Petite parenthèse

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Au diable Vauvert

Emballé dans un joli papier cadeau, le projet de réforme de la Justice, porté par la ministre et garde des Sceaux Nicole Belloubet, est supposé la rendre « plus rapide, plus efficace et plus moderne » dans le but de « rétablir la confiance des citoyens ».

Oui mais voilà, les « Journées mortes » des barreaux se multiplient. Avocats et magistrats, exerçant leur effort de résistance, s’arc-boutent contre ce projet qui n’augure rien de plus qu’une justice déshumanisée, au service d’une logique purement comptable, délibérément éloignée des populations (lire la parenthèse du 22 avril 2018 https://lejournaldugers.fr/article/26840-petite-parenthese).

Si le texte était adopté, la réorganisation des juridictions à travers cinq grandes régions administratives entraînerait la création de « déserts judiciaires », qui obligerait les justiciables à se déplacer au diable Vauvert.

Car aller au diable Vauvert, c’est se rendre loin, très loin.

On parlait déjà au XVe siècle « d’aller au diable », en congédiant quelqu’un de façon brutale. Par la suite, le Vauvert qui lui a été accolé aurait diverses origines géographiques.

La première concernerait le château de Val Vert (ou Vauvert) au Sud de Paris, où selon la légende, des manifestations diaboliques au XIIIe siècle cessèrent dès que des moines en prirent possession, sous le règne de Saint-Louis.

Une autre origine de ce Vauvert viendrait d’une petite ville de Camargue, située sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Les pèlerins qui y séjournaient pouvaient assister à des saynètes bibliques, où les « diableries » étaient largement représentées. Le diable de Vauvert aurait ensuite perdu sa préposition pour devenir le diable Vauvert. Un détail grammatical certes, mais le diable, dit-on, se cache dans les détails …

Des détails qui, à l’avenir, pourraient porter préjudice aux victimes obligées de transcrire leur saisine sur Internet (quid des personnes ne maîtrisant pas l’informatique ?), au risque de la voir classée sans suite, faute d’avoir omis numériquement certains éléments spécifiques.

Des détails également qui pourraient les renvoyer vers des organismes privés pour la résolution, préconisée « à l’amiable » par la ministre, de leurs litiges mineurs. Exit conciliateurs et médiateurs surchargés.

En manifestant contre ce que le gouvernement appelle Les chantiers de la justice, les avocats - loin d’être ceux du diable - dénoncent ce qui ressemble plutôt à un détricotage pernicieux de l’ensemble du système juridique français.

Illustration Pixabay.com

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