« Lace bien tes souliers, me disait-il, car la vipère n’est pas agressive mais si elle est dérangée, elle frappe fort avec ses deux crochets qui inoculent du venin. Il faut donc faire très attention et bien regarder où l’on met ses pieds car à cette heure-ci (il était 10 heures), elles sortent pour se réchauffer sur les pierres au grand soleil. Elles ne bougent pas mais attention à ne pas les déranger! "
Il y a, expliquait-il, une différence de température entre votre chaussure et la vipère et c’est ce qui déclencherait l’attaque.
La vipère, André Dumont, la connaissait parfaitement. J'ai bien connu cet erpétologue (spécialiste des reptiles) gersois réputé pour ses travaux.
J'ai récemment relu avec bonheur son ouvrage parfaitement documenté Mes vipères.
Il regorge d'informations sur ce reptile que l'on connaît mal.
Différence entre la couleuvre et la vipère
On dit que la vipère se dresse alors que la couleuvre ne peut le faire.
Mais la différence essentielle entre une vipère et une couleuvre, c’est la pupille.
La vipère a la pupille verticale alors que la couleuvre a une pupille bien ronde.
Le volume de la pupille de la vipère augmente ou diminue selon la luminosité.
Dans notre région, c’est la vipère Aspic qui est la plus répandue.
Baignez-vous sans crainte dans les rivières même si vous y voyez des serpents. On ne verra jamais de vipères dans l’eau. Ce sont des couleuvres vipérines totalement inoffensives.
En revanche, soyez prudents quand vous vous promenez dans la campagne, au milieu des meules de foin, dans l'herbe sèche, parmi les vieilles pierres, les broussailles, le bois sec.
André Dumont raconte qu’un jour où il sortait avec un groupe, ils prirent place sous un vieux pommier doté d'un énorme tronc. Une personne du groupe sentit tout d’un coup qu’elle était piquée aux fesses. Elle s’était assise sur une vipère !
Le vipère, un animal dangereux :
Elle possède des glandes qui contiennent du venin ; ses glandes se contractent lorsqu’elle attaque et ce venin passe par le canal de ses crochets qu'elle plante dans ses victimes.
Ce venin peut être mortel si on n'est pas pris en charge immédiatement..
La seule thérapeutique véritablement efficace est l'injection de serum anti-venimeux qui se fait à l'hôpital.
Le sujet « mordu » doit être allongé pour que le venin ne se répande pas dans le corps et rapidement pris en charge.
L'incision de la plaie, l'aspiration du venin ou le garrot ne sont pas recommandés.
Les légendes autour des vipères
Autrefois, les vipères était associées à la sorcellerie.
On les brûlait, on les jetait dans l’eau bouillante pour en faire des pommades.
On enfermait une vipère dans de l’eau de vie et cela faisait soi-disant un excellent remède pour soulager les maux d’estomac et les rhumatismes.
Un jour où j’avais de violents maux de ventre, un brave homme me donna une cuillerée de cette mixture.
Je ne sais pas si c’est la vue de la vipère dans la bouteille ou le liquide lui-même mais le mal de ventre m’est passé.
On racontait aussi que les petits mangeaient le ventre de la mère en naissant et qu’elle mourrait.
André Dumont dément cette légende. Il a assisté à de nombreuses naissances.
Les petits sortent du cloaque enveloppés dans une toile qu’ils déchirent avec la tête et filent dans la nature chercher leur nourriture.
Dangereuse...mais utile...
Elle se nourrit de mulots, ces rats des champs qui ravagent tout.
Elle pénètre dans les trous et va les chercher dans leur repaire. Les vipereaux les attrapent à peine sortis de leur mère.
Les spécialistes disent qu’un mulot croque 60 kgs de grains par an.
Une vipère sort environ 200 jours par an et détruit en moyenne 2 mulots par jour !
Ses détracteurs devraient donc faire leurs calculs et revoir leur position !
André Dumont était un homme qui s’était formé à l'école de la nature.
Quand commença le remembrement et qu'on se mit à arracher les haies, les arbres dans les campagnes, il écrivit une plaquette Plaidoyer pour une haie
Il a couvert à pied des kilomètres de champs, de bois. Il avait toujours sur lui des petits papiers sur lesquels il notait ses observations glanées au fil de ses promenades, observations qu'il était seul à faire.
Son travail fut reconnu et récompensé en 1976 de la médaille d’argent de l’Académie d'Agriculture de France.
J'ai une pensée émue pour cet ami qui venait souvent me voir avec dans sa caisse une vingtaine de vipères !
Ses vipères, il les envoyait à l'institut Pasteur pour la fabrication d'anti-venin.
Son ouvrage Mes vipères est toujours en vente et il vous apprendra beaucoup sur ce petit reptile surprenant.
Il débute ainsi : "Comme d'autres sont nés sous une bonne étoile, je suis né au milieu des vipères..."
Illustrations extraites du livre Mes vipères