C'est une matinée ensoleillée et le groupe est accueilli par Morgane Pelissier, la médiatrice de l'Espace Départemental d'Art Contemporain.
Elle retrace rapidement l'histoire du lieu, anciennement couvent des Carmélites, puis Centre des Archives, enfin propriété du Département.
Nous commençons la découverte de l’exposition « White Spirit ». Déjà, le titre est une invitation à la réflexion avec la double référence au liquide servant à nettoyer (les pinceaux) et la traduction littérale « Esprit blanc » cette expression servant de fil rouge aux productions des artistes. En effet, les lieux sont imprégnés des esprits des personnes qui y ont vécu et l’on peut même découvrir sur les murs et dans les salles des traces qui nous interpellent à l’instar des palimpsestes.
Dans la chapelle, Maude Maris a réalisé une œuvre spécialement pour le lieu et installé une immense toile dressée sur un cadre de bois. Des silhouettes errent et se répondent en deux parties ; l’une à gauche dans des gris et des bleus suggère un lieu d’enfermement évoquant les sœurs cloîtrées, l’autre à droite très colorée nous ramène au monde extérieur.
Sur l’autel, Charlotte Charbonnel présente une œuvre monumentale « Kyklos » en forme de diamant creux. L’extérieur noir, revêtu d’éclats d’ardoise contraste avec l’intérieur où l’on découvre au milieu d’une surface de métal blanchi un orifice d’où jaillit une colonne d’eau un peu laiteuse qui semble aspirée et réapparaît sans cesse, c’est le cyclone. Ce mouvement répétitif a quelque chose de fascinant et l’on pourrait imaginer quelque pythie se penchant au dessus de la vasque et nous délivrant son oracle. L’eau du dispositif est celle d’un puits du couvent condamné depuis vingt ans.
Dans le salon rouge, Ken Sortais propose à notre vision une sculpture géante. C’est un choc. Que vient faire ce géant aux allures de monstre des légendes nordiques ? Vient-il annoncer un nouveau culte ? Non, c’est Saint Jérôme ! Mais « revisité ». Ken Sortais a prélevé avec du latex un moulage du saint sur l’église de la Madeleine à Paris.
Nous voyons ce qu’il a fait des enveloppes de ce matériau qui prennent forme forme grâce à une soufflerie qui donne tout son volume à l’œuvre.
La comparaison avec l’original s’impose, il n’est pas sûr qu’il en sorte vainqueur.
Dans la réserve, on assiste au cycle de vie de Saint Michel, gisant au sol. C’est la même facture que Saint Jérôme. On le voit prendre forme, puis se dégonfler comme une grotesque baudruche. Nos mythes ?
Dans l’ancien réfectoire, Delphine Balley expose « Voir, c’est croire ».
Avec les six photographies grand format (140x110cm), prises avec sa chambre noire, l’artiste nous entraîne dans un univers où l’on a du mal à distinguer ce qui relève du réel et du fantasmé.
On réalise que les « images » et leur mise en scène ont un énorme pouvoir de suggestion et que les différentes religions et/ou sectes ont ancré leur diffusion et leur maintien grâce à cette capacité.
La présentation dans le lieu maintenu dans une demi-obscurité, renforce la sensation de captation de l’attention ; et la boule de cristal, seule au milieu de la grande table tendue de noir renvoyant les photos à l’envers rappelle le principe de l’appareil photographique ainsi que l’illusion de ce que l’on voit.
Anthony Mc Call nous immerge dans son œuvre en trois dimensions « Doubling Back ».
Nous arrivons par un long couloir pour déboucher dans une salle complètement obscurcie dans laquelle se déploie un faisceau de lumière.
Le dispositif projette une « lumière solide » créant dans l’espace un volume immatériel. Le visiteur peut tourner autour et pénétrer à l’intérieur, il sera dans un prisme. On entre dans l’œuvre.
Jean-Gabriel Periot avec « Nijuman no Borei – 200 000 fantômes » retrace l’histoire d’Hiroshima de 1914 à 2006.
A travers une vidéo composée d’images d’archives qui se succèdent ou se superposent, il nous propose une réflexion sur la violence, l’horreur. Ce document-mémoire fait apparaître que cet événement fait maintenant partie de l’histoire de chacun. L’histoire de chacun est composée de sa propre histoire et des strates de l’histoire collective, renvoyant ainsi à la mémoire du lieu.
Amandine Urruty, avec son triptyque créé pour le lieu, nous emmène dans un univers baroque, onirique. Avec des photos en noir et blanc ? Pas du tout. Toute l’œuvre est réalisée au crayon à papier (graphite et fusain).
Elle mêle trois histoires et nous lisons une sorte de journal intime dessiné. Son univers tient de la brocante, du grenier aux souvenirs mais aussi du temps réel, des personnes de son entourage étant dissimulées sous des tissus, déjà devenues fantômes.
Nous terminons par l’ancienne conciergerie où Chantal Raguet nous enferme dans sa cage d’ombre « Unchain My Light ».
C’est un petit lustre, style à pendeloques de cristal, mais fabriqué avec des chaînes. Il envoie sur les murs et au sol l’ombre de chaînes sans fin emprisonnant le visiteur. On retrouve le thème de l’enfermement du couvent des Carmélites. La boucle est bouclée.
Cette visite nous a captivés. Il est à noter que si la qualité des œuvres présentées était au rendez-vous ainsi que la cohérence des choix, les commentaires de notre médiatrice Morgane ont apporté un supplément très apprécié.
Visite de « White Spirit » vivement recommandée !
Le Journal du Gers remercie chaleureusement Odette Chalumeau pour ce superbe texte qui sera certainement très apprécié par l’équipe de Memento.
Avec, comme à notre habitude, Marc Le Saux à la photo ; il nous en voudrait certainement de ne pas le citer. Merci à lui pour toutes ses photos !
Informations pratiques : Espace départemental d’art contemporain
Ouverture du mercredi au dimanche de 13 h à 19 h - Entrée libre et gratuite
Visites de groupe de 10 personnes maximum, sur réservation : de 11 h à 12 h
4 rue Edgar Quinet, à Auch - Tél : 05 62 06 42 53 - mail : [email protected]
Le Shop de Memento propose également à la vente des objets créés spécifiquement pour le site et ses expositions.
Un espace pause & détente est proposé au sein du jardin et du cloître de Memento avec accès wifi-fi gratuit pour prendre un café, lire, prendre le temps de la découverte de l’esprit des lieux.