LAGARDERE
Exposition de Vieilles mécaniques
Le temps des souvenirs : « las battèros » ( battage des céréales ) Michel Mini, président de l’association Vieilles mécaniques et Dominique Soulan ,président du Jeep club d’Artagnan avaient organisé une exposition de tracteurs anciens et de matériel pour le travail du sol et du matériel militaire ( jeeps , camions , chenille amphibie, elle sera utilisée pour une sortie dans la Baïse , premier lot de la tombola ) sur le plateau du château de Lagardère . Un public nombreux se pressait autour des machines, il était très intéressant de revoir du matériel et pour certains de découvrir des outils ou moteurs certains du début du siècle . Il était aussi passionnant d’écouter les anciens .Un groupe de 6 bérets noirs étaient rassemblés autour d’un tracteur dit « poum poum » qui actionnait le batteur et la presse et ils en vinrent vite à parler des « las batteros » .
« C’était un bon moment dit l’un deux , on se retrouvait entre voisins , c’était dur avec la chaleur et la poussière mais la journée était coupée par le repas de midi et celui du soir pouvait se prolonger autour de « la Marie Jeanne » de vin blanc ( capacité 2litres et demi) » .Et chacun racontait un fait original au cours des batteros . Le grain tombait dans des sacs derrière le batteur, ils étaient pesés ( 80 kilos ) ficelés et emportés au grenier par les « costauds » ,les escaliers étaient parfois raides et le patron commentait « ça te fera les mollets ! ».L’entreprise de battage était rémunérée au sac ainsi que le personnel qui « suivait la batteuse . ; »Je me souviens , je ne vous dirai pas le nom car il y a des descendants ,celui qui avait pour mission de tracer un trait de crayon pour chaque sac et qui oubliait de marquer ( ce n’était pas par hasard qu’on lui avait confié ce poste ) Lorsque nous avions une pause , on s’asseyait derrière le batteur et à chaque passage de sac on mettait un caillou, lorsqu’on s’apercevait qu’il y avait tricherie , on allait dire au préposé : « As-tu le crayon épointé ? » ;
De nombreuses propriétés étaient exploitées en métayage c’est à dire à moitié. Dans les fermes où le patron était « ric et rac » avec son métayer ,on se débrouillait à régler le batteur pour que du grain tombe avec les enveloppes , le « paillon » ,ensuite on passait tout cela au ventilateur et ça grossissait la part du métayer de quelques sacs .Tous les voisins étaient mobilisés, il fallait « rendre la journée de battage » mais certains économisaient leur force. Un était réputé pour se mettre sur la gerbière ( il s’agissait du tas de gerbes entassées autour d’un poteau ) et il faisait passer très peu de gerbes . « La poussière me gratte la gorge ,je vais aller boire dit-il. »Il plante sa fourche et descend .Pendant son absence, on lui scie le manche au ras de la douille . Quand il revient avec la première gerbe qu’il soulève la fourche tombe du manche . Vive colère :il ramasse les deux pièces et rentre chez lui .Un des papies se met à table : « et les repas je connais le menu par cœur : du bouillon de poule avec du vermicelle, un plat de tomates, oignons et œufs durs, puis le rôti. » et un autre de poursuivre : « j’en ai mangé des ces putes de guinettes (il s’agissait de ces oies blanches dites de Guinée , élevées dans toutes les fermes pour le repas de las batteros), c’était dur ! et maintenant c’est devenu pour Noel, un plat de luxe » ;Le café était servi et suivait l’armagnac . Dans une ferme où le patron était réputé pour son avarice , il limitait le nombre de bouteilles et souvent servait lui même « la goutte » . Dans un grand éclat de rire , on raconte : « une année on avait gardé les soupières et lorsqu’il porta les bouteilles , on y versa toute l’eau de vie et le sucre et on mit le feu , un excellent brûlot ».
Quand la machine tombait en panne, on en profitait pour faire des blagues . Dans notre région les toits des maisons sont bas à l’ouest d’où d’un accès facile . On préparait un sac de paille mouillée et on bouchait la cheminée . Comme toute la cuisine se faisait sur le feu , la fumée qui ne s’échappait plus se répandait dans la cuisine, les cuisinières sortaient en pleurant et c’était un concert d’insultes . Là sont donnés quelques noms de femmes qui avaient le manche à balai très alertes.
Le soleil commençait à décliner sur les murs du château, ils tiraient sur leur béret en pointe .Ils continuaient la visite . » Il a fallu cette exposition pour qu’on se retrouve , c’est l’isolement dans nos fermes . « Dernièrement on m’a invité à monter à bord d’une moissonneuse batteuse dernier modèle, le chauffeur a cliqué sur un ordinateur, la machine s’est mise en route et dans cette cabine climatisée , un haut parleur déversait les dernières chansons . Quelle communication ! »
Pierre Dupouy