Dossier chasse : un tour d'horizon

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La saison cynégétique a pris fin. Les données confirment le déclin du petit gibier.

La fermeture générale de la chasse a eu lieu ce 28 février. Sauf celle pour le grand gibier, qui est fixée au 31 mars. Et s’il faut attendre l’Assemblée Générale de la Fédération Départementale des Chasseurs du Gers, qui se tiendra le samedi 6 avril au Dôme de Gascogne à Auch, pour connaître le véritable bilan de la saison, les responsables de la Fédération gersoise nous ont ouvert leur porte pour dresser un tableau du paysage cynégétique de notre département ; l’occasion pour les non initiés de mieux connaître le monde de la chasse.

Ce mini-dossier chasse ne se veut en rien comme exhaustif, mais essaie d’aborder les principaux thèmes. Il eut été trop fastidieux et trop long de passer en revue tous les détails.

La Fédération Départementale des Chasseurs du Gers comptent 12 salariés :

- Des techniciens qui ont des missions départementales (migrateurs, petit gibier, grand gibier, habitats, projets…)

- Une chargée de mission pour les projets en lien avec le monde de l’agricullture

- Une personne pour les dégâts du grand gibier avec le monde agricole

Jocelyn Moreau, directeur, Jean-Paul Dupré, vice-président, et Frédéric Bellot, technicien, ont répondu à nos questions.

 

Le département du Gers est fort d’environ 10.150 chasseurs dont la plupart se situent sur les zones historiques en matière de chasse que sont l’Armagnac et l’Astarac.

L’ouverture générale de la chasse est le deuxième dimanche de septembre, la fermeture, le dernier jour de février. Avec une fermeture intermédiaire, le 18 décembre pour le petit gibier sédentaire (perdrix, faisans, lièvres…), « dans un esprit de conservation », précise Jean-Paul Dupré.

 

LE PETIT GIBIER SEDENTAIRE :

Les responsables de la Fédération nous dresse un tableau pas très réjouissant pour cette catégorie-là. Hormis le lièvre et le faisan qui s’en sortent à bon compte, les autres espèces souffrent de plus en plus. Et cela, pour diverses raisons. Explications.

Jean-Paul Dupré : « Les biotopes et les milieux ont considérablement changé. Les différents systèmes culturaux changent. Et il y a davantage de constructions, de routes. Puis il y a un autre point noir : quelques terroristes de la chasse dans la nature que sont les chats et pas mal de nuisibles… Il serait bien de revoir le statut de certains oiseaux. Si à une époque il était très bien de les protéger, aujourd’hui ils font beaucoup de mal, non seulement au petit gibier, mais à toute la petite faune que sont les petits oiseaux. »

Frédéric Bellot : « La nature est agricole, surtout dans le Gers. Et de l’agriculture dépend toute la faune sauvage, en dehors des bois. Et dans cette nature nouvelle que les agriculteurs ont façonnée par rapport à des politiques agricoles, les animaux ont dû s’adapter. Il y en a qui s’en sont sortis et d’autres qui ne s’en sortent pas du tout… »

Le replantage des haies est une des solutions mises en place. « Une haie, avant qu’elle soit utilisable par les passereaux, nous explique Jocelyn Moreau, il faut 10 à 15 ans… Et là où on plante 200 mètres de haie, avant, il y en avait deux kilomètres. »

La perdrix rouge :

« La perdrix rouge est en train de mourir. » Frédéric Bellot se montre pour le moins pessimiste pour cet oiseau. Et cela, en grande partie pour les raisons évoquées plus haut.

La caille :

Il semblerait que c’était une année relativement correcte pour la caille des blés, oiseau très lié aux conservations de chaumes dans les champs. Ses effectifs les plus nombreux se trouvent dans le nord et l’est du département. Mais de plus en plus de chasseurs se plaignent d’assister à sa disparition, les moissons se faisant trop tôt, mais surtout la suppression des chaumes dans les parcelles obligeant la caille a quitter les lieux.

Jocely Moreau : « Nous menons des expérimentations sur les couverts végétaux. L’objectif est de faire en sorte que l’exploitant agricole réponde à la problématique de la Directive nitrates (Directive 96/676/CEE), concernant le lessivage des sols, tout en conservant le chaume. Depuis trois ans, on propose aux agriculteurs d’implanter du trèfle, en mars, dans le blé. Ce trèfle végète jusqu’à la moisson. Une fois le blé moissonné, on ne déchaume pas, et le trèfle pousse à travers. Ce qui fait qu’on se retrouve avec un chaume en place, parfait pour la caille. Le trèfle répond à la Directive nitrates et au lessivage des sols. On combine les deux. Ce n’est que le début. Une fois qu’on en a démontré la faisabilité, il faut que le monde agricole enclenche et que ça devienne un automatisme. »

Le faisan :

Cet oiseau n’a pas d’exigence particulière et arrive à s’adapter aux différents milieux. Cependant, pour limiter les lâchers à l’avenir, la Fédération est en train de mettre en place des projets pour pouvoir arriver à avoir de vraies populations sauvages.

