Rusés renards !

Capture d’écran 2024-09-06 212240.png

C'est aujourd'hui l'ouverture de la chasse.

Organisera-t-on des battues aux renards ?

C'est en tout cas l'occasion de revenir sur nos pas et de nous remémorer que le pire ennemi des fermières ne se laissait pas capturer facilement !

Autrefois avec la buse et l'épervier, il tracassait bien des fermières.

Il agissait rarement pendant la journée, sauf dans les bois où il attaquait les troupeaux de dindon qui glanaient.

"Il fait toujours son coup à midi, à l'heure où tout le monde est rassemblé autour de la table", prétendait-on.

Il y avait aussi "les nuits à renard", celles où il pleuvait déluge et où le ciel était d'encre. Beaucoup de volailles couchaient sur les arbres.

"Il sent mieux  la plume mouillée", disait-on.

On affirmait même qu'il arrivait à faire tomber poules et  dindons des branches où il se perchait simplement en les fixant de son oeil rond.

Aussi était-il comme aujourd'hui objet de battues mais "intelligent",  il réussissait bien souvent à échapper aux meutes de chien et au fusil des chasseurs.

Autre manière de capture, le piège à mâchoire appâté de charogne.

Mais surtout on attendait la neige. L'expert en empreintes suivait les traces qui conduisaient au terrier, une caverne creusée sous un bloc de calcaire et ouvrant sur le midi.

Finaud, un chien bâtard,  heureux mélange de Berger des Pyrénées et Basset, était réputé dans tout le quartier pour son flair exceptionnel.

"S' il "lippe" ( légers aboiements), disait-on, on peut être sûr que le renard est dans sa tanière"

Finaud  était pris d'une excitation et s'enfonçait dans la galerie aussi loin qu'il pouvait, revenait en surface, cherchait un encouragement de son maître et disparaissait de nouveau en jetant derrière lui des giclées de terre sèche.

De gros bras arrivaient avec pioches et pelles pour commencer le travail de terrassier.

L'excitation de Finaud était à son paroxysme. On piochait, on piochait, bientôt apparaissait une touffe de poils, roux le renard était dans un cul-de-sac.

Après la mise à mort, la dépouille était extraite, le tout dans une puanteur épouvantable de viandes avariées car Goupil pouvait tenir un siège de plusieurs mois, le garde-manger était bien garni.  On liait les pattes de l'animal et on le mettait sur un bâton en trophée  de chasse.

"Une belle bête...Alors les drôles, vous allez pouvoir la faire courir !"

La dépouille était alors promenée de ferme en ferme. On expliquait avec force détail où l'animal avait été capturé, et bien sûr chaque fermier avait été victime de ce Goupil...  Ici trois dindons, là poules et pintades. Les fermiers, heureux d'être débarrassés de ce prédateur, donnaient des œufs, parfois quelques piécettes aux chasseurs.

A la fin de la "campagne", le troc s'instaurait  chez l'épicier du village, œufs contre bonbons ou biscuits Olibet à enveloppe bleue.

Pour élargir le rayon de quête, le lieu de capture était souvent changé. Les paysans voisinaient et s'informaient. Aussi quand ils apprenaient qu'ils avaient été bernés, qu'il n'y avait pas eu la moindre fouille dans le secteur indiqué, les chasseurs étaient "fichés".

Les hivers étaient rude et le thermomètre descendait bien au-dessous de zéro. Le renard "tenait bien",  aussi les chasseurs le prêtaient à des copains d'un autre village qui effectuaient une quête dans leur secteur. Ils venaient prendre livraison de l'animal pendant la nuit, l'enveloppaient soigneusement dans un sac de jute et le ficelaient sur le porte-bagage.  Il y avait bien sûr réciprocité.

Enfin, la bête finissait chez un alerte octogénaire, chasseur, pêcheur et empailleur. Il tirait sur les poils et disait que ce n'était pas la saison pour les peaux, qu'il verrait.

S'il vendait bien la peau tannée,  il ristournerait quelque chose...

Il faisait toujours de mauvaises affaires !

Illustration : dessin de Pierre Delinière 

Bien des légendes entouraient le renard... Goupil aurait même été de connivence avec les épouvantails !

Pierre DUPOUY

 

Publicité
Suggestion d'articles
Suggestion d'articles