Focus sur la course landaise, une tradition et un sport en danger

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Déjà fragilisée par une augmentation des charges sociales, la course landaise est aujourd’hui en grand danger en raison de la crise sanitaire.

La course landaise, c’est avant tout une tradition solidement ancrée dans le patrimoine culturel gascon.

Mais c’est aussi un sport qui est reconnu par le  Ministère des Sports et géré par la Fédération Française de la Course Landaise.

 

Un peu d’histoire :

C’est une vieille tradition très ancienne.

On trouve des textes de 1457 qui font état de courses de vaches et de bœufs dans les rues de Saint-Sever durant les fêtes de la Saint-Jean.

Au XVème siècle, on lâchait dans la ville toros et vaches, du bétail des propriétaires de la région que les jeunes devaient esquiver.

Ces encierros dans la ville causaient des  dégâts importants physiques et matériels.

Une année, un toro entra dans l’église de Nogaro.

Les autorités civiles et religieuses prirent des mesures, des arrêtés qui interdisaient ces courses de vaches dans la cité.

Mais les Gascons qui n’ont pas l’habitude d’obéir au premier ordre maintinrent leurs traditions et les courses landaises à la manière d’encierros continuèrent dans les villes.

En 1750,  l’intendant d’Etigny prit une mesure pour que la course landaise se maintienne mais dans un milieu fermé, c’est-à-dire dans une arène.

Jusqu’à la fin du XIXème siècle, l’arène, c’est la place du village ou le champ de foire fermé par des charrettes mises en cercle.

Puis les villes construisirent des arènes en planches.

Une fut construite à Vic, place du Foirail. Il y avait un ruedo pour le spectacle et des bancs sur 2 ou 3 rangs.

On accédait aux bancs par l’intérieur. Il y avait un passage qu’un jour une vache emprunta et il y eut quelques dégâts...

Donc, on fit des arènes en planches puis on passa à la pierre calcaire. De très belles arènes sont faites en pierre calcaire.

Ces arènes ont été faites non par des entreprises mais par les gens du pays qui allaient chercher la pierre dans la carrière voisine pour que le maçon monte les murs.

On répertorie aujourd’hui à peu près 150 arènes .. 

 

Qu’est-ce que la course landaise ?

Nous reprendrons les mots de Michel Puzos dans son ouvrage sur la course landaise : « La course landaise est un jeu taurin qui relève d’un principe fondamental : l’opposition de l’adresse intelligente de l’homme à la force agressive et brutale de la bête. La course landaise, c’est le courage des hommes et le respect du bétail dans un affrontement où chacun des adversaires sort grandi… »

L’écart et le saut sont les figures emblématiques de la course landaise.

La vache est amenée au bout de la piste et libérée quand l’écarteur est prêt ; soit il la feinte soit il saute par-dessus.

La vache est tenue par une corde, une corde que tient un personnage exceptionnel, très modeste, dont on ne voit pas très bien le rôle. C’est le teneur de corde, celui qui a du métier et qui d’un léger toucher permet d’éviter la chute sur l’écart.

Très souvent, les écarteurs veulent montrer qu’ils n’ont pas besoin de corde et ils écartent la vache à l’intérieur de la corde, le teneur de corde n’a plus aucun rôle et la vache est libre.

Lors d’une course sont engagées une ganaderia et une cuadrilla.

La cuadrilla est composée en général de sept écarteurs, d’un sauteur, de deux entraîneurs et du cordier.

Dix vaches minimum sont enfermées dans les loges. Huit sortent en première partie dont une vache à sauter, une vache sans corde et une vache de l’avenir (vache qui débute à la corde) et cinq vaches à écarter avec corde.

En deuxième partie, il y aura six sorties dont cinq à écarter et une à sauter.

 

Les toreros :

Ils se répartissent en deux catégories :

  • les écarteurs qui attendant la vache dans l’arène avant de l’esquiver au dernier moment dans un écart.
  • Les sauteurs attendant la vache et exécutent un saut au-dessus de la vache.

Le vêtement principal de l’écarteur est le boléro porté sur une chemise avec cravate et un gilet sur un pantalon blanc.

Les boléros sont souvent personnalisés dans le choix des couleurs, des motifs mais aussi dans les inscriptions (noms de localités, devises…)

Les sauteurs, « les hommes en blanc » sont vêtus d’un pantalon et d’une chemise blanche.

Il existe plusieurs types d’écarts : l’écart sur le saut, l’écart sur la feinte, l’écart intérieur, l’écart tourniquet, le cite…

Il y a aussi différents types de sauts.

Lors du saut de l’ange, le sauteur s’élance vers la vache et passe dessus le corps parallèle à la vache.

Lors du saut pieds joints, les pieds sont dans un béret.

Il y a aussi le saut périlleux au-dessus de la bête, le saut dos à la vache, le saut vrillé.

Ces figures montrent que les sauteurs sont des athlètes prêts physiquement mais aussi moralement car quand la vache arrive en pleine vitesse, le choc peut être dur.

Les toreros sont des sportifs de haut niveau.

