Depuis quelques jours, les affiches des candidats à l’élection présidentielle ont pris place sur les panneaux métalliques réservés à cet effet à proximité des bureaux de vote, une réglementation stricte que l’on ne peut enfreindre sous peine de sévère amende.
A l’époque où j’étais colleur d’affiches avec mon collègue Eugène, la réglementation était beaucoup plus souple !
C’était l’époque où nous utilisions des kilos de colle pour mettre les affiches un peu partout.
Le parti de gauche était géré par deux dames de caractère qui avaient quadrillé la ville de Vic et les les alentours pour répartir la distribution des tracts et le collage des affiches.
Lorsque nous arrivions au siège, elles nous disaient : « Vous avez telle partie à couvrir » et on devait obtempérer !
Avec Eugène, nous étions chargés de tous les villages du canton.
Nous commencions par Roquebrune sur une porte de la mairie puis Bazian dans le hall d’entrée de l’épicerie…
Dans certaines petites communes, nous nous demandions où nous allions pouvoir coller les affiches.
A Mirannes, par exemple, il n’y avait que l’entrée de l’église !
C’est ainsi qu’un soir, le maire du village ayant entendu du bruit était sorti et nous avait invités à prendre le café puis il nous avait proposé sa porte pour coller notre affiche !
Nous avions échangé quelques idées avec ce maire de gauche bien connu pour son appartenance politique.
Nous continuions notre périple, Riguepeu, Callian, Cazaux, Lagraulas, Le Parré, Lupiac, Préneron, tous les villages aux alentours de Vic.
Nous passions des soirées bien sympathiques car nous en profitions aussi pour nous amuser un peu !
Un soir, en rentrant de notre périple, on croise à Saint-Jean Poutge des gens d’un autre parti en train d’afficher.
Avec mon appareil photo, je les flashe depuis la voiture.
Les afficheurs de tous les bords se retrouvaient ensuite au café de Jean Ducousso pour discuter en toute convivialité.
Ce soir-là, un colleur d’affiche de droite s'inquiète : « Ce soir, on a été pris en photo, j’ai vu un flash à trois reprises. On nous surveille, il faut faire attention ! »
Pour accroître son inquiétude, j’avais renchéri : « Nous aussi, on a été pris en photo ! », ce qui n'avait pas manqué de lancer une discussion autour de suppposés espions !
Le parti socialiste avait obtenu une affiche de François Mitterrand de la taille d’une porte et se demandait ce qu’il allait en faire.
Nous nous sommes rendus chez un commerçant bien connu pour son appartenance au parti de de droite et nous avons affiché sur la porte coulissante de son magasin la photo de Mitterrand.
Le propriétaire avait l’habitude d’ouvrir sa porte coulissante d’un coup d’épaule sans regarder puis ils rentrait dans son magasin.
Arrive un client qui lui dit : « Tu as changé de parti ? »
Il sort et découvre la photo. Il a tout de suite compris qui lui avait fait la blague. C’était un ami...
Il a d’ailleurs laissé l’affiche toute la journée, histoire de faire parler les habitants !
Je me souviens aussi de cette dame qui systématiquement et sous nos yeux évidemment déchirait les tracts qu’on déposait dans sa boîte aux lettres.
Nous nous empressions d’en glisser de nouveau un paquet dans sa boîte dès qu'elle avait tourné le dos !
J’ai arrêté mon travail d’afficheur le jour où j’ai estimé que je me battais pour des gens qui une fois élus se montraient malhonnêtes et manquaient de solidarité envers les gens qui les avaient portés au pouvoir.
Ce que j’ai certainement le plus regretté, ce sont ces moments de convivialité partagés avec mes collègues colleurs d’affiches de tous bords !
Aujourd’hui, tout est strictement réglementé, les panneaux, l’ordre dans lequel les affiches sont collées – il est tiré au sort par le conseil constitutionnel- leur nombre selon le nombre d’électeurs…
Les colleurs d'affiches ne doivent pas s'amuser comme nous le faisions !
Ces affiches ont-elles un impact sur les intentions de vote ? Rien n’est moins sûr…
Photo-titre - qui prouve qu'on peut rire encore en affichant ! - : le street artist EFIX a eu l'idée de remplacer les vrais candidats par les célèbres personnages de l'artiste britannique Roger Hargreaves à Montpellier
Pierre DUPOUY