On a beau être comme Bettina, dans l’opéra-comique « La Mascotte », et aimer ses dindons "quand ils font leur doux glou glou glou", vient le moment pour l’un d’entre eux de se faire plumer.
Malheureusement pour lui, en cette veille de Noël, l’heure a sonné. Il sera désigné comme celui qui va finir farci, sur la table familiale. Et franchement, il n’y a pas de quoi pavoiser lorsque l’on est le dindon de la farce.
Alors, d’un côté, le dindon. De l’autre, la farce. Comment arriver à n’en faire qu’un ? Commençons par le volatile. En langage familier, depuis très longtemps déjà, péjorativement, une dinde désigne une jeune fille niaise et stupide. Le dindon est donc tout naturellement considéré comme son pendant masculin : un nigaud, qui se laisse facilement duper.
Et la farce ? Si l’habitude culinaire est prise de farcir dinde ou dindon, à partir du XVIIIe siècle, on peut aussi se pencher sur l’ancien français « farse», utilisé bien auparavant, dans le sens de « moquerie ».
Une autre explication fait référence aux « farces » du Moyen âge, comédies bouffonnes où les pères, représentés par des dindons, étaient raillés par leurs fils. Les barbons devenaient donc les dindons de la farce. Un hic cependant : ces gallinacés n’auraient été introduits en Europe qu’à partir du XVIe siècle.
Une dernière origine enfin serait attribuée au « Ballet des dindons », divertissement forain très en vogue à Paris, qui consistait à chauffer progressivement une tôle métallique où étaient posées les malheureuses volailles. La chaleur les obligeait alors à s’agiter en levant les pattes, au son de la musique, ce qui provoquait inévitablement l’hilarité générale.
Mais ceci ne prête pas vraiment à sourire…
De la même façon, il est fort probable qu’une fois passés les réveillons, les dindons métaphoriques de la farce continueront de perdre leurs plumes. Car à partir du 1er janvier, avec l’avalanche d'augmentations (gaz, essence, diesel, tabac, timbres, frais bancaires, CSG…), l’obligation des onze vaccins pour les nouveau-nés, la privatisation des radars et autres réjouissances, le doux glou glou des dindons résonnera comme un douloureux « gloups » dans la plupart des chaumières.
« Tirez le rideau, la farce est jouée » dirait Rabelais. Mais d’ici là, que la fête commence !