Le jour se lève sur la ferme. La vie va redémarrer.
Pas de virus, pas de grippe aviaire et pourtant la volaille de la ferme est, chaque nuit, confinée au poulailler pour sa sécurité. Quand il fait mauvais, elle y passe parfois la journée.
Il n’y a pas de maladies, mais de nombreux prédateurs dont la fouine ou le renard.
Le soleil commence à paraître et la fermière ouvre la porte du poulailler.
Les poules s’envolent une à une pour se diriger vers le patus.
Le patus, c’est ce morceau de terrain qui est tout près du poulailler.
C’est là que la fermière leur jette des poignées de grain, un cocktail d’orge, de maïs, d’avoine, de blé qu’elle tire de son baquet.
Les poules se disputent les grains, alors que le coq leur abandonne cette nourriture pour grimper fièrement sur le tas de fumier et y pousser son premier cocorico.
Les pintades ont un esprit libertaire, elles ne veulent pas se laisser enfermer et se perchent sur les arbres où elles dorment pendant la nuit.
Elles sont très souvent victimes des prédateurs.
Ma grand-mère me racontait souvent que le renard patientait longuement en les regardant et quand enfin elles baissaient la tête, elles tombaient et il les croquait. Une belle légende qui pourrait se rapprocher de la fable de la Fontaine, « Le corbeau et le renard »
Les dindons sont également libérés et confiés à un gardien qui est souvent un enfant ou la mémé de la maison. Ils partent pour chaumer, c’est-à-dire ramasser dans les chaumes ce qu’il reste du blé après la moisson.
Le gardien est équipé d’une longue gaule dotée au bout d’ un chiffon rouge pour effrayer les dindons lorsqu’ils s’écartent du chemin.
Dans cet élevage, il y avait une dinde qui partait toute seule et allait dans la haie pondre un œuf.
Positionnée face à la haie, une chienne nommée Méra attendait pour manger l’oeuf.
Mon grand-père fit un jour chauffer un œuf dans la braise et lorsque la dinde eut pondu, il enleva son oeuf et le remplaça par l’oeuf chaud ; la chienne se brûla les babines. La leçon porta ses fruits, la dinde continua à pondre et on put enfin ramasser ses œufs.
Les canards sont lâchés vers la mare où ils vont passer la journée à plonger vers le fond pour essayer d’attraper quelques carpillons ou ils iront s’ébattre dans l’herbe de l’îlot central de la mare.
Les oies, elles aussi, prennent la direction de la nature puisqu’elles vont aller dans un bruit d’ailes et de jacassement vers la pièce de sainfoin ou de trèfle où elles vont pacager.
En absorbant cette herbe, leur jabot grossit et quand on va les gaver, elles pourront absorber davantage de maïs, ce qui les rendra plus grasses.
La journée est bien entamée. Tous les animaux sont dans les prés ou dans la mare et ils ne seront rassemblés que le soir où à l’heure solaire on les ramènera dans leurs locaux.
Ils seront de nouveau confinés pour la nuit, sauf les pintades qui resteront dehors pour attester de leur liberté au risque de finir sous les dents du renard.
Cet élevage de volaille dans les fermes avait à l’époque une importance capitale car c’était le revenu de la femme de la maison qui vendait sa volaille et ses œufs, le vendredi au marché, ce qui lui permettait d’acheter soit des vêtements, soit des chaussures ou un complément alimentaire et c’était un revenu précieux car les gens avaient à l’époque de petites exploitations.