Revenons sur nos pas : le 14 juillet autrefois

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Un papi est assis devant sa porte, un drapeau tricolore dans les mains que lui ont remis les enfants.

« Alors, vous fêtez le 14 juillet ? 

- Oh, oui... On va manger quelques biscuits achetés au super marché, boire un peu de blanc offert par le maire et un appareil va vomir les musiques d'aujourd'hui...

- Vous paraissez nostalgique d'un temps révolu ?

- Oh oui, c'était tellement différent autrefois ! Déjà, on avait en mémoire ce que l'instituteur nous avait raconté sur ce qui s'était passé.

Pour mieux frapper nos jeunes esprits, l'instituteur ajoutait quelques fait d'histoire locale comme celle du meunier du village qui avait osé aller au château corriger  le seigneur du château à grands coups de bâton, ce seigneur qui l'avait taxé pendant tant d'années.

C'était une fête importante. Tous les villages fêtaient l'évenement mais chacun à sa manière.

Chez moi, c'était un 14 juillet révolutionnaire.

Le matin, le charpentier allait accrocher un drapeau tricolore au clocher. C'était le signal.

On allait préparer la place et tout d'abord installer la scène pour l'orchestre.

Il y avait Yvan avec son accordéon, un autre musicien qui jouait de la clarinette et un autre encore au violon.

On retournait deux comportes sur lesquelles on installait la planche que le charpentier avait portée de sa scierie.

On préparait aussi les sièges pour  toutes les mamans qu accompagnaient leurs filles.

On disposait alors des planches sur des briques pour que tout ce monde puisse s'asseoir.

Je me souviens d'une fois où il n'y avait pas assez de sièges. Plutôt que de repartir chercher des planches à la scierie, la sonneuse de cloches, la campanaïre, avait proposé les sièges de l'église à condition de ne pas prendre les chaises nominatives avec coussin de velours ! Elle fournit la clé de l'église, on avait récupéré des chaises  et les gens purent enfin s'asseoir.

Des chaises de l'église pour le 14 juillet ! La pauvre femme faillit y perdre son emploi et dans certaines maisons, on ne manqua pas de lui diminuer la graèro ( quantité de grain qu'on donnait au carillonneur pour ses services )

Elle alla d'ailleurs voir le maire pour lui demander de récupérer le blé manquant et elle fit connaître son mécontentement en demandant au curé de remercier les paroissiens qui l'avaient si mal accueillie !

Cette année-là, elle récupéra le double de blé !

L'orchestre lançait la soirée.

On ouvrait  le barricot avec le brouquet, ce morceau de bois qui s'enfonçait dans le trou percé dans la barrique et on remplissait les verres.

Il n'y avait pas assez de verres pour tous mais on les passait dans un récipient rempli d'eau pour les rincer !

Le boulanger confectionnait d'excellents gâteaux dont il ne voulait pas révéler la recette.

C'était un gâteau qui craquait sous les dents. Il faisait cela gratuitement en demandant seulement qu'on lui porte des œufs.

On confectionnait aussi le brûlot : on mélangeait dans une énorme marmite de cuivre de l'armagnac  et du sucre et on faisait chauffer ce mélange avec du bois très sec fourni par le boulanger.

Les gens portaient l'armagnac de chez eux.

C'est pourquoi on ne le faisait que tous les deux ans car à cette époque on n'avait droit à distiller que 50 litres de vin si on avait de la vigne et 20 litres d'eau de vie.

De magnifiques flammes s'élevaient, rouges, bleues... C'était un spectacle fascinant.

N'importe qui ne pouvait pas préparer le brûlot, c'était un spécialiste qui venait d'un village voisin. Lui seul savait quand il fallait arrêter le feu pour que la liqueur soit bonne.

Il prenait un peu de liqueur dans une boîte et goûtait.

Au bout d'un certain temps, il arrêtait tout et laissait reposer la liqueur.

L'orchestre remontait sur scène et les danses reprenaient.

Puis c'était l'arrêt brûlot où l'on servait à la louche  dans des verres le brûlot.

On buvait un verre puis deux puis trois au point qu'à un certain moment, ça chantait très fort !

On entonnait la Marseillaise mais on s'arrêtait au 1er couplet...

Le niveau de liquide baissait dans le chaudron qui était presque vidé quand les gens repartaient chez eux en disant : « On a fêté un bon 14 juillet ! »

Pierre DUPOUY

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