Il y a cent ans : automne 1917, l'avenir s'éclaircit

Capture d’écran (218).png

À l’occasion du centenaire de la première guerre mondiale, la Société archéologique du Gers et les écrivains publics du Gers se sont associés pour vous faire découvrir la chronologie des événements marquants de la Grande Guerre, tels qu’ils ont été vécus par les Gersois, au travers des grandes batailles qui l’ont émaillée. Chacun d’eux sera l’occasion d’un article qui en reprendra les grandes lignes et s’appuiera sur des portraits d’hommes, soldats gersois, morts ou disparus. L’idée de cette série est de leur rendre hommage pour, qu’à travers eux, le sacrifice de tous ceux de 14 ne soit pas emporté par l’oubli, même cent ans après.

« Rentrée des classes le 1er octobre. Nous rappelons aux familles de ne pas attendre plus longtemps pour envoyer leurs enfants, afin qu’ils reprennent leurs cours tout au début de l’année scolaire. Il y va de leur intérêt ».Cet encart, publié dans le quotidien régional « L’express du Midi », en date du 12 septembre 1917, résume en quelques lignes – et entre ces quelques lignes –les préoccupations gersoises de cet automne. Bien sûr, la rentrée des classes s’annonce dans chaque village, car malgré la guerre, les enfants continuent d’apprendre. Mais ce que nous indique cet entrefilet, c’est que de nombreux écoliers manquent à l’appel lors des premières semaines.

Il faut dire que dans notre département rural, le travail ne manque pas à cette période : les vendanges, les labours, les semis… Il y a tant à faire et, toujours ce manque cruel des hommes qui se fait sentir… Les autorités locales sont bien conscientes de cette difficulté ; le dimanche 9 septembre, une réunion publique est ainsi organisée à Aignan pour « examiner tous les moyens propres à faciliter l’exploitation des terres du canton ». Pas un jour ne passe sans qu’une proposition, une aide ne soit évoquée : vente de sucre pour les vendanges, mise à disposition de sulfate de cuivre et, surtout, en cette fin d’année 1917, des essais de travaux mécaniques. Ainsi, le 20 septembre, une expérience est menée avec des tracteurs « Globe » au domaine de la ferme école de La Hourre ; début octobre, une dizaine de tracteurs sont mis en vente à Cazaubon au prix de 6500 francs. Les Services Agricoles d’Auch lancent même un appel à candidature pour les entrepreneurs possédant une machine et désirant faire pour le compte de l’Etat des travaux dans le département. Le 18 octobre, l’Express du Midi fait même le compte des permissions agricoles accordées dans le Gers pour le mois de septembre.

Car le bon fonctionnement de l’agriculture, le maintien des récoltes et des rendements est une nécessité tant pour les civils que pour les militaires. C’est ce que prouve cet article, paru dans l’Express du Midi du 28 octobre 1917 :

« Agriculteurs, semez du blé ! Le gouvernement vient de décider que le blé de la récolte 1918 sera payé au moins 60 francs le quintal. Sur toutes les terres favorables, intensifiez donc la culture du blé. Partout, semez du blé et vous contribuerez puissamment à gagner la dernière bataille. Dans cette guerre qui se prolonge, les facteurs du succès final sont à la fois d’ordre militaire et d’ordre économique. Et, comme le sang de nos héros, le blé combat aussi pour la Victoire ! Gascons, restés fidèles à la plèbe, vous n’avez pas plus besoins que vos frères mobilisés, de vaines exhortations. Depuis le début de la sanglante tragédie, tous, vous n’avez cessé de témoigner de quel dévouement patriotique vous êtes capables. Continuez à montrer à nos ennemis que l’armée du sillon ne cède en rien à celle des tranchées ! Et que vos prochaines semailles préparent la moisson de la Victoire ! A l’œuvre donc, agriculteurs du Gers ! Semez du blé : c’est pour la France ! »

L’agriculture devient donc elle aussi un acte patriotique et, l’optimisme de cet article est-il seulement un effet de style visant à soulever l’adhésion des lecteurs ? Pas sûr… car, en cette fin d’année 1917 et avec l’arrivée des Etats-Unis sur la scène des combats, la donne semble changer…

23-25 octobre 1917 : la bataille de la Malmaison 

Après l'échec du Chemin des Dames, une grave crise engendre des mutineries, et les généraux Nivelle (commandant en chef des armées) et Mangin sont limogés. Le général Pétain prend le commandement et, après des mesures d'apaisement, prépare dans les moindres détails une offensive limitée au secteur ouest du Chemin-des-Dames, autour de La Malmaison.

