Monseigneur Gardès : « Le confinement invite à réfléchir sur le sens de sa vie »

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L’archevêque d’Auch fait le bilan du confinement pour Le Journal du Gers et dresse des perspectives pour demain.

Le Journal du Gers : Concernant les cultes, quel est l’état des lieux alors que s’achève la huitième semaine de confinement ?

Mgr Maurice Gardès : Je reçois beaucoup de courrier et de messages faisant état du désir de se retrouver en communautés ou en paroisses. Par ailleurs, l'hôpital et les Ehpad ont été très impactés puisque nos équipes qui visitent habituellement les souffrants ont dû suspendre leur mission. Enfin, le plus difficile concerne les célébrations d'obsèques où il y a eu une grande souffrance, du fait que des familles n'aient pas pu se retrouver et que les déplacements n'aient pu se faire.

Le Journal du Gers : Justement pour les obsèques, y aura-t-il la possibilité de prévoir des cérémonies d’hommage après le confinement ; sortes « d’obsèques bis ou de substitution » pour faciliter le travail de deuil ?

Il est tout-à-fait possible de planifier par la suite des célébrations où l’on fait mémoire des défunts. Cela permettrait de donner des témoignages sur leur vie, par exemple, tout en alternant avec la prière. Une « célébration hommage » mais qui peut être aussi sacramentelle si les familles demandent une messe. 

Le Journal du Gers : Certains ont protesté contre l’atteinte faite à la liberté de culte car, à partir du 11 mai, les célébrations restent interdites ; Qu’en pensez vous ?

Pour moi, il est évident que ce qui est la priorité absolue, c'est la santé. Nous sommes devant une situation qui est exceptionnelle. Dans ce cadre là, il faut faire tout ce qui est possible pour limiter la pandémie. Le déconfinement pour les cultes reste incertain, même après le 2 juin. Il faudra voir quel sera le nombre autorisé pour les rassemblements. Or, dans la vie de l’Église, ce sont toujours des grands rassemblements qui ont lieu. Les baptêmes, les mariages ou les grandes fêtes chrétiennes attirent toujours beaucoup de monde. Il faut arriver à conjuguer le côté religieux, le côté humain et bien sur la santé.

Le Journal du Gers : Cette période que nous venons de vivre va-t-elle changer des choses dans la société ?

Déjà, nous avons pu constater que tous les pays n’ont pas réagi de la même façon. Certains ont mis l’économie comme priorité. D'autre ont mis la santé avant tout. Mon souhait serait qu'on soit davantage dans la dynamique du pape François : une lutte contre la technocratie économique mondiale pour mettre l’homme en premier et non la finance. Quand on regarde l’assurance santé par exemple, on voit des régimes très différents et il y aurait déjà là des choses à faire. Il y a aussi la faim. On en parle très peu, mais dans certains pays, en particulier l'Éthiopie, on voit des problèmes de faim revenir à cause d'une invasion de criquets. Sans compter que les associations humanitaires ne peuvent plus agir du fait de la pandémie. il faut aller vers une société où l'homme est vraiment au centre. C'est mon rêve. J'espère que les choses vont évoluer et je prie pour cela avec tous les chrétiens.

Le Journal du Gers : Et au niveau individuel ?

J'ai constaté que ce temps de pandémie et de confinement invite chacun à réfléchir sur le sens de sa vie, même pour des personnes qui ne sont pas chrétiennes. J'ai eu plusieurs appels de personnes qui me disaient «  je m'interroge sur ma vie et sur le sens que je veux lui donner ». « Qu'est-ce que j’ai envie de faire maintenant ? », «  J'ai envie de me réorienter ou de faire autre chose de ma vie ». De même, au niveau sociétal, « Ai-je envie d’une nouvelle société ou d'un nouveau monde ? » L'interrogation est toujours bénéfique. Et si on est capable de remettre en cause des modèles, c'est toujours très positif.

Le Journal du Gers : Au niveau familial, la situation est contrastée...

Le confinement a permis à des familles de se retrouver en passant plus de temps ensemble, et en même temps, on sait que d'un autre côté, il y a eu davantage de violences conjugales. Notre humanité, nos fragilités sont exacerbées en cette période de confinement. Nos problèmes ont été intensifiés et, à l'image de la cocotte-minute, l’absence de liens vers l’extérieur peut parfois devenir trop lourd.

Le Journal du Gers : Avez vous eu, comme à Paris, des intrusions de policiers dans les églises ?

Dans le Gers, nous n’avons pas eu d'intrusion de policiers dans les églises du fait que nous travaillons beaucoup avec les officiels : la préfecture, les services de police et de gendarmerie. On se donne les consignes en direct. Le colonel de gendarmerie a même demandé aux brigades de nous faciliter la tâche lors des obsèques pour les déplacements des prêtres aux cimetières.

Le Journal du Gers : Comment les prêtres vivent t-ils ce confinement ?

Je contacte les différents secteurs paroissiaux, toutes les semaines, ainsi que les communautés religieuses pour faire le point, pour m'assurer que tout se passe bien. Par ailleurs, nous avons établi un protocole sanitaire qui a été envoyé à tous les prêtres et laïcs qui sont membres des équipes d'animation. Le texte tient compte des normes sanitaires et des déclarations du président de la Conférence des Évêques de France. Il a été soumis au corps médical et validé par la préfecture. Nous travaillons tous ensemble avec les autorités de l'État. 

Le Journal du Gers : En quoi consiste ce protocole ?

Les principales mesures sont l’utilisation de gel hydroalcoolique quatre fois lors des célébrations, y compris avant et après l'Eucharistie. La deuxième chose est de veiller à ce que les groupes ne dépassent pas dix personnes en incluant le prêtre. Pour cela, il est demandé qu'un laïc soit chargé de contrôler les entrées, en fermant la porte une fois le nombre atteint. Par ailleurs, les portes doivent rester au maximum ouvertes afin de limiter le contact avec les poignées.

Le Journal du Gers : Avez vous utilisé les nouvelles technologies de communication comme Facebook ou YouTube ?

Effectivement, nous diffusons, chaque jour, la messe sur la page Facebook du diocèse. Nous mettons aussi des interviews et des témoignages en ligne pour rendre la page plus vivante. J'ai été émerveillé par les capacités de créativité dans les paroisses ; les prêtres œuvrent en totale liberté d'initiative dans leur paroisse. Certains nous ont même éclairés sur des idées ou des moyens à déployer. Les prêtres ont mis la priorité sur l'humain et sur les liens entre les personnes. Ils utilisent des outils comme WhatsApp et Skype. Cela permet de mieux communiquer les uns avec les autres.

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