Lou destanadé, une corvée que l'on ne connaît plus aujourd'hui, même le mot n'est plus connu que des anciens !
Lou destanadé avait lieu en automne, vers la mi-novembre.
Les fermes cultivaient toutes un petit champ de maïs pour engraisser les oies, les canards et le cochon ; le reste était pour les poules.
Avant la récolte, on enlevait les têtes des épis de maïs qu'on portait en brassées dans les râteliers des vaches. Comme à cette époque de l'année, les pâturages étaient maigres, les bêtes étaient contentes de retrouver un peu de « verdeur » dans le râtelier.
Le maïs est une culture particulière car elle demande peu d' entretien. On le sème dans une terre grasse et lourde de ferments.
On le semait avec un semoir fabriqué par les établissements Benac, un semoir qui semait à la fois un grain de maïs et un grain de haricot.
En effet, le haricot allait pousser autour de la tige de maïs et grandir.
Les théories agricoles disaient « jamais deux cultures en même temps ».... C'était faux car on obtenait de beaux moujetos que l'on ramassait avant le maïs.
On décidait d'une journée pour aller ramasser le maïs.
On prenait les baquets encore poisseux des vendanges, on passait dans les rangs, il n'y avait plus de feuilles, on ramassait les épis.
Une fois le baquet plein, on les versait dans la remorque dont on avait remonté les bords pour en emporter le plus possible. La remorque pouvait se renverser et quand on avait tout ramassé, on déversait les épis dans une grange ou dans l'étable.
C'était alors le moment du destanadé, c'est-à-dire du dépouillage : on enlevait les spathes qui cachaient l'épi.
Dans les granges, il ne faisait pas toujours chaud, on préférait la chaleur de l'étable.
On prévenait le voisinage de la séance de destanadé qui se ferait en soirée.
Les hommes se mettaient ensemble, parlaient de leurs difficultés, les dames échangeaient des recettes, les jeunes se mettaient dans un coin de l'étable un peu sombre.
On pouvait entendre un bruit de claque donnée par celle qui avait reçu un baiser volé!
La vengeance ne se faisait pas attendre ! Certains épis avaient la maladie du charbon et le grand jeu était de prendre du charbon et de barbouiller les joues des copains.
Les lampes-tempête éclairaient difficilement les lieux, le verre étant empli de fumée !
La pendule sonnait minuit.
C'était l'heure tant attendue, tout le monde se levait, secouait ses vêtements et gagnait la cuisine dans laquelle brûlait lou huec bataillé, un bon feu dont les flammes montaient jusqu'à mi-cheminée. Au-dessus, une marmite contenant les châtaignes.
Les convives coupaient des tranches du pain de 4 kilos que l'on tartinait de pâté ou que l'on recouvrait de jambon grillé, des tranches de jambon bien épaisses.
La grand-mère n'avait pas oublié de confectionner un pastis ou un tourteau « étouffe-chrétien » que l'on faisait passer avec du vin nouveau.
Il y avait en effet sur la table du vin de l'année qui pétillait encore un peu, « meilleur que celui de l'an passé ».
Ceux qui n'aimaient pas les châtaignes bouillies s'en faisaient griller dans une poêle trouée. Quel plaisir de décortiquer la châtaigne grillée avec le craquement de la coque grillée !
On dégustait aussi les fruits de saison.
Là on ne parlait plus affaires, on racontait des farces ou on poussait la chansonnette.
Pour rentrer chez soin, on remettait les grosses vestes, les bérets, les cache-nez et on repartait à travers champs non sans quelques chutes dues au vin nouveau !
C'est une corvée qui a disparu. C'était un moment de rencontre, d'échange, de solidarité que l'on se plaisait à multiplier.
C'est maintenant une grosse machine conduite par une seule personne qui ramasse les épis, les égrène...
Pierre DUPOUY