Depuis le mois de juillet et jusqu’au mois d’octobre, le Musée des Beaux-Arts de Mirande accueille, en ses murs, une exposition d’exception, l’exposition Josette Verrier qui présente 30 ans de création de costumes pour la télévision.
Josette Verrier était une créatrice de costumes qui a travaillé pour la télévision française de 1960 à 1990. Ses costumes étaient destinés à des œuvres télévisuelles de réalisateurs prestigieux, tels Jean-Christophe Averty, Alain Boudet, François Chatel, Georges Folgoas, Marion Sarraut, Pierre Tchernia…
Cette exposition a été préparée et organisée par son compagnon Roger Lajus avec qui nous avons eu le plaisir d’échanger.
Journal du Gers : Roger Lajus, pourquoi cette exposition ?
Roger Lajus : Notre fille Marie Chevreux et moi-même avons souhaité présenter au public cette exposition pour rendre hommage à ma défunte compagne Josette Verrier qui était créatrice de costumes pour la télévision française entre 1960 et 1990.
Journal du Gers : Quel est le contenu de cette exposition ?
Roger Lajus : Cette exposition présente des maquettes des costumes - soit des dessins, soit des gouaches, des aquarelles, du crayon - destinés à être portés par les comédiens qui interviendront dans différentes réalisations.
Journal du Gers : Comment avez-vous sélectionné les maquettes exposées ?
Roger Lajus : Je ployais en effet sous l’abondance et je me suis appuyé pour choisir les dessins exposés sur plusieurs critères.
Le premier critère est un critère temporel. J’ai souhaité présenter les premières et les dernières œuvres, les plus récentes, des séries durant des dizaines d’heures d’antenne, étant susceptibles d’avoir un véritable écho dans la mémoire des téléspectateurs.
Dans une première salle, on verra les costumes réalisés pour les divers feuilletons de Marion Sarraut entre1985 à 1990 ; il s’agissait de feuilletons historiques basés sur des textes d’Alexandre Dumas ou de Juliette Benzoni.
La comtesse de Charny réalisation Marion Sarraut
Dans une deuxième salle, sont exposées les maquettes réalisées pour Jean-Christophe Averty dès les années 60, l’époque pionnière des Raisins verts ; on verra des maquettes concernant Ubu Enchaîné, le show Bécaud, Alice au pays des Merveilles et le Songe d’une nuit d’été.
Ubu enchaîné, dessins et plateau
Alice au pays des Merveilles Le chat (et photo-titre)
Songe d'une nuit d'été
Mon deuxième critère a été de montrer deux visions diamétralement opposées de l’image télévisuelle et de la conception que les réalisateurs avaient de leur métier.
Dans la salle dédiée à Marion Sarraut, les photos de plateau confiées par l’INA montrent que les comédiens sont dans des décors naturels ou des décors reconstitués, ils évoluent dans un fond historique.
Chez Jean-Christophe Averty, il n’y a pas de fond au moment du tournage ou plutôt le fond est de couleur telle qu’il facilite plus tard les incrustations d’autres images.
Le troisième critère était de montrer l’opposition entre des œuvres reflétant une vérité historique chez Marion Sarraut alors que chez Jean-Christophe Averty, il s’agissait d’illustrer des œuvres de pure fiction.
Dans tous les cas, cela supposait une adaptabilité de Josette à la nature des textes de base.
La cloison qui sépare les deux salles, est habillée de maquettes qui couvrent une période allant des débuts avec Averty jusqu’à Marion Sarraut.
L’ensemble de sept maquettes est intitulé « Destins de femmes ». Ils me paraissent intemporels.
Danielle Darrieux Frou Frou de François Chatel
Dans le chemin d’accès à l'exposition, j'ai choisi trois maquettes d’une adaptation de La savetière prodigieuse de Garcia Lorca par René Lucot, en hommage à mon père qui était cordonnier à Vic
La savetière prodigieuse
À l’entrée de l’exposition avant les deux salles, deux petits cadres sont disposés en forme de clins d’œil.
L’un représente une chauve-souris, pour une émission qui s’appelait Le château magique réalisée par un illusionniste Dominique Webb, un clin d’œil au coronavirus...
L' autre est une maquette pour une émission d'Averty, Au risque de vous plaire ; à l'entrée d'une exposition dont je ne savais pas si elle aurait du succès ou pas, cette maquette me semblait opportune !
Dans les deux salles, on trouve aussi des vitrines qui présentent des éléments de ses études, de son travail chez son père, des photos des travaux qu’elle a réalisés pour l’Unesco, et dans la 2e salle, des coupures de presse relatives à son travail.
Journal du Gers : Est-ce que ce choix a été compliqué pour vous ?
Roger Lajus : Oui, très difficile car j’ai recensé environ 300 maquettes et je n’en ai conservé que 85 !
Il a fallu rassembler d’abord avant d’effectuer un tri.
Journal du Gers : Pourquoi le choix de Mirande ?
Roger Lajus : C’est un peu un hasard. Je souhaitais présenter cette exposition à Flaran, mais on m’avait répondu qu’il y avait une liste d’attente jusqu’en 2027 ! La Conservation Départementale du Patrimoine et des Musées sise à Flaran m’a proposé alors Mirande que j’ai accepté tout de suite !
Journal du Gers : Combien de temps pour préparer cette exposition ?
Roger Lajus : J'ai consacré deux années à la préparer.
