Au delà des sourires de façade, Jean Castex pourrait bel et bien avoir hérité d’un cadeau empoisonné. Sa détermination chez Jean-Jacques Bourdin ou les déclarations de bonnes intentions ne doivent pas nous faire perdre de vue que les indicateurs économiques sont les plus mauvais d’Europe et la situation sociale prête à éclater à tout moment.
Un déficit abyssal du PIB de -11,4 %, pire que la Grèce et quasiment le plus mauvais de l’OCDE
Première difficulté pour le premier ministre, et pas la moindre : les comptes publics. Tous les voyants sont au rouge, à commencer par le PIB, prévu pour 2020, qui atteint un niveau inédit. Celui-ci est deux fois plus mauvais que l’Allemagne et bien en dessous de la moyenne européenne, selon l’organisation réputée pour la qualité de ses prévisions (voir le graphique OCDE en bas de l’article).
Qui dit moins de PIB, dit mécaniquement moins de recettes et de lourds déficits pour les caisses de prestations sociales : -31 milliards d’euros pour l’Assurance Maladie, -25,7 milliards pour l’Assurance chômage (Unedic) estimés pour 2020.
Emmanuel Macron a promis de ne pas recourir à l’impôt pour financer les quelques 500 milliards d’euros liés à la crise sanitaire. Mais la dette de l’État va bondir de 20 % et approcher les 3000 milliards d’euros. Un bombe à retardement pour les générations futures, car il est à craindre que les taux ne restent pas éternellement proches de zéro. Et mécaniquement des hausses d’impôt seront inéluctables à terme.
Penser que la crise sanitaire a démobilisé les Français est illusoire
Jean Castex serait-il frappé d’amnésie au point d’oublier les mobilisations de Gilets jaunes qui ont forcé Emmanuel Macron et Édouard Philippe à faire déjà de lourdes concessions en avril 2019 : référendum d’initiative partagée, dose de proportionnelle à l’Assemblée, moratoire sur les fermetures d’école ou d’hôpital, classes qui ne dépassent pas 24 élèves, réindexation des retraites «de moins de 2000 euros»,…
D’ailleurs, de nombreuses promesses du Président de la République n’ont toujours pas été suivies d‘effet et traduites dans l’arsenal législatif. Pas de quoi apaiser les tensions populaires !
Plus récemment en janvier 2020, Édouard Philippe avait dû encore reculer sur les retraites en concédant des aménagements sur l’âge pivot, devant la mobilisation persistante des syndicats et de la rue.
Un contexte social délétère, prêt à exploser à la rentrée
Certes, la crise du Covid-19 est venue perturber bien des esprits. Mais il serait vain de penser que la ferveur populaire pourrait s’être volatilisée, comme par enchantement. Le gouvernement pourrait-il penser que la crainte d’une deuxième vague va tuer dans l’œuf des mobilisations sociales d’ampleur ?
Le contraire est pourtant à craindre. Avec un niveau de chômage partiel inédit, associé à des plans sociaux en cascade, particulièrement dans l’industrie aéronautique, moteur de croissance du pays, certains français voient leur niveau de rémunération chuter de 15 à 30 %.
Ne parlons même pas des fonctionnaires à bout, que ce soit à l’hôpital, dans la police, chez les pompiers ou au sein de la justice.
La priorité, selon les acteurs syndicaux et sociaux, doit être l’emploi, la relance de la consommation et le sauvetage des services publics. Le sujet des retraites peut attendre.
D’ailleurs, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a déclaré aujourd’hui même à l’issue de sa réunion avec Jean Castex : « la priorité, c’est l’emploi ». Et il refuse de rouvrir des négociations sur le sujet des retraites.
Première douche d’eau froide pour Matignon. Et cela risque fort de ne pas être la dernière.