Les Vicois connaissent peu le tunnel de l'Argenté situé à l'écart de la ville.
Il fut construit de 1908 à 1911 en pierres du pays parfaitement taillées, une belle œuvre d'art.
C'était un tunnel qui servait à la ligne Eauze-Auch. Quand celle-ci fut supprimée, le tunnel tomba à l'abandon
Lors de l'abandon de la ligne, la SNCF vendit les terrains à la commune qui à son tour les revendit aux propriétaires aux alentours.
L'Etat garda la tunnel, cette construction pouvant servir d'abri en cas de guerre. Cette éventuelle destination est d'ailleurs inscrite sur l'acte de vente : on y abriterait les reproducteurs bovins en cas de conflit atomique.
Les sifflements du train furent alors remplacés par les cris des enfants qui vivaient là l'attaque du train du Far West !
Dans les années 1970, vint M.Balesta qui acheta le tunnel à l'Etat dans l'idée d'en faire une champignonnière.
Le tunnel remplissait en effet toutes les conditions requises pour la culture des champignons de Paris : une température de 14 à 16 degrés facile à obtenir, un degré hygrométrique nécessaire fourni par une source qui jaillissait à mi-tunnel, source si abondante que lors de la construction de l'édifice en 1908, on pensa qu'elle pourrait alimenter la ville de Vic.
L'eau circulait sur toute la longueur du tunnel dans une canalisation en pierre taillée.
Une locomotive à vapeur achetée à la SNCF et installée à côté du tunnel fournissait la chaleur nécessaire pour réguler la température du tunnel selon les différentes étapes de culture des champignons.
En effet, le champignon de Paris ne pousse pas sur de la terre mais sur du compost obtenu à partir de fumier de cheval et de paille qui vont fermenter et se décomposer jusqu’à correspondre au substrat nécessaire qui est alors mis en sac et ensemencé avec le blanc de champignons appelé aussi mycélium.
Au centre du tunnel, M.Balestas avait installé un rail sur lequel circuleraient les wagonnets chargés de champignons
A l'entrée, était prévue une salle pour le conditionnement de la production (tri, emballage...)
L'entreprise devait employer une dizaine de personnes et produire une tonne de champignons par jour.
A la création de l'entreprise, les champignons poussent et naissent tout à fait correctement et M.Balesta peut réaliser de belles récoltes d'excellents champignons – il avait choisi une variété recherchée par les gourmets – dont il régale les Vicois.
Malheureusement, l'entreprise ne put atteindre ses objectifs initiaux et dut mettre la clé sous la porte.
Ce que l'ingénieux entrepreneur n'avait pas suffisamment étudié, c'était le conditionnement des champignons qui devait répondre à de strictes contraintes sanitaires.
Seuls quelques Vicois privilégiés purent déguster les champignons de Paris de M.Balesta.
Un acheteur reprit l'affaire pensant écouler les champignons auprès des épiceries des alentours mais il se heurta aux mêmes difficultés que son prédécesseur.
Le tunnel fut de nouveau envahi par les ronces et l'eau continua à couler en son centre.
Il semble aujourd'hui qu'il soit devenu un repère idéal pour les chauves-souris.
Peut-être faudrait-il envisager de le faire visiter car il s'agit d'un ouvrage remarquable et ce serait une façon de rendre hommage à ce courageux et ingénieux entrepreneur !
Pierre DUPOUY
Photo-titre : photo d'illustration
Crédit photos texte : Pierre Delinière