Le lièvre :

Le système des PMA (prélèvement maximal autorisé), qui limite à trois lièvres par chasseur pour la saison, est un des outils qui a permis de stabiliser la population des lièvres. Depuis vingt ans, toutes les sociétés de chasse du Gers travaillent main dans la main aux comptages, aux suivis de l’espèce. Tous ont diminué le prélèvement. Bref, Capucin se porte pas mal.

Le lapin :

Le point noir du tableau. Tout le contraire du lièvre. Le lapin a souffert de la modernisation de l’habitat, avec la perte des prairies, des haies. Toutefois, il reste quelques foyers de lapins autour des villes. Autre phénomène aggravant, après la myxomatose qu’on est arrivé à guérir, est arrivé un virus hémorragique, virus importé avec les lapins d’élevage, qui a tué 80 à 90 % des populations. Il se fait, ça et là, des essais de réimplantation, mais le monde agricole n’y est pas toujours favorable. « Le lapin ne fait pas plaisir à tout le monde », reconnaît Jean-Paul Dupré. Quant à Jocelyn Moreau, il le dit franchement : « Je ne serais pas surpris que d’ici deux ou trois ans, le lapin soit en voie d’extinction dans le Gers ».

 

LA PALOMBE :

Gibier roi dans le sud-ouest, la palombe est le gibier le plus prélevé dans le département du Gers qui compte environ 1.400 palombières dont 400 pour la chasse au filet. Que ce soit au fusil ou au filet, la chasse à la palombe (ou pigeon ramier) est une véritable tradition régionale qui fait partie de notre patrimoine. Frédéric Bellot : « Depuis 1988, la Fédération du Gers est associée avec le GIF (Groupe d’investigation sur la faune sauvage) pour étudier l’espèce. La population est stable au niveau de la migration ou en plaine. C’est à peu près pareil pour les cols des Pyrénées. Et pour celles qui hivernent dans le département du Gers, on est en augmentation. Dans notre département, on a eu un hivernage record, puisqu’en décembre 2018, au moment du comptage, on a dépassé le million d’oiseaux. 1.200.000 palombes ont été comptées ».

 

LE GRAND GIBIER :

Chevreuils et sangliers causent énormément de dégâts dans les cultures. Il faut savoir que ce sont uniquement les chasseurs, par le biais de leurs cotisations aux sociétés de chasse, qui remboursent l’intégralité des dommages causés aux agriculteurs. Plus précisément, c’est la Fédération départementale des chasseurs qui, après avoir perçu une part des cotisations des chasseurs à leurs sociétés de chasse, indemnisent les agriculteurs. Pour information, en 2018, ce sont 144.655 euros qui ont été consacrés aux indemnisations de dégâts du grand gibier. Il est aussi important de noter que la Fédération départementale des chasseurs ne touchent aucune subvention de l’État.

Le chevreuil :

Voilà une espèce (comme le sanglier) qui se porte de mieux en mieux, puisqu’à part l’homme, aucun prédateur naturel ne peut freiner son expansion. Le domaine vital d’un chevreuil est d’environ 150 hectares. Les comptages se font généralement au mois de mars. Pour maintenir sa population dans la stabilité, il faut prélever entre 20 et 30 % des effectifs par an. Sur le département du Gers, environ 10.000 chevreuils sont prélevés chaque année. D’où les battues qui sont obligatoires (voir plus loin).

Le sanglier :

Pour connaître le tableau de chasse du sanglier, il faut attendre le 31 mars, date de fermeture de la chasse du grand gibier. En 2018, environ 7.000 sangliers ont été prélevés. Les chiffres devraient à peu près rester les mêmes pour 2019. Les populations de sangliers ne cessent d’augmenter chaque année. La pression de chasse a pour rôle de limiter sa progression. Contrairement au chevreuil, il est impossible de faire des comptages de sangliers. Cet animal, opportuniste, est capable de faire 50 kilomètres en une seule nuit pour chercher sa nourriture. Et du fait de l’abondance des cultures aujourd’hui par rapport à autrefois, une laie peut faire trois portées en deux ans ; alors que par le passé, avec une nourriture plus rare, elle ne faisait qu’une portée par an. S’il n’y avait aucune pression de chasse, le sanglier pourrait doubler ses effectifs chaque année ! Avec tous les dégâts que cela engendrerait.

Le cerf :

Depuis environ une dizaine d’années, le cerf a fait son apparition dans le Gers. On le trouve surtout en bordure du département avec les Landes lot-et-garonnaises. « On est vigilant, nous dit Jean-Paul Dupré. Notre volonté est de ne pas laisser les populations exploser car ce serait source de dégâts. » En 2018, 22 bracelets avaient été octroyés pour sa chasse.

