Brève initiation à la Franc-maçonnerie

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Une conférence, ce jeudi, sur ce qui fait l’un des piliers de notre République.

Ordre humaniste par excellence, philanthrope et surtout adogmatique, la Franc-maçonnerie œuvre, chaque jour, pour la liberté, contre l’aliénation et l’oppression, pour l’égalité et contre les postulats inégalitaires qui visent d’abord et toujours à asservir les femmes, pour la fraternité contre la haine et l’intolérance. Tantôt mystérieuse, silencieuse ou trop discrète, la Franc-maçonnerie, depuis le Siècle des Lumières fait partie intégrante de notre histoire.

C’est un événement rare que de pouvoir passer la porte de la Loge maçonnique de Condom : l’Auguste Amitié. Cette très ancienne loge vit le jour, il y a près de 180 ans. Il faut savoir que la ville a accueilli trois loges du Grand Orient de France (G.O.F.). En 1762, L' Espérance naît à Condom. Deux ans plus tard, elle demande ses nouvelles constitutions au Grand Orient de France. En 1785, la Parfaite Amitié voit le jour ; et au fil des années et des événements , il ne reste qu'elle. Il faut attendre 1840 pour qu'une autre loge se constitue : l'Auguste Amitié.

Et c’est donc également un privilège de pouvoir assister à une conférence sur la Franc-maçonnerie dans les murs même de cette loge. Cette invitation nous permet de nous éclairer un peu plus sur cet ordre à travers deux témoignages : celui de l'ex-Grand Maître du grand Orient de France, Philippe Foussier ; et l’autre, plus historique et proche de nous, celui d'Alain Pecastaing, chargé de cours à l’université du Mirail, à Toulouse, et qui nous a présenté son livre sur l’histoire de la Franc-maçonnerie en Gascogne

Le premier invité, Philippe Foussier, choisit de  présenter la Franc-maçonnerie d’aujourd’hui à demain ;  ponctuant son propos de différents événements qui jalonnent notre actualité. C’est un regard sur l’avenir de la FM au XXIe siècle, ou comment cette institution trouve sa place dans un monde aussi complexe que connecté. Le XXIe siècle est-il aussi spirituel que Sartre nous l’imaginait ? Sommes-nous devenus plus sages ?  La Franc-maçonnerie peut-elle se positionner sur le présent, peut-elle être dans l’action aujourd’hui, tout en étant aussi intemporelle et en dehors du temps ? Beaucoup d’interrogations et d’éléments de réponses qui ont passionné un public curieux et attentif. 

Plutôt que de dévoiler l’intégralité de cette conférence, nous avons choisi d’interroger en exclusivité Philippe Foussier , ex-Grand Maître du G.O.F, et lui poser quelques questions 

