Le mot de Gilles: le Conseil d'Etat cale...

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... Premier ministre, ce n'est pas un magistère de contestation.

Le Conseil d'Etat calle...

On pensait la décision du Conseil d'État bienvenue pour dire le Droit et apporter le calme, après tant de polémiques aussi stériles que stupides, mais il n'en est rien.

Premier ministre en tête, tout un monde agité, repart en guerre, mélangeant toutes les notions possibles : le terrorisme, le maillot de bain, l'égalité entre les hommes et les femmes, la « sécession sociale », ce que l'on peut critiquer, ce que l'on peut moralement condamner, et ce que l'on peut pénalement interdire.

Dans un climat de folie passionnelle, personne ne semble, dans ce petit monde, se poser la question de savoir où est-ce qu'ils veulent en arriver.

Les premiers maires LR qui ont lancé leurs arrêtés, c'était assez simple, il fallait trouver le moyen de mettre en scène dans la société française les thèmes choisis par Nicolas Sarkozy pour faire sa rentrée politique et sa déclaration de candidature. C'est de la manipulation politicarde, mais on comprend ce qu'ils voulaient faire. Et d'ailleurs c'est assez bien réussi. Ils ont ainsi trouvé le moyen d'enrôler quelques dames pour draper d'un halo de neo-féminisme autoritaire les propositions ultra-réactionnaires du nouveau-nouveau Nicolas Sarkozy, qui court toujours derrière la même famille Le Pen.

En revanche, pour le Premier ministre et ses soutiens, c'est beaucoup plus obscur. Il ne peut pas s'agir de mettre en scène la rentrée de Nicolas Sarkozy, on ne peut y croire une minute. Mais alors, à quoi tout cela sert-il ?

Premier ministre, ce n'est pas un magistère de contestation.

Car c'est une chose de s'agiter lorsque l'on est dans l'opposition, en faisant feu de tout bois, pour se faire remarquer, mais lorsque l'on est Premier ministre, on n'est pas du tout dans la même position. On est en position de transformer ses propositions en action concrète, précise, pratique. Car on a été nommé pour cela, par  un Président et une majorité, qui ont été élus pour cela. Premier ministre, ce n'est pas un magistère de contestation.

Alors, de quoi s'agit-il ?

Va-t-on introduire en France une police du vêtement, qui va dire quels sont les vêtements qui sont un signe politique ? Mais un tailleur Chanel ou Dior, à plusieurs dizaines de milliers d'Euro, ça n'est pas un signe politique ? Des chaussures de luxe à 15 000 €, ce n'est pas un signe politique ? Un bijou à 100 000 €, une Rolex à 30 000 €, ce n'est pas un signe politique ?

Le vêtement, c'est un langage

 Il dit qui nous sommes ou plutôt, il dit qui nous voulons paraître, ou même encore, très souvent qui nous sommes obligés de paraître pour se conformer à des règles fixées par d'autres, dans le travail, ou pour l'obtention d'un travail, dans l'image sociale que nous sommes parfois contraints de donner, que nous soyons un homme aussi bien qu'une femme.

Cela fait partie de tout un code vestimentaire très complexe, dans lequel jusqu'ici on n'a pas fait intervenir la loi pour dire ce qui est bien et ce qui n'est pas bien, se contentant de laisser l'usage dominer. Ainsi jusque dans les années 50, une femme sortait rarement sans se couvrir les cheveux, c'est à cela que servaient les beaux foulards qui ont fait la réputation des couturiers français. Cet usage à changé, effet du temps et des mœurs. Une femme ne sortait pas en pantalon et un homme ne sortait pas en jupe. Si les femmes sortent maintenant sans hésiter en pantalon, on ne voit pas d'homme sortir en jupe, bien que rien ne l'interdise.

Va-t-on maintenant faire une liste des vêtements autorisés, interdits, obligés, selon les lieux, les saisons, le sexe ? Cela n'a aucun sens.

Il y a une autre lecture : on voudrait nous raconter qu'après le choc et la terreur des attentats, tout vêtement qui pourrait faire penser à la religion musulmane, pourrait faire penser à l'islamisme, et ainsi pourrait constituer une atteinte potentielle à l'ordre public et se voir interdire d'être porté.

C'est-à-dire tout simplement, stigmatiser les millions de fidèles de l'islam. C'est au-delà de ce que pouvaient imaginer les habiles stratèges de « l'État islamique », pour parvenir à leurs fins. On pourrait imaginer en retour, après quelques mois, l'embrasement d'un certain nombre de quartiers ne supportant plus une telle discrimination. On imagine la spirale mortifère dans laquelle cela pourrait entraîner notre société.

Si ce n'est ni l'une ni l'autre de ces choses, qu'est-ce que c'est ?

Car s'il s'agit de faire interdire par la force publique tout ce qui est de mauvais goût selon le point de vue de tel ou tel, aucune société ne peut tenir le coup, à moins d'avoir à sa tête un dictateur qui définit ce qui est bien ou mal, voire une junte. Les colonel Grecs avaient établi une liste très précise de ce qui était interdit et autorisé, en matière de vie courante, de musique, d'art et de culture. Ils avaient notamment interdit la minijupe et les Beatles.

Ce qui est frappant dans cette agitation, c'est la confusion entre le critiquable ou le condamnable moralement, culturellement, idéologiquement, et ce qui est l'objet de l'interdiction par la République française et de l'intervention de la force publique.

Que trois agités de l'opposition, façon Côte d'Azur avec l'ambiance de xénophobie latente qu'on y connaît depuis tant d'années, fassent mine de ne pas le voir, relayés par des journalistes en mal d'agitation émotionnelle, en plein mois d'août, pour faire de l'audience, voilà qui est traditionnel.

Mais qu'un Premier ministre se lance dans une telle aventure, c'est singulier.

Que ce Premier ministre soit issu d'un parti de gauche et s'appuie sur une majorité de gauche, voilà qui est inusité.

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