanaks. Ces derniers sont non seulement dépossédés de leurs terres, mais aussi soumis au travail obligatoire. Cette spoliation et les conditions de vie imposées aux Kanaks exacerbent les tensions, menant à des révoltes.

L'une des révoltes les plus significatives éclate en 1878, en réponse directe à la spoliation des terres par les colons européens. Comme le souligne l'historien calédonien Jerry Delathière, les Kanaks entretiennent un lien profond et sentimental avec leur terre, qui dépasse de loin une simple utilité économique. Cette insurrection est marquée par une grande violence : environ 600 Kanaks et 200 Européens trouvent la mort. De plus, plusieurs tribus sont décimées et environ 1 500 Kanaks sont contraints à l'exil.

Cet épisode de 1878 illustre bien les luttes des Kanaks pour la préservation de leur identité et de leurs terres face à la colonisation française, marquant un tournant important dans l'histoire de la Nouvelle-Calédonie.

LES DRAPEAUX 

La Nouvelle-Calédonie, bien que n'ayant pas de drapeau officiel propre, utilise le drapeau français en tant que symbole national.

Cependant, pour refléter la diversité et l'identité locale, chaque province de la Nouvelle-Calédonie possède son propre drapeau ou logo distinctif. Voici un aperçu des drapeaux des trois provinces :

Province Sud : Le drapeau de la Province Sud présente un fond bleu, symbolisant la mer, avec une silhouette blanche de la Nouvelle-Calédonie en son centre. Le bleu représente aussi le ciel et la tranquillité, tandis que la silhouette blanche met en avant la forme unique de l'archipel.

Province Nord  : Le drapeau de la Province Nord est vert, illustrant la végétation dense et la nature luxuriante de cette région. Au centre, une silhouette blanche de la Nouvelle-Calédonie est également présente, mettant en avant l'importance de la terre et de la nature dans la culture et l'identité de cette province.

          Province des îles Loyauté  : Le drapeau de la Province des îles Loyauté est bleu, symbolisant l'océan entourant les îles, avec une silhouette blanche de la Nouvelle-Calédonie au centre. Le bleu peut aussi représenter la sérénité et l'harmonie présentes dans cette région insulaire.

Ces drapeaux provinciaux, bien que non officiels au niveau national, sont couramment utilisés pour affirmer une identité régionale distincte et pour souligner la diversité culturelle et géographique de la Nouvelle-Calédonie.

Si vous souhaitez en savoir plus sur les débuts de la colonie française quant au peuple Kanak:

 Kanaks parqués dans des zoos en France et en Allemagne, Autriche...

"... La dernière Exposition coloniale internationale de Paris ouvre ses portes le 6 mai 1931 à la Porte Dorée et sur une grande partie du bois de Vincennes.... pour des dizaines de Kanaks, une autre histoire va se dérouler. Sordide.

En marge de l’exposition, la Fédération française des anciens coloniaux en « recrute » une centaine, pour les exhiber au Jardin zoologique d’acclimatation du bois de Boulogne. Vous avez bien lu, dans un zoo ! En fait de recrutement, les Kanaks sont complètement dupés....". LIRE L'ARTICLE ICI

AUJOURD'HUI

" Les députés de Guyane, de Guadeloupe, de Martinique mais aussi de Tahiti et de La Réunion ont tous pris la parole dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale pour demander avec force le retrait du projet de loi constitutionnel sur la Nouvelle-Calédonie et affirmer leur solidarité avec la lutte du peuple kanak". LIRE L'ARTICLE ICI

*Les photos proposées dans cet article viennent d'échanges avec des habitants sur place.  

Anne Hélène Gramignano , médium vivant à Nouméa, était venu donner une conférence sur " et si la mort n'existait pas ",  à Pavie, Samatan et Lombez en avril 2023 . Elle lance un appel à la paix sur sa page YouTube.