Maire de Cazaubon - Barbotan-les-Thermes depuis 2014, Jean-Michel Augré s’est bien juré de ne pas lâcher l’affaire. L’affaire ? Des antennes relais installées depuis quelques jours sur le clocher de l’église du village par l’opérateur Free. L’édile cazaubonnais et ses 19 conseillers municipaux, qui avaient voté « oui » à l’unanimité pour cette installation, se disent floués par l’opérateur qui leur avait présenté une image trompeuse lors des négociations. Jean-Michel Augré, soutenu par de nombreux riverains, a adressé un courrier à Free en leur demandant de démonter ces relais et de trouver ensemble une autre solution. La réponse est attendue au plus tard le 15 juin prochain. Sans ça, l’affaire pourrait bien aller au tribunal.
- Monsieur le maire, n’avez-vous pas l’impression de vous être fait avoir par Free ?
- Oui, tout à fait. Lorsque Free nous a proposé d’utiliser le clocher de Cazaubon pour poser les antennes, nous, nous y avons vu un intérêt, car nous souffrons un peu d’un enclavement dans ses territoires ruraux qui sont les nôtres. Pour nous, c’est une opportunité d’offrir une couverture internet. Donc par rapport à ça, c’était bien. Et dans le dossier qui nous était présenté, sur les images de simulation, l’impact visuel n’est pas du tout en ligne avec ce qu’il nous ont fait là.
- Pourtant, au départ, vous saviez que le clocher allait être utilisé…
- Oui. Mais selon ce qu’ils nous montraient, l’intégration au niveau du clocher était jouable. Donc on s’est fait leurrer par rapport à ça… Donc on ne va pas en rester là. Il y a un collectif qui est en train de se créer au niveau de Cazaubon. Ce n’est pas du tout l’esprit dans lequel je veux transformer Cazaubon ; on veut que ce soit une ville jolie, accueillante, moderne, certes, on ne veut pas bâtir la ville de demain, mais pas ça (il montre le clocher) ! C’est une verrue, c’est une abomination, ce truc ! Le soir, le clocher est éclairé, et on ne voit que ça. C’est moche. On ne peut pas garder ça, dans l’état en tout cas, c’est impossible. J’en assume la responsabilité. Donc, j’ai fait un courrier à Free, leur intimant l’ordre de ne pas mettre en service ces antennes, et d’envisager une meilleure intégration au niveau du clocher, ou dans un autre espace qui pourrait être mis à la disposition par la commune ; et que l’on me communique aussi l’impact des ondes sur la santé. Voilà. La lettre est partie ce matin (mercredi 22 mai).
- Les frais de l’installation sont pour la commune ?
- Non, pas du tout. C’est complètement gratuit pour nous. On perçoit même une redevance annuelle de 5.000 euros pour l’utilisation de ces bâtiments publics, parce que l’église est un bâtiment public.
- Avez-vous bon espoir que cette histoire aboutisse rapidement ?
- Moi, je ne lâcherai pas le morceau. Parce que, quelque part, j’en assume aussi une part de responsabilité. Je vois ça tous les matins par ma fenêtre, comme tous les voisins. Donc il est hors de question de laisser ça en l’état. Moi, j’ai bon espoir. Maintenant, on va se battre. Je ne vous cache pas qu’on a contacté notre service juridique et notre avocat pour suivre ce que va nous proposer Free. Et si on n’est pas d’accord, on entreprendra une judiciarisation de l’affaire.
- Dans les prochains jours, vous devriez avoir une réponse de Free ?
- Nous avons demandé à ce qu’ils nous répondent au plus tard le 15 juin. Qu’ils démontent déjà ça (les antennes relais). On n’en veut plus. Et qu’ils nous fassent une meilleure intégration. Parce que ça peut se faire. L’artiste peintre, qui est venu faire des trompe-l’oeil en peignant des fausses pierres sur les coffres, nous a dit qu’avec des coffres plus petits, ça pourrait très bien s’inscrire sur le clocher.
- Y a-t-il une possibilité de les installer en dehors du village ?
- Oui, nous avons des terrains communaux qui pourraient leur convenir… Avant de mettre le feu aux poudres, je voudrais savoir si Free a des propositions qui conviendraient à tout le monde… Et à côté de ça, j’ai des coups de téléphone de gens qui sont contents, et qui me disent « on va enfin avoir une couverture réseau qu’on n’a pas aujourd’hui ». Alors, calmer les uns et les autres, ça ne va pas être facile.
- L’association Robin des toits vous a contacté ?
- Non. Ils ont directement contacté Monsieur Rémy Duluc qui est à l’origine du collectif de riverains qui récolte des signatures… Pour un maire, ce n’est pas facile, car maintenant la 4G est obligatoire. Si on n'a pas une couverture réseau… surtout dans une ville thermale et touristique. C’est un dossier sensible, vous pouvez le comprendre. Charge à nous de montrer qu’on est à la hauteur, et de travailler avec Free pour trouver une meilleure solution.
Leurs points de vue :
Eric Hermeline (buraliste à Cazaubon) : « C’est dommage de dénaturer un bâtiment du XVIIIe, surtout une église, surtout pour un opérateur privé, qui plus est. Je vais sans doute faire partie de ce comité de riverains qui se met en place. Monsieur le curé me l’a demandé (rires). Ils devraient sortir ces installations qui n’ont rien à faire sur une église. C’est un lieu de culte, et un opérateur n’a rien à faire sur un clocher.»
Pierre Sourdois (81 ans, ancien curé de Cazaubon, retraité depuis six ans) : « On est malheureux pour l’esthétique et pour l’ensemble. Je suis né à Cazaubon. Je ne parle pas en tant que prêtre, mais comme Cazaubonnais. Et ça fait mal de voir ça. Ce n’est pas qu’une histoire d’église, mais de patrimoine. Et maintenant je parle en tant qu’homme d’église : ce qui est incroyable, c’est que le curé qui officie à Cazaubon, l’abbé Alain Quierzy, qui réside à Éauze, n’a pas été averti. L’opérateur s’est adressé directement à l’Évêché. C’est une chose pas très normale. Je pense qu’il faut laisser faire qui de droit. Et je participerai en tant que citoyen, s’il y a quelque chose à faire. »