Les battues :

Jean-Paul Dupré : « Les sociétés de chasse sont obligées d’appliquer le plan de chasse chevreuil qui est imposé par l’État par arrêté préfectoral. Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, ce n’est pas toujours un plaisir pour les chasseurs de faire une battue, notamment lorsque la météo est mauvaise. Et en plus, le chasseur doit payer 27 euros par bracelet chevreuil pour couvrir les dégâts aux agriculteurs… »

Et le vice-président a « un message fort » à faire passer aux non-chasseurs au sujet des battues :

« Lorsqu’on est en battue, les chasseurs commencent à être fatigués de se faire insulter. Souvent, les gens viennent nous perturber, en klaxonnan, ou en entrant dans la battue. Donc, c’est pour nous source de stress, parce qu’on a toujours peur de l’accident. Le plan de chasse chevreuil nous est imposé ! Donc, nous empêcher de le faire dans de bonnes conditions, ça va complètement dans le sens contraire de ce qu’il faudrait faire… Donc, nos opposants ont tout faux lorsqu’il agressent les chasseurs. »

En cas d’accident voiture contre animal :

S’il vous arrive de heurter un chevreuil ou un sanglier avec votre automobile, il est impératif d’appeler la gendarmerie pour signaler le lieu exact où s’est produit l’accident. Ce n’est que lorsque la gendarme aura enregistré votre appel que vous pourrez, si vous le souhaitez, chargé l’animal mort dans le coffre de votre véhicule (si celui-ci n'est pas en état de repartir). Cela fait en cas de contrôle plus loin sur la route, vous ne pourrez pas, alors, être accusé(e) de braconnage. Si cela se passe dans le périmètre d’une battue, les frais de réparation des dégâts de votre automobile seront pris en charge par l’assurance de la société de chasse.

 

AGRICULTURE BIO ET CHASSE :

S’il faut se réjouir pour notre alimentation et pour l’environnement de voir de plus en plus d’agriculteurs se lancer dans l’agriculture biologique, cela ne va pas sans quelques dommages, il faut le dire, pour la petite faune sauvage. En effet, dans un champs bio, pas le moindre brin d’herbe doit venir parasiter la culture. Pas d’herbe, donc pas d’insectes. Aucune perdrix ou caille ne peut y nicher ou s’y nourrir. Ni lapin, non plus. Cependant, il existe des solutions pour faire aller de pair l’agriculture bio et le maintien du petit gibier.

Explications de Jocelyn Moreau : « C’est vrai que sur une grande surface où alternent le blé et le tournesol en bio, il n’y a pas d’oiseaux. Mais sur des parcelles où il y a davantage de rotations des cultures (lentilles, sarrasin,etc), il y a toujours une forme de couverture sur l’exploitation ; du coup, c’est favorable au petit gibier. Si vous prenez un conventionnel qui a 300 ha de bio et qui travaille sur le même rythme, la terre sera toujours nickel ; car juste après la moisson des blés, il faut absolument déchaumer pour faire les faux-semis. Et là, on détruit tout (nichées de cailles…). Mais quand on est sur une culture bio qui évolue sur une rotation sur long terme, c’est différent. Par exemple, on voit des terres où la même culture revient au bout de sept ans. Cela veut dire que sur les six autres années, il y a des cultures qui sont semées en avril, en mai, certaines en hiver, etc. Et là, avec cette diversité, on voit les animaux qui s’y déplacent. Par exemple, la caille des blés qui ne trouve plus le chaume des blés bascule vers les champs de pois chiches ».

 

Témoignage de chasseur :

Dire que Serge Candelon est un passionné de chasse est un euphémisme. Cet assidu du monde cynégétique, de la commune de Castelnau-d’Arbieu, chasse du 1er juin au 31 mars. Avec dans l’année, pas moins d’une centaine de battues à son actif. Serge, depuis des décennies, a vu le monde rural changer. Il nous livre ses impressions :

« C’est catastrophique. Il y a beaucoup moins de petit gibier. De la caille, on n’en voit plus, il n’y a plus de chaume. Alors qu’avant, on en trouvait jusqu’à fin octobre. Et les faisans et les perdreaux, ce n’est que du lâché. Il y a très peu de naturel. Par contre, il y a du lièvre ; mais très peu de lapins. Franchement, la saison a été moins que moyenne. Avant, on tuait jusqu’à une centaine de cailles par saison. Maintenant, quand tu arrives à 15 ou 20 cailles, tu es content… C’est fini, c’est triste. Quand on compare à ce qu’on a connu il y a 40 ou 50 ans de ça, ça n’a rien à voir. La plupart des jeunes chasseurs se mettent au gros gibier. Pourtant, le petit gibier, c’est ce qu’il y a de plus plaisant. »

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