Les arènes de Vic-Fezensac et leur devenir, voilà un sujet qui revient souvent actuellement dans les conversations !
Si l’on a bien compris le message de la Région, il va falloir que la commune propose un programme riche et diversifié sur toute l’année pour faire de ce bâtiment emblématique de la ville un espace culturel au sens large.
Pourquoi ne pas envisager l’organisation de courses landaises comme c’était le cas il y a maintenant des années ?
D’ailleurs, on ignore souvent que c’est pour organiser des courses de taureaux mais aussi des courses landaises que les arènes vicoises actuelles ont été construites.
Et c'est par deux courses landaises qu’elles ont été inaugurées !
On trouve dans les archives trace d’une course landaise organisée en 1843 à Vic-Fezensac, signe qu’était déjà présente à cette époque l’aficion, ce goût de l’affrontement d’un homme devant une bête.
Pendant très longtemps, on fit des sortes d’encierros dans les rues avec les vaches et les toros que les bouchers avaient achetés et lâchaient dans les rues avant de les conduire à l’abattoir mais beaucoup d’ accidents se sont produits comme le toro qui rentra dans l’église à Nogaro.
Les interdictions se multiplient et au XVIIIème siècle, l’intendant de Gascogne d’Etigny impose que les courses se fassent dans un espace clos d’où vaches et toros ne pouvaient s’échapper.
A Vic, où régnait la passion de la course landaise, on installa sur la place du foirail des arènes en bois démontables dans lesquelles se déroulèrent de nombreuses courses landaises mais aussi des course de taureaux.
Mais ces arènes ne présentaient aucune garantie de sécurité.
En effet, on accédait aux gradins par une échelle depuis la piste !
Par délibération du 9 mars 1930, le conseil municipal présidé par le maire Albert Delucq adopta le principe de la construction d’ arènes en béton armé.
En homme prudent, Albert Delucq demanda que le comité des fêtes soit élargi à 150 personnes qui s’engagent à souscrire une part de 15 000 francs sous forme de location des arènes dans le but de couvrir l’emprunt contracté par la commune.
Il y eut des réunions multiples pour choisir le lieu idéal.
Finalement fut retenu le terrain des jardins en haut de la ville, terrain bien choisi car il a permis des agrandissements, des accès, des parkings.
La construction du bâtiment pouvant accueillir 3000 personnes dura 5 mois.
L’inauguration a lieu le dimanche 20 septembre 1931 à 15 h 30 avec une course landaise suivie d’un spectacle de cirque. 5000 personnes selon les organisateurs ! On frôle l’émeute.
Les deux cuadrillas du dimanche 30 septembre
Le lundi au soir a lieu une autre course landaise.
Par la suite, l’imposant succès populaire constaté lors de l’inauguration donna l’idée au Comité d’organiser des corridas et on fit appel pour cela à M.Degeilh Aguilita, directeur du journal le Toril – une plaque lui rend hommage- qui se rendit à Vic et recommanda de faire appel à un grand aficionado bayonnais Joseph Fourniol dont les arènes portent le nom.
Alfred Degeil (Aguilita) et Joseph Fourniol (archives Paco Tolosa)
Le temps a passé, des agrandissements ont été réalisés mais aujourd’hui, le béton est fatigué et il faut songer au futur des bâtiments.
Il est regrettable que l’organisation des courses landaises n’ait pas perduré à Vic-Fezensac.
Pourquoi ne pas envisager de remettre au goût du jour ce sport très ancien qui fait partie de la culture locale ?
Très ancien car on trouve dans les grottes de Lascaux des peintures d’hommes affrontant l’animal !
Minos dans son palais de Crête plaçait sa civilisation sous le signe du taureau et les artistes retraçaient sur des fresques, aujourd’hui au musée d’Héraklion, les attitudes des hommes jouant avec un taureau, écartant ou sautant la bête.
A l’époque romaine, les gladiateurs luttaient dans les arènes contre les taureaux au Colisée, à Nîmes, à Vérone.
Don Sancho, duc de Gascogne, aurait organisé des courses au Ixème siècle à Saint-Sever où des jeux de même ordre sont signalés bien plus tard en 1457.
Des documents portent la trace de manifestations semblables en 1468 à Oloron Sainte Marie et en 1510 à Bazas, Saint-Sever et Mont de Marsan.
Les courses prennent de plus en plus d’ampleur dans le Sud-Ouest.
On en vit même à Saint-Germain en Laye en 1561 en l’honneur de Jeanne d’Albret et de ses enfants.
Le Saint-Siège s’inquiète et par une bulle de 1567 le pape Pie V interdit les courses de taureaux et de bêtes féroces sous peine d’excommunication.
Les évêques multiplient au XVIIème siècle les interdictions mais, comme on l’a vu plus haut, les bouchers organisent des courses clandestines dans les rues entre les boucheries et l’abattoir.
D’où les décrets qui conditionneront l’organisation de courses landaises ou de taureaux dans des lieux clos.
Au XIXème siècle, les courses landaises pourront se dérouler librement un peu partout.
En 1831, les frères Darracq exécutent les premières feintes ; c’est en 1850 que Cizos fait le premier écart, imité par Jean Chicoy qui sera surnommé « le roi de l’arène ».
En 1886, à Peyrehorade, Charles Kroumir fait le premier saut périlleux.
Beaucoup de toreros sont tués. Aussi dès 1900, généralise-t-on la fixation de « tampons » à l’extrémité des cornes.
Malgré cette précaution, la course landaise demeure un sport dangereux.
Pendant la période héroïque de la course landaise, les écarteurs mènent une vie un peu bohème, allant à pied de course en course, au gré de leur humeur. Peu à peu, ils préféreront faire partie d’une cuadrilla attachée à un ganadero.
Des concours furent créés permettant une saine émulation.
Aujourd’hui, la course landaise, c’est avant tout une tradition solidement ancrée dans le patrimoine culturel gascon.
Mais c’est aussi un sport qui est reconnu par le Ministère des Sports et géré par la Fédération Française de la Course Landaise.
Mise à mal par la crise sanitaire, elle est cependant de plus en plus appréciée par les jeunes générations et pourrait voir son avenir s’éclaircir.
Alors, à quand le retour de la course landaise dans les futures arènes rénovées de Vic-Fezensac ?
Pierre DUPOUY
Photo-titre de Pierre Dupouy : lundi en fin d'après-midi, la cuadrilla Jean-Marc Lalanne a impressionné le public (Pentecôte 2012)