  • Monsieur, je peux vous appeler « Monsieur » ou dois-je vous appeler « Grand Maître ?
  • Monsieur, c'est très bien. D'autant que je ne suis plus grand maître depuis 2018...
  • Quelle définition donneriez-vous de la Franc-maçonnerie ?
  • Si je devais ramasser la définition en une formule, nécessairement incomplète, je dirais : une école d'émancipation, individuelle et collective.
  • Comment peut-on expliquer que la Franc-maçonnerie soit autant décriée, alors qu’elle est sans doute le plus solide rempart contre l’obscurantisme et l’intolérance ?  
  • En France, en particulier, en raison d'un contexte politico-religieux très spécifique, la franc-maçonnerie a depuis longtemps et souvent été perçue comme une institution menaçant les pouvoirs établis. Les idées reçues véhiculées dès le milieu du XVIIIe siècle perdurent aujourd'hui encore. Or les francs-maçons ont souvent été eux-mêmes menacés, persécutés ou pourchassés plutôt que de constituer une menace pour lesdits pouvoirs. La franc-maçonnerie est en effet le plus souvent légitimiste. Elle est, c'est vrai, un rempart contre l'obscurantisme et l'intolérance, pas la seule, heureusement, même si ces phénomènes que sont l'obscurantisme et l'intolérance connaissent dans notre pays même une progression foudroyante depuis quelques années. 
  • À l’heure des réseaux sociaux, où l’on n’a jamais émis autant d’opinions, d’excès de langages, de violences tous azimuts, sans parler l’abolition définitive de notre vie privée ; quelle est la place de la sagesse et de la raison sur internet ?
  • Tout le monde ne s'exprime pas avec haine ni passion sur internet, heureusement. Mais les vecteurs de communication qui préservent l'anonymat, font rarement prospérer le meilleur de la nature humaine. Pour beaucoup, les réseaux sociaux d'aujourd'hui sont ce que les lettres anonymes de délation représentaient sous l'Occupation. Quant à la préservation de la vie privée, en effet, les moyens de communication modernes représentent des dangers. Il est d'ailleurs paradoxal de voir autant de personnes étaler de manière volontaire leur vie privée, voire intime sur les réseaux sociaux...
  • Vous défendez le concept d « universalisme », pouvez-vous nous l’expliquer un peu ?
  • C'est d'abord l'idée qu'il y a un genre humain et que les hommes et les femmes qui le composent doivent jouir de droits égaux, quels que soient leur culture, leur origine, leur couleur de peau, leur genre, l'endroit où ils vivent. La Déclaration universelle des droits de l'homme postule ainsi dans son article 1er : "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité". C'est ensuite une idée de l'Homme qui est opposée à l'essentialisme, qui tend à le ramener sans cesse à des caractéristiques de son identité qu'il n'a pas choisies et qu'il tient de sa naissance, de son patrimoine génétique, de son milieu culturel et social d'origine. L'essentialisme glorifie le passé chez l'être humain, le ramène sans cesse à ses ancêtres, alors que la conception universaliste le projette vers l'autre, vers des horizons géographiques, conceptuels, humains qu'il n'a pas reçus en héritage. L'essentialisme entraîne le repli, l'obsession identitaire et le communautarisme ; l'universalisme l'ouverture, le brassage, le mélange.
  • Alors que les combats politiques et sociaux sont partout, alors que la liberté de parole n’a jamais été aussi étendue, alors que rassembler une communauté autour d’une idée n’a jamais été aussi facile, donnez-moi une bonne raison de me faire membre de votre ordre ? 
  • Selon moi, la franc-maçonnerie n'a pas à faire de prosélytisme. Pour la rejoindre, il faut être motivé car c'est un engagement particulier, qui concilie à la fois une démarche personnelle intime et l'idée qu'il y a un combat incessant à mener pour l'amélioration de l'humanité, pour son émancipation, individuelle et collective. La franc-maçonnerie abolit les catégories du monde profane, notamment sociales, elle résiste aussi aux injonctions de ce même monde profane, notamment s'agissant de la manière de penser. La franc-maçonnerie lutte contre le dogmatisme, c'est-à-dire la pensée préfabriquée, qui doit se prendre pour argent comptant. Pour que cette lutte soit efficace, les francs-maçons doivent d'abord combattre leurs propres dogmes, à savoir leurs préjugés, leurs idées reçues. Ils sont invités à penser contre eux-mêmes. Cela demande un effort, un travail, une remise en question permanente. Penser par soi-même, c'est l'un des objectifs majeurs que poursuivent les francs-maçons depuis trois siècles que cette institution a été créée. Une fois la pensée élaborée, elle doit conduire à l'action, à l'engagement au service précisément d'un idéal humaniste et universaliste. Les francs-maçons sont des citoyens. conscients de leurs droits. Et de leurs devoirs. En France, ils sont ardemment républicains. La devise républicaine est leur devise, notamment au Grand Orient de France. Et ils savent que la République est un combat, permanent.