Chaque maquette est identifiée de la main de Josette par l’émission, le réalisateur, la date, les comédiens, les rôles…
C’est un travail qui m’a pris beaucoup de temps car il m’a fallu plonger dans les archives audiovisuelles, personnelles et officielles.
Journal du Gers : Quel itinéraire a conduit Josette Verrier à cette carrière ?
Roger Lajus : Elle a baigné dès son enfance dans l’univers du théâtre.
Son père, Alexis Chevreux, était un constructeur de décors de théâtre.
Après des études à l’École du Louvre, elle a été décoratrice à l’Unesco pour le département Films, puis a travaillé dans les ateliers de son père à la réalisation de décors pour les compagnies Renaud-Barrault, Pitoeff, Gaston Baty, les théâtres Mogador, Châtelet...
Journal du Gers : Josette Verrier disait que la conception des maquettes était la phase la plus grisante de l’aventure dans la création d’un costume. Vous qui avez vécu à ses côtés, pouvez-vous nous expliquer cela ?
Roger Lajus : Josette avait le souci extrême du détail, du respect des oeuvres d’origine, de la vérité historique.
Je me souviens d’une année à Séville où nous avons visité un grand nombre d’églises à la recherche du profil d’une aile d’ange qui serait adapté à l’époque de l’émission qui allait se tourner.
Elle allait elle-même choisir ses étoffes.
Elle confiait ses créations à deux types d’ateliers de couture : d’abord l’atelier de couture de la télévision mais quand les costumes revêtaient une complexité supérieure, elle en confiait la création physique à des ateliers extérieurs parisiens sous-traitants des grands couturiers français.
Elle suivait la fabrication des costumes pas à pas ou plutôt épingle par épingle !
Elle avait une curiosité permanente et ne se déplaçait jamais sans son carnet de dessin et son crayon. Elle nourrissait son style personnel de prises de notes lors de visites d'expositions, de musées, de lecture d'ouvrages d'art.
Journal du Gers : Josette Verrier a créé des costumes de 1960 à 1990. Cette longue période a vu les techniques évoluer de manière spectaculaire. Qu’est-ce que cela a changé dans les modalités de création de Josette Verrier ?
Roger Lajus Elle avait le souci d’être toujours en phase avec l’actualité et même avec le futur des techniques.
En 1983, elle s’est formée, à Londres, au graphisme 3D par ordinateur.
Elle avait toujours le souci de ne pas se laisser dépasser.
Journal du Gers : "La création de costume, c’est un travail d’équipe", disait Josette Verrier.
A-t-elle parfois rencontré en amont des difficultés avec le réalisateur ou les acteurs qui n’étaient pas d’accord avec le costume proposé ou par la suite avec les couturiers chargés de réaliser le costume ?
Roger Lajus : Pas à ma connaissance mais comme bien d’autres elle a eu droit à des colères d’Averty qui retombaient aussitôt ! Les réalisateurs lui étaient fidèles.
Une chose qui l’irritait dans les feuilletons historiques, c’était que les comédiennes rechignaient à porter le chapeau, la voilette ou la coiffe parce que ça masquait leur visage. Elles les rejetaient vers l’arrière pour qu’on les identifie mieux à l’image et cela contrariait Josette qui ne les avait pas conçus pour qu’ils soient ainsi déplacés sans respect de la mode historique.
Page de garde d’un ouvrage d’Anne-Marie Duguet consacré à Averty qui contient deux dédicaces dont l’une de JCA « A Josette la fidèle » (non exposé à Mirande)
Journal du Gers : Pourquoi ces costumes n'ont-ils pas été conservés ?
Roger Lajus : Tout le stock de costumes a été un jour vendu par la SFP (Société Française de Production qui a succédé à l'ORTF) à un privé qui les a stockés dans des bâtiments.
Un jour les bâtiments ont brûlé !
C’est un des intérêts de l’exposition. Il ne reste de ces costumes que les vidéos, les photos de plateau et les maquettes.
En 1991, elle avait exposé dans le cadre de Pentecôtavic et d’Humanisme en Fezensac quelques-unes des maquettes que l’on peut voir à Mirande et à cette occasion, elle avait réussi à se faire prêter les costumes réalisés qui avaient pu être exposés avec les maquettes, ce qui n’est plus possible aujourd’hui !
Journal du Gers : Que vont devenir ces maquettes à la fin de l'exposition ?
L’idée première de ma fille et moi avec cette exposition était de rendre hommage à Josette.
Mais nous avions aussi un souci de conservation de tous ces documents. Certains, notamment ceux concernant Jean-Christophe Averty, datent de 60 ans ; il y a des dégradations notamment des calques qui se gondolent, se déchirent.
Il était urgent de les mettre à l’abri.
Nous avons donc négocié avec l’INA un contrat de dépôt des maquettes de Josette à des fins de conservation physique, de numérisation et de mise à disposition des chercheurs dans les sites gérés par l’INA .
À la fin de l’exposition, toutes les maquettes partiront à l’INA.
Elles feront partie du fonds Josette Verrier qui côtoiera le fonds Jean-Christophe Averty et le fonds Max Debrenne.
Cette exposition est visible au Musée des Beaux-Arts de Mirande du 1er juillet 2020 au 31 octobre 2020
Entrée libre
Horaires août :
Semaine : 10 h - 12 h / 15 h - 18 h
Dimanche: 10h-12h30
Septembre: Attention, nouveaux horaires
Photos : Roger Lajus