Aux attaques profondes, Pétain privilégie les attaques à objectifs limités, déchaînées brusquement sur un front aussi étendu que le permettent le nombre et les propriétés des divers matériels d'artillerie existants et sans sacrifier la vigueur de la préparation au désir d'étendre le champ d'action, soit en largeur soit en profondeur. L'opération de La Malmaison, exécutée à la fin d'octobre, conçue dans cet esprit, constitue vraiment le type de la bataille tactique, telle que la comprenait alors le Commandement français.

Livrée du 23 au 26 octobre 1917, cette opération est un succès et les Allemands sont obligés de se replier au Nord du Chemin-des-Dames, dans la vallée de l'Ailette. Le moral des troupes françaises remonte, elles retrouvent la confiance. L'événement donne aux Armées françaises « confiance dans leur nouveau chef » et, par une réaction salutaire, nos poilus, fiers de leur victoire, font refluer vers l'intérieur un renouveau d'espoir.

Les Gersois ont participé à la majeure partie de ces dernières opérations. Plus de 230 soldats gersois ont péri sur le Chemin des Dames, entre avril et octobre 1917, dont 46 lors de la bataille de la Malmaison.

Portrait : Roger Molé

Joseph, Félix, Roger Molé est né le 24 mai 1887 à Mouchan, de Germain Molé et Jeanne Boué, dans la maison familiale du hameau du Molé, où son père et son grand-père (cultivateurs propriétaires) étaient nés avant lui. Il est le cadet d’une fratrie de trois, seul garçon entre Marie-Louise, née en 1886 et Agnès, née en 1898. Roger Molé passe toute son enfance et sa jeunesse à Mouchan. Il effectue son service militaire de 1909 à 1911, au 59ème Régiment d’Infanterie (casernement de Pamiers). Il est nommé caporal en 1910, puis sergent en 1911.

Il est rappelé le 1er août 1914, au moment de l’entrée en guerre. Il participe avec son régiment aux premiers combats de la Guerre des Frontières lors desquels le 59ème est fortement éprouvé. C’est ensuite la bataille de la Marne (septembre 1914), le front de Champagne (octobre) et d’Argonne (décembre). Au cours de l’année 1915, le régiment prend part à la bataille de Roclincourt, puis à celle de Verdun en 1916.

Nommé adjudant le 9 mai 1915 puis sous-lieutenant le 19 mars 1916, Roger Molé passe au 253ème Régiment d’Infanterie le 15 avril de la même année, avec lequel il poursuit les combats de Verdun. En 1917, le régiment participe à la bataille du Chemin des Dames. Le 23 Octobre, le 253ème fait partie des régiments mobilisés pour l’attaque de la Malmaison, qui doit être lancée à 5h15. Mais dès 2h, l’ennemi effectue un tir d’anéantissement très dense sur les premières lignes qui sont durement éprouvées. Ce qui n’empêche pas les bataillons encore présents de s’élancer à l’heure dite, aux côtés de leurs camarades du 288ème. La journée est très dure et les pertes sont lourdes : le nombre des soldats morts, blessés ou disparus s’élève à près de 560 hommes, dont une vingtaine d’officiers, parmi lesquels Roger Molé, porté disparu. Il sera déclaré décédé et inhumé le 29 octobre, au cimetière de Cys-la-Commune. Son nom est transcrit au monument aux morts de Mouchan.

Photo de Une : Fort de la Malmaison

 

Publicité
Suggestion d'articles
Suggestion d'articles