Il existe encore dans le Gers quelques petits coins où l’on a préservé les haies aux branches touffues penchées sur la rivière comme au niveau de la digue de Bazian.
On y voit quelques petites libellules et dans la haie, les oiseaux sont en train de piailler tout en séchant leurs ailes au soleil...
C’est une matinée d’été, le soleil commence à être très vif et il traverse les feuilles des peupliers qui bordent la rivière.
Au milieu de la rivière, trône une petite presqu’île habitée par une famille de blaireaux.
La mère, tête blanche aux deux bandes noires, est couchée, trois petits autour d’elle.
Deux autres sont en train de profiter du beau temps et de faire de la gymnastique aux branches plongeantes.
Arrive derrière moi un paysan avec un fusil et une pioche.
« Ah, vous les regardez... Moi, je les vois tous les jours. J’ai le fusil là mais je n’ai pas osé encore les tuer. C’est terrible ça, je les vois mais je ne les tue pas. Et pourtant, il le faudrait ! Venez voir ! »
Et il m’entraîne vers un carré de maïs complètement saccagé : le spectacle est impressionnant, les tiges sont coupées comme avec une tronçonneuse et les épis déchiquetés !
Plus tard, j’assisterai à des opérations de déterrage de blaireaux, ce que l’on appelle la venerie sous terre qui consiste à capturer blaireaux et renards dans leur terrier.
Le blaireau creuse en effet son terrier en fendant la terre qu’il repousse de chaque côté avec ses longues pattes avant aux griffes tranchantes et dures comme des sabres, formant ainsi une sorte de canal dans lequel il évolue parfois jusqu’à cent mètres de l’entrée principale et jusqu’à 10 mètres de profondeur ! Son terrier est complexe car il comprend plusieurs galeries qui s’entrecroisent.
Ces galeries conduisent à des chambres garnies d’une litière très douce composée de brins de paille, de bouts de roseaux, d’herbe pour le confort des petits.
Petit détail amusant : le blaireau est un animal très propre qui installe ses « toilettes » à quelques mètres de son terrier : ce sont des trous en forme de poire dans lesquels il dépose ses fientes.
Les déterrages auxquels j’ai assisté se déroulaient avec des chiens dressés à cet effet, ce sont des teckel, des fox-terrier ou des jack-russel : ils s’enfoncent dans le terrier et traquent le blaireau qui fuit vers un orifice où l’attendent des chasseurs qui l’extirpent avec une grande pince et l’enferment dans une cage. A l’époque où j’ai assisté à ces déterrages, les blaireaux capturés étaient envoyés dans un institut à Bordeaux pour la recherche médicale.
Mais le plus souvent, les blaireaux sont tués et cette pratique pourtant autorisée est jugée cruelle par les associations de protection des animaux qui réclament son interdiction.
Je me souviens d’une anecdote au cours d’un déterrage : un chien ressort d’un terrier mordu à la patte par un blaireau, son propriétaire l’attache dans un coin en attendant de récupérer ses autres chiens. Je vois le chien attaché tout d’un coup tomber raide ! J’appelle vite son propriétaire qui se précipite et part rapidement amener son chien chez le vétérinaire.
Par une fente dans la terre, le chien avait en fait inhalé un gaz que l’on mettait parfois dans les terriers pour faire sortir les bêtes. Le vétérinaire le remit vite sur pied et il put repartir à la chasse au blaireau. D’après son propriétaire, cet accident ne lui ôta pas son goût pour cette chasse !
Aujourd’hui, l’utilisation de gaz est formellement interdite.
Jugé nuisible, cet animal peut cependant débarrasser tout un secteur des bêtes atteintes de maladies et peut ainsi arrêter une épidémie chez le gibier.
De plus, il mange des campagnols, des musaraignes, nuisibles pour les cultures.
Alors, animal utile ou nuisible ?
Quoi qu’il en soit, son nombre diminue autant qu’augmente le trafic routier ; en effet, le blaireau n’est pas un bon coureur et lors de ses sorties nocturnes, il est souvent victime des voitures.
A propos de la chasse au blaireau, j’ai participé dans ma jeunesse à une déambulation insolite ! Autrefois, quand on tuait un renard ou un blaireau, on le promenait de maison en maison dans tout le voisinage. Les voisins, heureux d’être débarrassés de ce voleur de poules ou de ce pilleur de maïs, donnaient des œufs ou de l’argent. Le renard rapportait davantage que le blaireau car les dégâts occasionnés par les renards dans les poulaillers étaient plus importants que ceux commis par les blaireaux !
Mais on n’était pas toujours très bien accueilli car les paysans se méfiaient. La bête avait souvent été capturée très loin de leur domicile et prêtée aux jeunes du village tant qu’elle était encore en bon état !
Pierre Dupouy
Crédit photos et illustration : BTJ n° 104 réalisée par les classes de Huguette et Pierre Dupouy à Vic-Fezensac et l'école de Chabrits-Mende (Lozère)