Inscription de l’état d’urgence dans le droit commun, adoption de la loi anti-casseurs (ou plutôt « anti-manifestants »), mobilisation des militaires de l’opération Sentinelle…
La tension est montée à nouveau d’un cran cette semaine lorsque le gouvernement a décidé de faire intervenir l’armée face à la mobilisation des Gilets jaunes, devenue en quelque sorte un ennemi terroriste.
Obstinément engoncé dans sa surdité, incapable de répondre concrètement aux aspirations d’un peuple qui réclame la justice sociale, ce dernier n’hésite pas à employer les grands moyens pour exiger que celui-ci se tienne à carreau.
L’expression date du début du XXe siècle. « Se tenir à carreau », c’est d’une part être sur ses gardes, mais également tenter de passer inaperçu, se faire discret.
La première signification serait issue d’un dicton lié au jeu de cartes, « Qui se tient à carreau n’est jamais capot ». Le carreau représentant ici la flèche, parfois meurtrière, lancée par l’arbalète, dont il vaut mieux se tenir hors de portée.
La seconde serait attribuée à l’argot policier, où le mot « carreau » désigne le domicile. Se tenir à carreau exprime donc le fait de rester caché chez soi. Au XIXe siècle, on parlait déjà de « se carrer », quand on évoquait le fait de se mettre à l’abri, en toute sécurité.
Aujourd’hui, le gouverneur militaire de Paris déclare qu’il est dans les tâches de l’armée d’ouvrir le feu… Une trentaine de partis et organisations viennent de signer un appel conjoint contre ces mesures liberticides, tout à fait inédites -comme si la guerre civile était déclarée-, et la pénalisation du mouvement social, qui « empêche tout dialogue, toute issue positive aux crises de notre époque ».
L’ONU et le Parlement européen pointaient déjà du doigt l’État français pour des restrictions graves au droit de manifester, des experts ayant constaté que "ce gouvernement avait usé excessivement de la force en utilisant des armes qui sont dites intermédiaires, mais qui sont des armes potentiellement létales". Sans susciter pour autant la moindre réaction des autorités.
On est donc en droit de se demander : qui doit aujourd’hui se tenir à carreau?
Illustration Pixabay.com