L'affaire Pissambert-Labal, une affaire bien empoisonnante !

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Mercredi 22 février, la section locale de la société archéologique du Gers avait convié Pierre Dutil pour nous parler d'une affaire qui avait à l'époque défrayé la chronique dans le condomois et bien au-delà, l'affaire Pissambert-Labal.

Pierre Dutil est chercheur et contributeur de la société archéologique du Gers.

Il s'intéresse, entre autres sujets, aux affaires criminelles gersoises.

Il travaille actuellement sur l'affaire Antoine Cezan, l'assassin de Montreal du Gers né à Vic-Fezensac.

Comme l'a souligné Chritiane Georgen dans sa présentation, « on dit parfois qu'il ne se passe pas grand-chose dans le Gers, l'exposé de Pierre Dutil va nous prouver le contraire ! »

C'est en effet une affaire diabolique que va nous narrer Pierre Dutil.

Son récit, établi à partir de recherches minutieuses et émaillé de quelques pointes d'humour, va captiver son auditoire.

En introduction, Pierre Dutil nous rappelle que le poison était depuis l'antiquité l'ingrédient le plus souvent utilisé dans la recette du crime parfait : il ne coûte pas cher, il est facile à administrer et donne l'illusion d'une mort naturelle.

Encore faut-il être discret, et ce ne fut pas le cas dans l'affaire qu'il nous raconte.

Joseph Pissambert est né en 1824 à Valence. Il apprend le métier de menuisier comme son père.

A l'âge de 21 ans, il épouse Ursule Launay 16 ans.

Le couple s'installe à Condom avec comme plus proche voisin, la famille Labal.

Joseph Labal est commissaire de police à Condom et il doit, entre autres missions, constater l'abandon des nouveaux-nés et établir un procès verbal qui donne lieu d'acte de naissance.

Pierre Dutil précise que l'abandon d'enfants était une pratique courante au milieu du XIXème siècle ; les enfants étaient recueillis dans un hospice avant d'être placés dans des familles.

Il a relevé en 1836 324 abandons d'enfants.

Le15 février 1833, Joseph Labal constate l'abandon d'un nouveau né qu'il prénomme Quitterie Josephe, détail qui aura une importance dans la suite de l'histoire.

En 1842, Joseph Labal épouse Marie, née à Vic-Fezensac.

Tous deux déclarent qu'il est né d'eux un enfant de sexe féminin inscrite à l'Etat Civil le 15 février 1833, Quitterie Josephe prénommée à ce moment-là Quitterie Marie.

Ils la reconnaissent pour leur fille .

Le temps passe, nous sommes en 1853, Quitterie a 20 ans et Joseph Pissambert se prend d'affection pour sa jeune voisine tandis qu'il délaisse son épouse Ursule.

Il l'accompagne dans les bals et écarte les éventuels prétendants, cela sans grande discrétion.

Il est en revanche plus discret quand il rend visite à sa proche voisine grâce à une ouverture pratiquée dans le grenier qui lui permet d'accéder dans la maison Labal.

Au mois d'août 1853, Ursule âgée de 24 ans tombe subitement malade avec des symptômes tels une soif permanente, des douleurs abdominales devenant insupportables, des nausées, des vomissements...

Son « très dévoué » époux lui prodigue les soins les plus affectueux et éloigne les proches, y compris sa belle-mère.

Sa « très serviable » voisine Marie Labal veille le jour alors que Joseph s'occupe de son épouse la nuit.

C'est Marie Labal qui prépare les repas et les boissons et elle écarte elle aussi toutes les visites qu'elle juge inopportunes même celles de la mère d'Ursule.

Elle encourage Ursule à faire son testament désignant Pissambert comme légataire universel.

L'état de santé d'Ursule s'aggrave peu après la signature du testament.

Finalement, elle succombe d'un mal inconnu le 30 novembre 1853 à l'âge de 23 ans.

L'attitude équivoque de son époux qui ne semble guère affligé commence à susciter des interrogations dans le quartier.

Trop bavard, il se vante d'être fortuné et annonce son mariage avec Quitterie.

Ce mariage est célébré le 18 janvier 1854, soit 1 mois et demi après le décès.

Joseph Pissambert commence à prendre conscience des doutes qui s'installent dans l'opinion publique et il tente alors de se justifier, il aurait été contraint à ce mariage, il ne veut pas de mariage religieux...

La rumeur se répand vite : Ursule serait morte empoisonnée et Marie Labal aurait aidé Pissambert.

Une autre rumeur va accélérer la suite des événements : 3 ans auparavant, la famille Labal serait venue charitablement en aide à leur voisine, une veuve, et en reconnaissance, elle aurait fait un testament en leur faveur. Cette personne décédera étrangement le 20 février 1851 d'un mal inconnu.

Il n'en fallait pas plus pour que la machine judiciaire se mette en marche.

Le corps de la veuve est exhumé mais son état ne permet pas de pas de déterminer les causes du décès.

Ursule est alors exhumée le 25 juin 1854 et les médecins légistes découvrent la présence d'une « matière noire, abondante, brillante, à reflet métallique »

Il est alors clairement établi qu'il s'agit de poison, du sel de chlore plus précisément ingurgité de son vivant en en quantité suffisante pour entraîner la mort.

La justice est donc face à un empoisonnement dont elle doit rechercher les auteurs.

Pissambert est arrêté et mis en détention alors que Marie Labal est laissée en liberté.

Les 15, 16 et 17 juillet 1854, tous deux comparaissent devant la cour d'assise du Gers.

Les deux accusés minimisent les faits qui leur sont reprochés

Pissambert reconnaît avoir eu en sa possession de l'extrait de Saturne qu'il utilisait pour ses vernis de menuisier et dit qu'il en a fait prendre à sa femme tout en ignorant que c'était du poison.

Il se dit innocent et tente de faire retomber la responsabilité de l'empoisonnement sur sa belle-mère laquelle le tient pour responsable.

De nombreux témoins et experts sont appelés à la barre.

Dans un traité du XVIIIème siècle, il est dit que l'extrait de Saturne pouvait être utilisé pour cicatriser les blessures externes.

Pissambert avait il connaissance de ce traité ? Peut-être a-t-il supposé que si c'était bon pour l'intérieur, c'était bon pour l'extérieur... !

Le 17 juillet, le jury se retire pour délibérer et revient 1 heure après pour désigner Pissambert coupable comme auteur et la femme Labal coupable comme complice.

La cour prononce la peine de mort contre les deux condamnés.

L'exécution doit avoir lieu sur la place publique de Condom.

La peine de mort de Marie Labal est commuée en travaux forcés à perpétuité, peut-être grâce à l'influence de son mari, commissaire.

Le 14 septembre au petit matin, Pissambert est conduit en calèche de la prison d'Auch à Condom.

La foule est estimée à 20 000 personnes par le Courrier du Gers.

Au pied de l'échafaud, Pissembert clame son innocence.

Pierre Dutil malgré ses recherches ne retrouve trace ni de Joseph Labal ni de leur fille.

Pas de trace non plus de Marie Labal condamnée aux travaux forcés.

Quoi qu'il en soit, Pierre Dutil conclut par ces mots : « L'ancien commissaire de police a dû trouver cette affaire bien empoisonnante. »...

D'après l'exposé de Pierre DUTIL 

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