Lous aiguillounès : une manière originale de souhaiter le nouvel an aux voisins

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Lous aiguillounès était une tradition très ancienne de la Saint-Sylvestre qui consistait à aller par les chemins souhaiter la bonne année aux voisins avec une chanson.

La tradition avait disparu mais elle revint au goût du jour sous le régime de Vichy avec l’opération « Retour à la terre » du maréchal Pétain.

C’est ainsi que je l’ai connue et pratiquée !

Mais que signifie le mot « aiguillounès » ?

Un ancien qui disait être allé à l’école jusqu’à 14 ans et avait le certificat d’études nous expliquait que cela venait du gui que les druides gaulois cueillaient dans les arbres.

D’autres disaient que le terme venait de l’aiguillade, un bâton terminé par un aiguillon qui servait à activer les bœufs et doté d’une palette de l’autre côté pour enlever la terre lorsqu’il a plu et qu’elle colle aux soques.

Cette origine serait la plus plausible. D’ailleurs, les aiguillounès ne partaient jamais sans leur bâton.

Nous partions donc en groupe souhaiter la bonne année.

Nous avions au préalable enfilé de grandes chemises sur des tricots bien entendu – c’était l’hiver- , chemises qu’avait préparées les mamans, les trempant dans de la teinture bleue, rouge, verte, jaune.

On coiffait le béret gascon et on chaussait les soques à semelle de bois cloutées, ce qui nous permettait de cheminer plus facilement sur les chemins de terre.

Ce n’était pas le même climat qu’aujourd’hui : le sol gelait en profondeur, se couvrait de neige, ce qui rendait les déplacements difficiles.

Nous avions au bras des paniers pour récupérer les offrandes attendues.

C’était le plus souvent des œufs pour faire -  selon la chanson - la « coco », le gâteau de Marie qui serait distribué au cours de la messe.

On nous donnait parfois quelques piécettes, ou un petit flacon d’eau de vie pour parfumer la coco de Marie, un petit flacon que l’ on consommait « a galet » sur le chemin, pour se prémunir du froid !

Les températures négatives n’incitaient pas les gens à quitter le coin du feu.

Il fallait donc les faire sortir et pour cela, on chantait des chansons.

J’ai retrouvé calligraphiés à l’encre violette quelques couplets des chansons et même la partition !

On chantait en gascon bien entendu.

On orientait les paroles vers ce que les habitants étaient susceptibles de donner, titillant le côté religieux : «  Si vous nous donnez du blé, nous ferons du pain béni, si vous nous donnez de la farine, nous ferons la coco de Marie »

On sait que les Gascons savent toujours prendre le vent, on le retrouve dans les chansons des aiguillounès : « Ici souffle le vent de derrière (ouest), ouvre la porte du grenier, ici, souffle le vent du sud, ouvre la porte des écus, ici souffle le vent du nord, ouvre la porte du trésor »

Généralement, les portes s’ouvraient et les gens nous invitaient à entrer et à nous mettre au coin du feu. Ils allaient chercher la bouteille de blanc ou du café et quelques gâteaux et ils nous donnaient l’aguillonade.

On les flattait alors avec des couplets de remerciement : «  De braves gens nous avons trouvés, l’aiguillonè ils nous ont donné » et on continuait par des vœux de santé « Que Dieu garde la maison avec les gens qui y sont dedans », de prospérité «  Que le bon Dieu vous donne autant de bœufs que les poules vous feront d’oeufs ».

Quand on connaissait bien le propriétaire coureur de jupons, on avait aussi ce petit couplet : « Que le bon Dieu vous donne autant de filles qu’au chai il y a de moucherons ! »

Tout le monde ne souriait pas, notamment la maîtresse de maison...

Certaines maisons restaient closes et même si elles s’ouvraient devant notre insistance, on n’obtenait pas grand-chose.

On savait que si on insistait trop, on pouvait voir apparaître un fusil à la fenêtre !

On avait aussi des couplets pour ceux qui ne nous avaient rien donné: «  Se nou volets arrè douna dans lous pourets qu’enguèram caga » ( Si vous ne voulez rien nous donner, dans vos poireaux nous irons ch... »)

On les menaçait aussi d’aller tout droit en enfer.

Et on ne les oubliait pas lorsque le printemps arrivait en leur organisant plusieurs soirées de charivaris sonores...

Pierre DUPOUY

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