Plus près de nous, la Franc-maçonnerie eut un rôle important dans l’histoire de notre département. Retour en arrière sur ceux qui ont éclairé la Gascogne par leurs actes et leur pensée. Avec une remarquable précocité, dès 1746, les premiers Maçons commencent leurs travaux à Auch, au cœur de la Gascogne. Dès lors, du marquis d’Orbessan sous l’Ancien Régime à E.Vila sous l’occupation, en passant Lucien Lamarque ou Decker-David sous la IIe et la IIIe République, ils ont de leur empreinte marqué l’histoire de ce territoire. Car, leurs réflexions, dans l’espace confiné du temple, n’ont eu de sens, pour la plupart, que si elles alimentaient leur action pour améliorer « à la fois l’homme et la société ».

Diffuseurs de l’esprit des Lumières sous l’Ancien Régime, acteurs engagés dans la Révolution, instruments du pouvoir impérial sous Napoléon, ils ont été, par la suite, les défenseurs intransigeants de la Liberté. Cela leur a valu persécutions et parfois fermeture de leurs ateliers par les pouvoirs en place. Ce qui caractérise incontestablement ces Francs-maçons de Gascogne, c’est leur ténacité, leur détermination à porter dans la société les vérités acquises sur les colonnes des temples. Quels que soient les régimes, les difficultés, les persécutions l’amour de la liberté a guidé leurs pas. C’est cela qui, en dépit des différences inhérentes aux époques, à leurs origines sociales et culturelles, a donné une cohérence à leur engagement.  Plus que la recherche de l’intimité de la vie des loges, nous avons donc surtout tenté d’établir les liens entre leur engagement maçonnique et leur intervention dans la vie sociale et politique. En réintroduisant les Maçons dans l’histoire de la Gascogne, l'auteur tente d'apporter un éclairage nouveau le plus souvent ignoré.

Il était une fois Lucien Lamarque (1816-1886), Gascon et franc-maçon. Il est sans doute l’une des figures les plus remarquables de le Franc-maçonnerie gersoise. Il est un jeune avocat de 29 ans quand « l’Auguste Amitié » de Condom, loge jusqu’alors constituée exclusivement d’ouvriers et artisans, accepte de l’initier. Pour lui, le travail en loge et l’action politique en faveur d’une république sociale sont indissociables. Il dirige un journal « l’Étoile d’Aquitaine » puis « l’Ami du Peuple ». Ainsi, en 1848, il est l’un des organisateurs avec d’autres maçons, du banquet de Condom qui mobilise les républicains contre le régime de Louis-Philippe. Son rôle dans le soulèvement lui vaut d’être nommé sous-commissaire du gouvernement provisoire. Par la suite, il est l’un des dirigeants de la mouvance républicaine socialiste qui trouve, dans l’Auguste Amitié, « un abri » face aux persécutions de l‘administration de Louis Napoléon Bonaparte qui finit par fermer la loge le 15 avril 1858. Au moment du coup d’état du 2 décembre 1851, Lamarque mobilise 5 à 600 républicains de Condom, s’empare de la mairie, mais cette tentative de résistance échoue. Lamarque s’enfuit en Espagne pour échapper à une déportation à perpétuité en Algérie. Après la libéralisation du IIe Empire, il revient à Condom où il reprend le combat pour la liberté et toute sa place dans la loge. À la chute du régime en 1870, il est nommé sous- préfet  de Condom avant d’être destitué avec le retour des conservateurs au pouvoir. Jamais il ne cessera son activité maçonnique dont l’aboutissement doit être selon lui l’engagement dans la cité pour y porter les vérités acquises en loge. Ses obsèques en 1886 donnent lieu à une des plus imposantes manifestations maçonnique (des centaines de frères de tout le sud-ouest avec leurs insignes y participent), et républicaine.

Conférence publique demain soir, jeudi 12 décembre, de 19 h 30 à 21 h.

Salle Pierre de Montesquiou, place du Bataillon de l'Armagnac, à Condom

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