Au fil des randonnées de la GV vicoise:

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Mardi 26 mars, secteur de Bezolles

La moutarde de Bezolles 

Quand arrivait la période du tue-cochon, chaque ménagère n'oubliait pas d'acheter le pot de moutarde de Bezolles qui accompagnerait la sanquette (sang du cochon avec une farce à l'ail, mie de pain, persil) cuite à la graisse d'oie à la poêle, la fricassée déjà relevée par un bouillon épicé.

Cette moutarde avait une teinte gris-noir et on précisait sur l'étiquette collée sur le verre : "Moutarde de Bezolles au moût de vin d'Armagnac, maison fondée en 1830"

Cette recette était détenue et exploitée par M.Bajan, demeurant dans la commune de Bezolles, au lieu-dit Maridan.

Dans le même temps, on trouvait dans les épiceries "la moutarde d'Ayguetinte, au moût de raisin d'Armagnac; recette du XVème siècle" Elle était la propriété de la famille Pandelé.

Alban Lajus qui fut le dernier fabricant, succédant à Jean Fitte, se souvient de la fabrication de cette moutarde :

"On broyait, avec des meules en silex, les graines de moutarde qu'on mélangeait à du moût de raisin, dans des proportions que j'ai oubliées. On y ajoutait de la cannelle, des clous de girofle, du poivre, du sel. Puis, tradition peut-être, on la "ferrait", c'est-à-dire qu'on plongeait dans le mélange une barre de fer rougie. On ne pouvait pas la commercialiser toute l'année car, passé l'hiver, elle avait tendance à fermenter, la garce!"

L'affaire industrialisée

Bajan livrait sa moutarde dans les épiceries dans des bidons et on détaillait à la louche, le client portant son récipient. Le 28 août 1941, Jean Fitte achète devant Maître Dumas, notaire à Valence, "le fonds de commerce de fabrication de moutarde au moût de vin du Gers, exploité par M. et Mme Bajan, à Bezolles". Les vendeurs présentent à l'acquéreur le chiffre d'affaires des trois dernières années: 1938 : 2.110 francs, 1939 : 2.384, 1940 : 2.016 avec une déclaration de "bénéfices commerciaux" de 200 francs pour chacune des années. 

Ce fonds est vendu 8000 francs. Jean Fitte achète également le matériel, à savoir une chaudière en cuivre  de 650 kg environ estimée, vu son degré d'usure, 800 francs, une autre chaudière en cuivre d'un poids de 400 kg, 600 francs, un moteur usagé marque Japy force 3 cv, 700 francs, une meule en silex, très ancienne, d'une valeur de 400 francs, soit une estimation totale du matériel de 2500 francs.

" La présente vente a été consentie et acceptée pour son ensemble moyennant le prix total de 10.500 francs, lequel prix, M.Fitte acquéreur a payé de la manière suivante: 2.000 francs en billets de la Banque de France et le restant en valeur à satisfaction prise pour argent comptant"

Dans l'acte, figure un engagement des vendeurs à ne pas se rétablir dans le sud-ouest de la France.

En 1943, Jean Fitte achètera également la licence de "la moutarde d'Ayguetinte".

Dans le local de la rue Rougeon, l'affaire va vite prendre une autre dimension.

Brevet déposé

Si la recette est conservée dans son intégralité, on révolutionnera le mode de distribution.

La moutarde sera mise dans des pots en verre et livrée dans les épiceries et charcuteries dans des cartons de 24 pots. Jean Fitte se souvient de la technique de fabrication et notamment de la séance du piquage des meules pour écraser les graines de moutarde.

Ce travail était exécuté par Bacqué, meunier à Laumet, et surnommé en raison de son art de redonner du mordant aux meules de silex "Piquo Molo"

Jean Fitte a pris soin de déposer le brevet de cette moutarde.

Aujourd'hui, cette moutarde est commercialisée sous le nom "Moutarde de Gascogne" et on la trouve sur les tables des grands restaurants .

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