Né en 1942 à Gimont, Max Sémory doit la vie à un couple de Gimontois, Marius et Baptistine Ufferte, qui l’ont protégé, lui et sa famille, des rafles conduites par les Allemands et le régime de Vichy. Il est attendu dans sa ville de cœur le 24 mai prochain pour honorer la mémoire de ses protecteurs lors d’une cérémonie organisée dans le cadre de l’évènement « Gimont : 80 ans de liberté ».
Max Sémory livre ici son témoignage.
« J’éprouve une reconnaissance infinie pour Marius et Baptistine Ufferte et pour tous les Gimontois qui nous ont protégés pendant l’occupation. C’est grâce à eux que ma famille et moi-même avons eu la vie sauve ». Plus de quatre-vingts ans ont passé mais l’émotion reste forte dans la voix de Max Sémory lorsqu’il évoque le séjour de sa famille dans la bastide gersoise pendant cette période sombre de l’histoire de France. C’est là, dans une petite maison située dans le quartier de Cahuzac, sur la route de Mauvezin, qu’il a vu le jour le 10 juin 1942. « Mes parents, des Juifs Polonais, avaient gagné Paris en 1926. Reconnaissant envers la France qui l’avait accueilli, mon père, Léon Zezmorski, s’était engagé dans l’armée française en 1939. Fait prisonnier lors de la débâcle de juin 1940, il s’était évadé et avait rejoint sa femme, son enfant et ses beaux-parents. Comme des millions de Français, ils avaient fui la zone d’occupation allemande pour gagner la zone dite libre. Et c’est à Gimont qu’ils avaient posé les valises », se remémore Max Sémory.
Une chaîne de solidarité à Gimont
Après quelques mois de quiétude, les Zezmorski, et les Ajchenbaum, les grands-parents maternels de Max, voient croître les menaces. Partout en France, les Allemands épaulés par le régime de Vichy raflent les Juifs qui seront déportés dans les camps d’extermination en Allemagne et en Pologne occupée. Il faut se cacher. A Gimont, une chaîne de solidarité se met en place pour soustraire les réfugiés aux descentes des gendarmes ordonnées par la préfecture du Gers. Les docteurs Angelé et Durand, très actifs dans la Résistance, mobilisent leur réseau. Et Marius et Baptistine Ufferte proposent aux parents de Max de s’installer dans une maison inoccupée mitoyenne de la leur.
« Dans la bouche, un chiffon imbibé de vin pour m’endormir »
« Quand les gendarmes ou les Allemands opéraient une descente, des Gimontois venaient prévenir les Ufferte qui donnaient l’alerte à ma famille. Elle partait alors à travers champs ou se terrait en silence dans la maison. Le reste du temps, elle vivait cachée le jour et sortait parfois la nuit ». C’est à quelques centaines de mètres de la maison que la famille Zezmorski va vivre un drame : le fils ainé, âgé de quatre ans, se noie dans la Gimone. « Je suis né neuf mois après sa mort, explique Max Sémory. Le rabbin avait dit à mes parents que, pour surmonter leur chagrin, il fallait mettre en route un autre enfant. Ils m’ont donné le prénom de mon frère disparu ».
Né en 1942, Max Sémory n’a aucun souvenir de ses années gimontoises. « Mes parents et grands-parents m’ont dit la peur tenace qu’ils éprouvaient d’être raflés, mais aussi la reconnaissance qu’ils éprouvaient pour les Ufferte. Ces derniers ont pris des risques considérables car cacher ou protéger des juifs se payait au prix fort sous l’occupation », souligne-t-il. Plusieurs fois, les gendarmes ont frappé à la porte de Marius et Baptistine. Ces derniers leur répondaient invariablement que la maison était inoccupée… après avoir dit à ma famille de s’y cacher en silence. Pour éviter que mes pleurs de nourrisson éveillent les soupçons, on me dissimulait dans un trou derrière une armoire avec, dans la bouche, un chiffon imbibé de vin pour m’endormir. C’est sans doute de là que m’est venu mon goût pour les vins de Bordeaux », sourit Max Sémory.
« J’attendais de te revoir avant de partir »
En 1976, Max a fait le voyage pour rencontrer ses protecteurs à Gimont. Il garde un souvenir ému de son dernier échange avec Baptistine, veuve de Marius : « Elle était âgée et faible et savait qu’elle allait bientôt nous quitter. En me voyant, elle m’a dit "j’attendais de te revoir avant de partir" », se rappelle Max d’une voix étranglée par l’émotion. D’Israël où il vit depuis 1967, l’enfant caché de Gimont a engagé les démarches auprès du Mémorial Yad Vashem de Jérusalem pour que Marius et Baptistine Ufferte soient élevés au rang de Justes parmi les Nations. Une distinction qui honore ceux qui ont fait preuve d’un courage extraordinaire pour défendre les valeurs fondamentales de l’humanité sous l’occupation. Et il compte bien être présent à Gimont le 24 mai prochain pour rendre hommage à ses protecteurs. A l’initiative du maire Franck Villeneuve, une plaque commémorative sera dévoilée route de Mauvezin en l’honneur des Ufferte, lors d’une cérémonie organisée dans le cadre de l’évènement « Gimont 80 ans de Liberté » dont les préparatifs battent leur plein dans la ville de cœur de Max Sémory.