Depuis des mois, tous les soignants se sont impliqués sans compter dans la lutte contre le coronavirus. Une mobilisation sans limite, qui affole même le rythme de la vie.
Le communiqué du ministère des Solidarités et de la Santé du 15 avril 2020 stipule bien : « Afin de reconnaître pleinement cette mobilisation, une prime exceptionnelle sera attribuée aux professionnels hospitaliers dès le mois de mai (…); à cette prime exceptionnelle succèdera, après la crise, la réflexion indispensable et concertée sur la revalorisation des métiers et des rémunérations. ». Et non pas une dévalorisation de la profession…
Pourtant, le 16 juin, c’est bien une marée humaine de blouses blanches et bleues qui a déferlé vers l’avenue Ségur, menant au ministère en question. Pas pour demander l’aumône, comme ces primes qui ne viennent pas et qui ne seront finalement accordées que sous X conditions, ou ces « médailles de l’engagement » qui leur seront remises le 14 juillet.
Les héros sont fatigués, mais plus encore, ils sont révoltés. Ils veulent un salaire digne de ce nom, des effectifs suffisants, des lits pour tous les patients. « Des postes, des salaires, pas des médailles », « La prime ne nous fera pas taire » ont scandé les troupes, face à un gouvernement… tire-au-flanc.
Restons donc dans le domaine de la guerre, terme largement entendu ces derniers mois de la bouche de nos dirigeants.
Une action militaire implique un budget conséquent (celui des Armées s’élève à 37,6 milliards), un gros armement et une lourde technologie.
Dans une armée en mouvement, on trouve d’abord sur le front ceux qui sont tout désignés pour combattre en première ligne, en prenant le risque de périr avant les autres.
Sur les flancs (dénomination utilisée dès le 16e siècle), dans une topographie plus calme, se situent plutôt ceux qui se dérobent, qui cherchent à éviter l’affrontement. Parfois en rusant. Le sens de « tirer » s’entend ici comme « se tirer », déguerpir, à l’image des militaires (de tous grades) qui se faufilent sur les côtés.
Hors de toute référence martiale, un tire-au-flanc désigne alors celui qui cherche à échapper à une corvée, à des obligations.
« Dans les hôpitaux, ni oubli, ni pardon, on n’est pas de la chair à canon ! », « Plus d’infirmières, moins d’actionnaires ! », « Soignants, pas mendiants ! »… pouvait-on lire sur les pancartes déployées le 16 juin.
Pendant ce temps, depuis le 25 mai, les dirigeants des organisations syndicales sont confinés pour sept semaines au « Ségur de la santé », dont rien ne filtre. Faudra-t-il donc patienter jusqu’au 14 juillet, jour de remise des médailles, pour savoir comment l’État entend remercier ses héros ?
N’est-il pas déjà axé dans les débats que la Sécurité Sociale (dont l’enveloppe sert aussi de rémunération au personnel soignant) devrait financer les 92 milliards d’euros « au titre des déficits futurs » liés au Covid, susceptibles d’être enregistrés d’ici 2023 ?
Illustration : Ernest Meissonier - Freidland (1807)