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Et voici la suite de Vic vaut bien une messe dont vous avez lu le début hier à retrouver en cliquant ci-dessous :
Deuxième partie :
Le soir de la veillée de Noël, l’église est dans la pénombre. La place est lugubre, un voisin y promène ses deux chiens. Un grand et un petit qui lèvent la patte sur les platanes de la pelouse qui enserre le monument aux morts.
De grandes ombres se dessinent à la lueur des réverbères.
Vic est peuplée depuis près de 1000 ans ou plus. C’est sans doute la première fois que le solstice d’hiver n’est pas fêté.
Cela, c’est la version officielle qui sera écrite dans les manuels d’histoire et dans les rapports des diverses administrations...
Il est 19h30. L’abbé Simonsen arrive seul. Il aime se recueillir et réfléchir dans la pénombre de la vieille église paroissiale.
Il sursaute en sentant une présence derrière lui.
« Bonsoir l’abbé ! ». Il reconnaît la voix du maire.
« Que faites-vous là ? Je n’ai pas le droit de vous laisser entrer pour l’office.
- Je veux juste prier avant »
Ce n'est pas trop dans les habitudes du maire, plus habitué des troisièmes mi-temps du foot que de la vie paroissiale.
Le curé en a vu d’autres et parfois des conversions surprenantes et inattendues. Il garde le silence et s’efface pour laisser entrer le premier magistrat de la ville.
Cela bouleverse un peu les habitudes du prêtre.
« Ne refermez pas, je ressors ! »
L’homme d’église se dirige vers la sacristie à l’aide d’une lampe de poche. Tout est dans l’obscurité.
Le maire reste au fond et s’assoit silencieusement sur le dernier banc près de la porte. Il est tellement discret que le curé l’oublie.
Il s’assoit face à l’autel au premier rang, un léger grincement de bois indique qu’il prend place. Ensuite, il se perd dans ses prières et réflexions.
Vers 20h00, le curé se lève et se dirige vers la sacristie. On perçoit le claquement de quelques vieux interrupteurs électriques. La lumière se fait dans le chœur et à proximité de l’autel.
Une petite caméra repose sur un trépied face à ce dernier. L’abbé Simonsen vérifie la mise en route et observe l’image sur un ordinateur portable.
Tout fonctionne normalement. Il commence à en avoir l’habitude.
Le maire l'observe silencieusement. Le curé le croit parti depuis longtemps.
Il est maintenant 20h15. L’abbé Simonsen disparaît un moment et revient en portant les habits sacerdotaux.
A cet instant, un léger grincement de la porte en bois est discernable. Le maire se lève et se dirige vers le nouvel arrivant.
Il s’agit du correspondant de presse local qui vient prendre une photo et écouter un moment comme convenu.
Le maire le connaît bien. Ce dernier le poursuit depuis qu’il est maire et lui pose sans cesse des questions auxquelles il n’a pas forcément les réponses.
Le type est âgé, grand, mince et toujours affublé d’une veste de sport et d’une casquette écossaise avec un pompon vert foncé.
Ce soir-là, le maire doit s’en débarrasser le plus rapidement possible.
Le vieux correspondant de presse est surpris de se trouver devant le maire dans l’église un soir de Noël. Un soir où il aurait dû être en compagnie du curé uniquement.
« Je représente Monsieur le Préfet, je dois m’assurer que les consignes sont bien respectées. Même vous, vous ne pouvez pas rester »
Pas véritablement mécontent, le vieux correspondant dit : « On fait comme d’habitude, vous m’envoyez la photo et le communiqué ? »
- Je la réalise avec mon téléphone et tout ira bien ! ».
Le correspondant s’éclipse ravi de l’opportunité. L’article sera tout fait et il gagne une heure, ce qui lui permet de rentrer chez lui plus tôt.
Le maire retourne s’asseoir et observe le curé dire sa messe tout seul dans l’église qui se trouve dans le noir.
C’est digne d’un film d’horreur. L’ambiance est glaçante.
Un CD donne une musique d’ambiance de Noël.
Il est 21h00 et le curé en termine avec sa messe de Noël. La porte bouge avec discrétion.
« Porteur ? » C’est une plaisanterie douteuse qui circule dans le groupe. Les médecins de la TV ne parlent que de patients porteurs du virus.
« J’ai le Madiran et le Monbazillac pour le curé »
Une autre ombre lui emboîte le pas.
« Porteur ?
- J’ai la dinde, elle est chaude et fourrée avec de la farce au foie gras ».
Tout en silence, les plats sont posés sur les derniers bancs.
« Porteur ?
-La bûche ! Offerte au curé par le pâtissier ! »
Un léger sifflement est émis devant ce don tombé du ciel. Cela résonne dans l’antique église. Le curé qui n’était pas loin émet un :
« Y’a quelqu’un ? »
- C’est nous ! »
Le maire corrige inquiet de la réaction du curé :
« C’est moi !
- Vous êtes encore ici ! Vous n’aviez pas l’autorisation de rester ! »
Le curé se dirige vers le fond à l’aide de sa lampe de poche. L’étroit faisceau balaie le dernier banc sur lequel tous les plats sont posés.
Il découvre instantanément toute l’équipe des « survivants » du café.
Tous lui font un large sourire.
Le maire lui ouvre les bras théâtralement.
« Nous avons pensé que nous pourrions partager ce repas de Noël avec vous »
L’abbé Simonsen se tourne inquiet vers l’autel.
« Vous ne pensez pas vous servir de l’autel ?
- Nous avions pensé à votre sacristie !
-Ce n'est pas permis ! Ce n’est pas un restaurant ! »
Le maire passe devant le regard du curé une bouteille de Monbazillac fraîche à souhait.
Le curé marmonne : « Évidemment, c’est la nuit de Noël et le Petit Jésus ne serait pas content que je vous jette dehors ! Vous n’avez pas d’hôtel ni de
restaurant ! »
Le maire opine du chef.
« J’ai deux conditions ! La première, vous dites avec moi la prière avant le repas, ensuite pas de paillardes trop paillardes et surtout marmonnées ! Je veux des paillardes basses ! »
Le maire s’engage pour le groupe.
« Nous respecterons le lieu !
- Ce n’est pas la question, mais voir les gendarmes dans l’église un soir de Noël pour tapage nocturne et finir devant l’évêque à Auch… »
Texte et illustrations : François Macé