A la demande d’Hervé Picca, l’un des trois pharmaciens lislois, nous nous sommes penchés sur ce crucial problème de désertification médicale, pour notre commune (problème qui d’ailleurs frappe, et peut être encore plus durement, l’ouest gersois).
Il est à noter qu’il y a 12 ans, pour notre commune qui comptait 6500 habitants, il y avait 14 médecins généralistes, alors qu’il n’y en a plus que 8 maintenant alors qu’elle compte 9184 habitants.
Nous avons choisi de construire cet article sur ce qu’en pensent à la fois les professionnels de santé et les politiques, pour un problème qui vise la santé publique. En effet le manque de médecins généralistes peut avoir des conséquences graves pour les citoyens, car en l’absence de médecins référents, ils peuvent être amenés à être remboursés beaucoup moins, au titre du non respect du parcours de santé (il se dit sans que cela ait pu être vérifié que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Gers ferait preuve de tolérance lorsque les patients ne peuvent obtenir un médecin référent). Notre étude vise plus les généralistes mais il est clair qu’il manque aussi des spécialistes sur la commune, comme l’ophtalmologiste jamais remplacée depuis le départ du Dr Gallacy.
1/Les professionnels de santé
Parmi le corps médical, la première personne entendue, après l’inquiétude du pharmacien Hervé Picca, a été Jean-Paul Sinquin, généraliste, lequel nous a signifié que ce n’était pas encore une désertification médicale mais juste une raréfaction médicale, tant que lui et Jacques Lagarde n’étaient pas à la retraite. Il a ajouté que changer le numérus clausus n’apporterait guère de solutions, pensant que ce qu’il fallait, c’est inciter les jeunes médecins à venir s’installer, problème difficile chez ces derniers qui sont attirés par la médecine salariée.
Jean Michel Galan, chirurgien dentiste a prôné la solution suivante : le plus simple, et personne n’en parle, c’est d’appliquer le système de répartition des pharmacies à savoir tant de postes par un nombre d’habitants, à définir par sécurité sociale et syndicats. Il a modéré ses propos en déclarant : cela ne se fera pas à cause de la pseudo-liberté en France qui n’en est pas une, en réalité, hypocrisie oblige.
Stéphane Orgeret, généraliste parmi les derniers installés, s’est contenté de nous dire : cette situation ne me gêne pas personnellement, s’il n’en reste plus qu’un je serai celui là.
Emilie Franzin, généraliste à la fois lisloise et samatanaise, partageant le cabinet des Drs Cédric Zawada et Jean-Marc Castadère nous a indiqué que depuis 2013 il y avait un projet de pôle de santé pour toute la vallée de la Save, de L’Isle en Dodon à L’Isle-Jourdain, avec diverses réunions avec les élus, qui seulement pour certains ont donné suite. En ce qui la concerne, elle n’exerce à temps partiel sur la commune, puisque également à Samatan avec les Drs Philippe Roux et Anaïs Crosnier où il y a un projet de maison de santé.
Jean-Marc Castadere, généraliste, formateur et responsable d’un syndicat de médecins, de loin le plus précis dans son approche du sujet.
Il a fait les déclarations suivantes : la problématique du métier c’est l’expérience professionnelle des médecins du 21eme siècle qui n’on plus rien à voir avec leurs prédécesseurs. Jusqu’en 1945 les gens n’allaient chez le médecin que s’ils avaient de l’argent. Dans les années 1970 il y a eu limitation du numérus clausus. En 1985 il y avait 1000 médecins au chômage et 10000 médecins sans grande activité, d’où un refus de les voir s’installer. Les conditions de vie des médecins ont donc fortement changé et il y a eu de plus en plus de médecins salariés. Le problème c’est que la société a des temps de travail avoisinant les 40 heures hebdomadaires alors que les médecins s’approchent des 70 heures. D’autre part le monde salarié a obtenu des droits (exemple les accidentés du travail) augmentant le nombre des consultations. La pénibilité augmente car il faut voir de plus en plus de gens. Les médecins, pour la qualité de la vie, sont comme le reste de la société et y aspirent aussi, d’où ce choix légitime d’un poste de médecin salarié.
Il n’y a pas de problème de numérus clausus. Pour L’Isle-Jourdain, le problème, du fait de la proximité toulousaine, c’est un foncier cher, mais par contre des structures intéressantes (crèches,écoles, collèges et même lycée). Il faut travailler en pluri-disciplinité avec laboratoires, travailler en équipe avec indemnisation cohérente, avec la pénibilité et le risque.
Chaque jour il est pénible de prendre en charge la vie d’un patient et pour éviter la catastrophe il faut que chacun soit bien coordonné.
Vu le manque de médecins, même dans des cabinets à plusieurs praticiens, il est très difficile de mettre en place des horaires médicaux à savoir 64 heures par semaine avec 8h00 à 20h00 la semaine et 8h00 à 12h00 le samedi, alors que le reste de la société est à 35 ou 37 heures, ce qui peut décourager les nouveaux souhaitant s’installer.
