11 Novembre

Témoignage

 Le   6 Novembre   1981, une  classe  du collège  , spécialiste  de  la «  Chasse  au son »   et  participant   à  des concours   de  témoignages ,  rencontrait    Georges   Saint   Paul,   nonagénaire  avec   une mémoire      remarquable  .Les  enfants    lui   tendaient    le micro   d’un magnétophone à    bande , ils  avaient   fait  ensuite  le  script.Un  des  apprentis  reporters   a  retrouvé  ce  document   légèrement    froissé  et  jauni « Il   ouvrait  le dialogue : »    j’ai  connu  l’enfer  des tranchées » 

Quand   avez –vous   été  mobilisé ?

Georges    Saint   Paul :  Le  11 Novembre  1913, j’avais   gagné   Agen pour faire  mes  trois  ans de  service  militaire  dans  le  9e régiment    d’infanterie .J’étais   revenu en  permission  et    profitait  de cette   journée  de  détente   pour    aller  pêcher  les  écrevisses  dans  la  Mouliaque  à  BAZIAN ; .A mon   retour  les  gendarmes   m’attendaient, l’ordre de  mobilisation    était  tombé  et  je devais   rejoindre  immédiatement  mon unité   à Agen  .Le  5  Août   nous partions     direction Valmy  dans   un enthousiasme  délirant .La population   des villes  que  nous traversions   nous    faisait   fête  ,  nous montrions  nos   cartouchières   et  on chantait  «   des  pruneaux   d’Agen   pour les Allemands  à Berlin «  .Nous   pensions  que  nous serions   rentrés   dans  nos foyers   à Noël .

 

Où   avez –vous   rencontré  vos  ennemis   pour  la  première fois   ?

G. Saint  Paul :  Nous   avions  à Florenville «  descendu »  un  avion  ennemi, il   s’est  écrasé  dans   un champ  et nous avons  fait  les   deux  aviateurs   prisonniers  . Puis     ce fut   la bataille de  la Marne …j’y   étais .Un  soir   nous avons  pris  position  derrière   un talus   couronné  d’une   haie, les    mitrailleuses   ennemies    cisaillaient  les  arbustes .Après   une  accalmie, nous reprenions   la position  de  combat , sur quatre  colonnes  ,  la tête   courbée  dans le  dos  de celui   qui  vous précédait et  le sac en coussin  de protection    sur la  nuque .Mon   copain  , Miraben  est tombé  blessé  à mort   à mes   côtés , nous    l’avons  enseveli   dans  le   trou  qu’avait  creusé  l’obus  qui venait  de  le tuer  . Dans  une  bouteille  , j’ai  mis son nom      et  son numéro  matricule . En  plus  des  balles  ennemies  nous  étions  parfois   victimes    de l’artillerie   française   placée    à l’arrière , un  tir   mal  réglé ou  des  canons  fatigués  et   les   obus  éclataient  dans  les  tranchées   françaises  .

 

Justement    cette   guerre   des  tranchées  ….

G .Saint  Paul :  Terrible   ce qu’on demandait  aux  soldats   du  service  «  génie » , aller   couper les  barbelés pour  permettre   l’assaut  des   fantassins, le   moindre   mouvement   était   perçu  par l’ennemi qui  savait  où  diriger  ses  tirs .Dans  les   corps  à corps  dans  les tranchées   , j’ai   été  témoin de  part et d’autre    d’actes  criminels , j’étais  soldat   mais  pas  assassin.Un  jour    j’ai libéré   deux  jeunes Allemands  qui  étaient  enchaînés à  leur  canon    pour ne pas  s’échapper ,ils   étaient   blessés  ,  j’espère   qu’ils  auront  été    récupérés par   les  services  sanitaires .

 

Avez – vous   été    blessé ?

G,Saint   Paul :   Dans  les  évènements   que  je viens de  vous raconter , le facteur chance  est  primordial .Ma   seule  blessure    fut   un   éclat   d’obus   qui  déchira   ma jambière  .J ‘avais   un appareil photo  et   nous   voulions  faire  la   photo  souvenir,un  copain installe  l’appareil  sur  des  caisses  , elles   contenaient  des  grenades , un tir    ennemi   et ce fut   l’explosion, il  fut   tué  sur  le  coup  et moi  je ne recevais  qu’un  petit   éclat

 

Comment    avez-vous   appris  la  fin  des   hostilités ?

G ;Saint  Paul :   J’avais   été versé  dans   une  section  téléphoniste , et  alors que    j’étais   à l’écoute  , j’ai   entendu que  les    plénipotentiaires  se rencontraient  pour   la fin  des   combats ;J’informais  les  copains  et nous avons    fait  la  fête ;Dans    vos  livres   d’histoire , la    guerre  de  14  est  contée  en  quelques  pages , victoires  , défaites , mais  on oublie  la  souffrance   de ces milliers de  soldats .Quelle  idiotie  la guerre, quand   je pense  que  de   notre   tranchée  ,on  voyait  la fumée  des pipes  des Allemands   dans   la tranchée    toute  proche.  

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