La mounjetado de la Maria ou le temps des haricots

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L'automne fait resurgir dans la mémoire des anciens le souvenir des travaux des champs aujourd'hui oubliés et des événements qui les accompagnaient...

Revenons sur nos pas...

Voici l'histoire de la moujetado de la Maria que racontait un papi qui lui-même la tenait de son arrière grand-père !

Ernest et Maria étaient propriétaires d'un petit lopin de terre et élevaient 6 vaches et 4 brebis.

Un modeste champ était réservé au maïs et...au haricot dit « tarbais grimpant ».

Ernest n'avait cure des théories agricoles qui disaient que deux graines dans le même sol ne pouvaient donner que deux récoltes médiocres !

Il préparait la parcelle de terrain par un labour profond puis il apportait là le fumier de l'étable qu'il mélangeait à la terre avec la herse à dents.

Il laissait passer l'hiver pour que les grosses mottes s'effritent.

Au printemps il passait la herse, puis le rouleau pour faire un sol bien lisse où l'on allait planter les haricots et le maïs, au diable la théorie !

Avec un cordon, il plantait sur une même ligne mais et haricot. Le pied de maïs était un excellent support pour le haricot qui grimpait le long des tiges.

Ernest entretenait bien ce carreau et n'y laissait aucune mauvaise herbe.

Arrivait l'automne, le moment d'arracher les pieds de haricots pour les battre.

Ce travail se faisait de bonne heure le matin tant qu'il y avait de la rosée pour ne pas égrener.

On arrachait les pieds et on en faisait de petits tas que l'on portait au bout du sillon dans de grands draps qu'on nouait aux quatre coins pour les charger sur le char à quatre roues.

Ernest avait déjà préparé à la ferme le pâtus le mieux exposé au soleil pour en faire son aire de battage.

Depuis plusieurs jours, il stockait dans une comporte des bouses de vache. Mélangée à de l'eau, cette pâte était étalée sur la surface de l'aire de battage.

Elle séchait et donnait une surface cimentée idéale pour la tâche à accomplir.

On y étalait les pieds de haricots que l'on laissait sécher au soleil.

Puis, muni du fléau - cet outil constitué de deux barres de bois reliées par un lien de cuir-  Ernest battait les tiges, les gousses éclataient et les gros haricots blancs tombaient sur le sol.

Le soir, on recouvrait le tas de haricots d'une bâche en toile de lin.

Le lendemain matin, dès les premiers rayons de soleil, Ernest enlevait la bâche, étalait les haricots sur une épaisseur de 2 ou 3 cm et les laissait sécher.

Quand ils étaient bien secs, c'était l'opération nettoyage.

On sortait le gros ventilateur avec de grandes pales qui permettait de chasser les déchets du battage pour ne garder que les haricots blanc argent.

On éliminait les haricots charançonnés mais on les réservait pour les charivaris ! En effet, lors de ces manifestations, ces haricots permettaient de relier deux maisons occupées par un couple illégitime !

Maria arrivait alors avec de petits sacs de toile garnis dans leur fond d'un petit pot rempli de liquide pour lutter contre les insectes.

Les petits sacs étaient portés à la cuisine car ils ne devaient pas prendre l'humidité.

Durant tout l'hiver, les haricots figuraient au menu sous différentes formes dont la fameuse moujetada de la Maria.

Quand elle réalisait sa moujetada, on invitait le voisinage.

Au milieu de l'immense table de chêne, trônait une énorme marmite rouge fumante.

Au début du dîner, on n'entendait pas un mot puis des voix s'élevaient : « Cette année, tu l'a réussie ! », « Elle est meilleure que l'en passé ! »

Pour le dessert, les convives avaient apporté des douceurs.

La tradition voulant qu'on ne dévoile pas à l'avance ce que l'on porterait, on avait souvent des doublons : pastis gascon, tourteaux, montagnes de crêpes !

On apportait aussi de la pâte à gaufre, des gaufres plates qu'on faisait cuire sur le feu dans les gaufriers aux motifs divers, village, fleurs, animaux...

Des gaufres que l'on tartinait de confiture de l'année de prune, de pêche, de fraise...

On passait une excellente soirée.

Ernest se montrait très touché car comme chaque année on lui avait offert une pipe nouvelle et un briquet à pétrole et à pierre.

Il remerciait les convives... d'un grand "écharouille" (comprenne qui pourra...) !

Quant à la recette de la moujetada de Maria – sans aucune doute une sorte de cassoulet – elle n'a pas traversé les années contrairement à la soirée qui accompagnait sa dégustation !

Pierre DUPOUY

Illustration-titre : dessin d'enfant après la lecture d'un texte "le bousage du sol pour dépiquer les haricots" 

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