La prière des bœufs la nuit de Noël
Mon grand- père avait l’habitude tous les soirs de passer dans l’étable avec sa lampe tempête suivi de sa chienne Finnette pour surveiller que toutes les bêtes étaient bien installées dans leur stalle .Il remuait la litière des bêtes ,apportait de la paille fraîche pour qu’elles ne se salissent avec les bouses . Tous les soirs de l’année sauf la nuit de Noël . Enfant on lui en demandait la raison,il nous répondait en maugréant :« je ne sais pas , demande à Mamie » .Elle attisait le feu ,se redressait sur sa chaise basse « dou cournet » ( du coin du feu ) et commençait cette légende de Noël : « La nuit de Noël, au moment de l’Elévation de la messe de minuit, les bœufs se mettent à genoux et parlent .Attention si on les surprend dans leur prière ! » Elle précisait le lieu où s’était passé l’évènement : « Au Peyré , une ferme voisine, deux domestiques avaient entendu raconter cette histoire des bœufs partageant les croyances religieuses .L’un des deux « fort en gueule » parce qu’il avait fait les deux guerres et avait quelques rubans témoignant de faits héroïques , décida de tirer l’affaire au clair .Il s’enveloppa dans sa grande pèlerine et se posta à la fenière , au - dessus du trou par lequel on faisait tomber le foin dans les rateliers ;il attendit. La cloche du village tinta. Les bœufs qui ruminaient entamèrent la conversation :
« Que ferons- nous demain ?
- Rien, répond Mulet , c’est jour de fête.
- Et après demain ?
- Nous porterons Gastounet au cimetière ( il s’agissait du domestique qui était à la fenière ) . »
A cette époque on ne faisait pas appel aux Pompes Funèbres ,le défunt était conduit au cimetière dans une charrette tirée par les bœufs dont l’échine était recouverte d’un drap blanc .
Effectivement , le pauvre Gastounet ne vit pas le jour se lever, sa curiosité l’avait entraîné dans la mort.
« Lou conte est acabat » disait ma grand mère ( le conte est achevé )
Mon grand père rigolait , mais il n’allait pas à l’étable cette nuit- là , je crois qu’il craignait plus ma grand mère que le bon Dieu ou le diable.