C'est donc à Katia et Marielle Labèque que revenait la charge d'assurer la première partie de la journée inaugurale de ce qui est devenu, au fil de 40 années jubilatoires, l'un des plus grands festivals de jazz mondiaux.
Aux commandes de deux pianos à queue disposés en tête-bêche, les sœurs bayonnaises entreprirent de s'éloigner progressivement de leurs références classiques pour se rapprocher de racines musicales issues du Pays basque, sans toutefois oublier que la musique répétitive de Philip Glass faisait partie de leur voyage artistique. Le duo fut très vite rejoint par le chanteur Thierry Biscary, ainsi que par plusieurs percussionnistes, qui contribuèrent à la création d'un Bolero de Ravel à tel point enlevé que l'on se prit à craindre pour l'intégrité des instruments.
Le fait que cette prestation ne présente qu'un lointain rapport avec le jazz est d'autant plus surprenant qu'il confirme peut-être, et cela dès le premier jour, que Jazz in Marciac s'ouvre depuis quelques années à d'autres couleurs musicales. La prestation de Norah Jones allait bientôt le confirmer.
Pour la première fois sur la scène de Marciac, l'Américaine ouvre donc cette 40ème édition par un répertoire que l'on peut qualifier de country-blues.
Après avoir brièvement salué les 5 000 spectateurs du chapiteau, dans lequel règne une chaleur moite que l'ouverture des pans latéraux n'arrive pas à rafraîchir, elle entame un long répertoire, teinté de profonde mélancolie, voire de tristesse. Ce sera ainsi jusqu'à la fin de la soirée, et c'est inutilement que l'on attend qu'un morceau plus enlevé vienne rompre cette forme de confidence, dont on se sent le dépositaire privilégié.
D'abord surpris, on se laisse envahir par ces compositions indéniablement touchantes, livrées dans une totale intimité, et on oublie que le chapiteau est bondé. Abandonnant le clavier, elle s'empare d'une Gibson SG Junior équipée d'un P90 dogear et envoie quelques sons rauques. À partir de là, elle changera de guitare à chaque morceau, passant de la Fender Jaguar à la Gibson acoustique.
La dame aux 23 millions d'exemplaires vendus d'un premier album "Come Away with Me" ne se veut pas prisonnière du jazz qui a fait le succès de ses débuts. "Day Breaks", son dernier opus, qu'elle présente sur la scène de Marciac, et dans lequel elle accueille l'immense saxophoniste Wayne Shorter, annonce son retour à des sonorités plus acoustiques.
Les apparitions en France de la fille de Ravi Shankar étant devenues rares, on apprécie particulièrement cette prestation sur la scène, maintenant incontournable, de Jazz in Marciac.
Samedi 29 juillet, le chapiteau accueillera le Omer Avital Quintet, qui sera suivi du groupe de Herbie Hancock.
Pierre Painblanc