Toutefois Jean-Marc Castadère reste confiant sur une arrivée prochaine de médecins sur la commune, et on peut le remercier pour les stages de formations qu’il propose, stages de nature à donner, peut être pour certains, une vocation lisloise.
Contactés également les Docteurs Cédric Zawada, Jacques Lagarde, Chloé Rieu et Jean-Marie Bournazel n’ont pas répondu à nos demandes d’entretien sur ce sujet.
2/ Les politiques
Francis Idrac (maire de L’Isle-Jourdain et président de la CCGT) : Pas question de créer une maison de santé communale dans la ville, car trop cher et pas toujours si utile que cela selon d’autres essais gersois. La seule aide que l’on peut envisager, en ces périodes de restriction budgétaire, c’est de procurer un emploi au conjoint du médecin qui viendrait s’installer. Une maison de santé privée s’est créée mais les généralistes la boudent, estimant les loyers trop onéreux (en fait le double des autres maisons de santé). J’estime qu’un médecin gagne bien sa vie et doit pouvoir faire face à un loyer mensuel de 800 euros.
Pierre Tabarin (secrétaire LR 32) : la santé de proximité : au lieu de se disperser et de batailler partout (nombre de médecins, Ehpad, centre hospitalier…), il faut donner une priorité à la télémédecine, ainsi qu’aux infirmiers cliniciens à bac+ 5. Mesure plus efficace que de diminuer le numérus clausus qui n’aura un effet que dans dix ans. Permettons à des infirmiers à Bac+3 de se former à Bac + 5, l’effet sera possible dans les 2 ans.
Fatma Adda (conseillère régionale écologiste) : les maisons de santé ne sont pas la seule réponse à la désertification médicale et ne peuvent pas être pensées indépendamment des services existant sur le territoire : EPHAD, Hôpitaux, écoles, bureaux de poste, trésoreries ou autres services publics. La désertification médicale est aggravée par la fuite des services publics et la fracture numérique. Il est donc indispensable de repenser cette question, qui participe aussi de l’attractivité de nos territoires. Si on veut faire venir des professionnels, il faut maintenir des services, promouvoir une école de ruralité qui est au cœur de la dynamique des territoires, donner aux EPHAD des moyens de fonctionner. Car si un EPHAD dysfonctionne, la maison de santé ne peut pas bien marcher. Aussi je regrette que le ministre, Gérald Darmanin, venu visiter la maison de santé de Mirande, n’ait pas eu l’occasion de rencontrer le personnel de cet EPHAD, en difficulté, faute de moyens. La logique comptable met en souffrance un personnel exceptionnel et met en péril des structures qui ne demandent que des moyens pour fonctionner.
Christine Ducarrouge, conseillère départementale du canton lislois, nous a fait savoir qu’elle était consciente de ce problème récurrent sur la commune en rejoignant les idées de tous à savoir attirer les médecins pour une installation dans le seconde ville du département, en recherchant ensemble les solutions les plus pertinentes.
Valérie Pécresse, présidente région Ile de France et présidente du groupe « Libres » chez LR, dans un article de "Marianne" le 13 mars 2018 a déclaré : Chaque année, près de 200 milliards d'euros sont consacrés en France à notre système de santé. La qualité de nos infrastructures comme de notre personnel médical est une véritable fierté pour nos concitoyens et l'excellence de nos organismes de recherche contribue au rayonnement de notre territoire. Pourtant, 6 millions de Français vivent aujourd'hui dans un désert médical et éprouvent des difficultés à se soigner. Aucune mesure récente n'a permis d'enrayer un phénomène qui s'aggrave toujours plus chaque année.
Avec ce premier cahier, ce sont 17 propositions concrètes que nous formulons pour informer et mobiliser en faveur de l'accès aux soins pour tous. Il est urgent d'agir et c'est tout l'objet de ma démarche.
Gisèle Biémouret, députée de la 2eme circonscription, contactée, car s’étant exprimée à l’Assemblée sur ce sujet, n’avait pu à ce jour répondre à notre demande, mais a souhaité commenter ultérieurement
De notre enquête, il ressort que si on n’enraye pas cette situation, dans les deux ans à venir on sera en désertification médicale, alors que L’Isle-Jourdain, sait attirer des industriels, mais semble inefficace pour faire venir les jeunes médecins, peut être à cause de la trop proche métropole toulousaine.
La création d’une maison de santé communale semble exclue, et ne répond peut être pas non plus à la solution miracle, car certaines maisons gersoises ne fonctionnent pas de manière assez satisfaisante. Une diminution des loyers proposés à la maison privée serait peut être un élément attractif pour des médecins débutant dans la profession.
Précision : l'ensemble des personnes citées, avec leur déclarations, nous ont autorisés à cette publication.