 

Les bêtes

Les bêtes sont les cousines ou les soeurs des toros de combat.

Les ganaderias landaises sont constituées d’un cheptel de 100 à 200 vaches et de quelques taureaux pour la reproduction.

Les veaux sont des becerros que l’on utilise pour l’entraînement des toreros.

Les vaches vivent à l’état sauvage sur de vastes superficies, n’en déplaise aux détracteurs de ce sport qui parlent de maltraitance animale…

Certaines sont nées à la ganaderia, d’autres proviennent d’élevages espagnols.

Ces vaches, on les teste. Il faut qu’elles soient rapides, puissantes, la tête haute et surtout qu’elles aient le sens de la cible qui est l’écarteur.

Les plus célèbres ont des noms espagnols ou français.

Certaines sont célèbres comme La Fédérale qui remporta plusieurs fois La Corne d’Or à Nogaro.

La Fédérale aurait été enterrée debout sur ses pattes.

La vache sort pour la première fois dans l’arène à l’âge de 3 ou 4 ans et poursuit sa carrière jusqu’à 13 ans environ.

Les pointes des cornes sont protégées par un tampon qui était au départ en plomb puis en acier enfin en bois et aujourd’hui en cuir.

Un ancien raconte que dans le temps, le lundi, dans le bistrot où se rassemblaient les écarteurs , on posait la question : « Qui a été percé hier ? »

Lorsqu’il y avait une blessure, les cornes pointues pénétraient dans le ventre ou les cuisses des écarteurs.

On note quelques morts d’écarteurs.

On a donc mis ces protections pour les protéger.

 

Le spectacle

Toute course landaise a un orchestre qui joue tout au long du spectacle.

L’hymne de la course landaise est la Marche Cazérienne composée en 1906. Il accompagne les toreros au paseo d’ouverture et à la fin de la course.

Le speaker appelé debisaïre par les Gascons est un personnage de la course qu’il commente du début à la fin.

Grâce à lui, quand on sort d’une course landaise, on sait comment elle se déroule car le debisaïre est aussi pédagogue.

 

L’infirmerie :

Autrefois, l’infirmerie était sous les tribunes et elle  était simplement constituée d’une table… et dans une coin, d’un petit  baril de vin blanc.

Quand il y avait un blessé, un médecin l’examinait et s’il n’était pas dirigé vers l’hôpital, on le remettait sur pieds avec un bon coup de blanc.

Aujourd’hui, il y a une infirmerie carrelée avec une table d’opération et la présence obligatoire d’un médecin.

Il y avait quelquefois des amateurs qui sautaient dans l’arène pour faire un écart.

Je me souviens d’un musicien qui a posé son instrument et a dit : « Je vais vous faire un écart ».

Il va voir avant le teneur de corde pour lui demander de le protéger quand la vache arrive mais il tourne non pas extérieur à la corde mais intérieur à la corde et la vache ne le manqua pas….

 

Les compétitions

Comme tout sport, la course landaise a ses compétitions par équipes ou individuelles organisées et gérées soit par la Fédération Française de la Course Landaise soit par les comités régionaux soit par des comités des fêtes et clubs taurins.

On peut citer  le championnat de France des écarteurs et des sauteurs, le classement de l’Escalot…

Le jury placé dans l’axe de la piste est chargé de noter les écarts et les sauts selon un barème établi.

On juge aussi la vache à qui on met une note qui lui permettra d’être sélectionnée pour la Corne d’Or.

 

L’école taurine

L’école taurine de Pomarez est le seul centre de formation.

Elle est gérée par la Fédération Française de la Course Landaise.

Avant de s’essayer devant la vache de course, les jeunes apprennent l’écart en utilisant divers matériels comme la vache électrique.

 

 

Comme le dit Michel Puzos, « La course landaise, sport et spectacle, art, culture et tradition, fait partie de notre richesse à nous Gascons »

Malheureusement, cette tradition est menacée.

L’augmentation du coût des assurances en début d’année l’a fragilisée.

Aujourd’hui, la crise sanitaire a pour conséquence l’annulation des spectacles de course landaise et une grave crise économique menace les ganaderos qui envisagent de faire abattre une partie de leur troupeau.

Des associations soutenues par la fédération française de la course landaise ont même lancé une cagnotte en ligne pour soutenir les éleveurs qui sont le socle de la tradition.

Si cette tradition disparaît, ce n’est pas uniquement un folklore qui disparaît, c’est toute une économie locale et rurale qui est mise à mal. Les courses landaises rassemblent des milliers de personnes lors de fêtes de village et sa disparition mettrait en péril l’ensemble du tissu associatif qui gravite autour de cette discipline.  

Nous laisserons le mot de la fin à Jean-Louis Deyries, ganadero landais connu de tous, durement éprouvé par la crise mais gardant toujours « la niaque » : « Il faut vivre avec l’espoir de retrouver nos chères arènes et leur ambiance festive »

 

IllustrationsCopyright Céline LAFFARGUE - © Photo site tourismelandes.com

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