L'impact de la bataille de Muret sur l'Occitanie

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"Magnifier la Grande Occitanie"

Mercredi 6 mars, s'est tenue à Grenade la réunion hebdomadaire de l'association fondée par Laurent Balès : "Magnifier la Grande Occitanie" (MGO). Comme son nom l'indique, ladite association œuvre pour une récupération décomplexée ("magnifier") de notre identité occitane : en effet, au cours de la réunion, les membres présents ont acté de par leur témoignage personnel de la profonde ignorance du sujet par nos concitoyens, la problématique de la question identitaire occitane n'étant finalement (et assez paradoxalement en Occitanie) débattue que par une minorité d'intellectuels.

Le fait est que le formatage institutionnel n'aide pas : les intégristes du modèle sociétal imaginé par Robespierre et ses acolytes n'aiment pas qu'on leur découvre un cadavre dans le placard... La politisation de l'Histoire a conduit à sa réécriture pour donner le beau rôle à une République française qui, pour le coup, est présentée comme une finalité en soi.

Pour ce, les ferveurs défenseurs du modèle républicain ont pris quelques libertés vis-à-vis de l'interprétation de l'Histoire, ce qui conduit aujourd'hui à cette situation surréaliste dans laquelle nous nous trouvons : les Occitans ne connaissent pas leur passé ! ils apprennent, à l'école, l'Histoire officielle, mais ce "roman national" est d'abord celui de leurs voisins "nordiques" parisiens : le fait est qu'il n'est pas plus pertinent d'enseigner l'Histoire de France aux petits Occitans, au moins jusqu'à Philippe Auguste (fin 12ème), qu'il ne l'était, du temps des colonies, d'apprendre aux petits Algériens les mœurs de leurs "ancêtres Gaulois" !

Un cas d'école évoqué lors de la réunion MGO de mercredi à Grenade : la bataille de Muret du 12 septembre 1213 ! Voilà une date qui n'est que trop rarement évoquée dans les livres d'histoire tolérés par les gardiens du temple républicain ; même si elle est citée, on ne s'attarde pas trop dessus, l'aspect géopolitique passe rapidement à la trappe, et pour cause : la question identitaire occitane y est centrale !

En effet, c'est suite à cette bataille que le royaume d'Aragon perd ses territoires du Nord des Pyrénées et que, au cours des décennies qui suivent, la moitié de l'Occitanie passe sous l'influence du roi de France.

Les vainqueurs écrivent l'Histoire dit-on, et si, vu du côté des Amérindiens, 1492 marque le début de l'invasion européenne, forcément, vu du côté européen, 1492 est l'année de la "découverte" de l'Amérique. De même, "roman national" oblige, la défaite du roi Pierre II d'Aragon à Muret, le 12 septembre 1213, est cité en tant que "victoire française" du comte Simon IV de Montfort.

Les historiens s'accordent à dire que cette bataille de Muret a été déterminante pour la suite de l'Histoire. La politisation de l'histoire, elle, fait que la République française associe un sentiment positif à cette bataille par sa contribution à la "construction nationale". En fait de "construction nationale", il est primordial de bien comprendre que le roi de France n'est pas concerné par cette bataille : en réalité, elle se déroule dans le cadre de la "Croisade des Albigeois" menée indépendamment par des barons venus de France guerroyer dans l'Occitanie cathare. Il n'empêche que la mort du roi d'Aragon en personne, au cours de la bataille, provoque un traumatisme psychologique qui change le cours de l'Histoire : l'instabilité géopolitique générée par la mort de Pierre II d'Aragon encourage en fin de compte les successeurs de Philippe Auguste (Louis VIII, Saint-Louis...) à "tenter leur chance" en Occitanie toulousaine et aragonaise. Avec le succès que l'on sait ! Et c'est ainsi que la moitié des Occitans sont devenus "sujets du roi de France". En revanche, la "francisation" des Occitans, elle, ne sera effective qu'au 20ème siècle, avec l'école publique républicaine de Jules Ferry qui se chargera de persécuter les enfants ayant le malheur de s'exprimer dans leur langue d'oc maternelle.

Mais au fond, que se serait-il passé si la bataille de Muret avait été gagnée par Pierre II d'Aragon ? Il est probable que l'Histoire aurait suivi son cours, que Philippe Auguste et ses successeurs aurait continué de guerroyer prioritairement contre les ducs de Normandie, ce qui s'est passé d'ailleurs (Guerre de Cent Ans), si ce n'est que la moitié de l'Occitanie, pour le coup "aragonaise", serait restée en dehors du conflit franco-anglo-normand. Et ne serait même jamais devenue "Française" ! seule l'Occitanie de l'Ouest (l'Aquitaine) aurait été concernée par la question du rattachement (ou non) à la France. Le fait est que les Anglais ont perdu la Guerre de Cent Ans (1453), par voie de conséquence, Bordeaux, l'Aquitaine et le Limousin sont devenus ("redevenus" selon le "roman national") des possessions françaises.

Voilà le genre de débats historiques (voire uchroniques), qui anime les réunions du cercle d'érudits composant l'association "Magnifier la Grande Occitanie". Toutefois, ce mercredi 6 mars, une autre idée a été lancée : celle de proposer aux membres de l'association qui le souhaitent, une initiation à la langue occitane... Pourquoi pas ? Affaire à suivre.
 

Grenade, 6-03-2019.jpg
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