Histoire de la pierre à fusil

silex 4.jpg

Il y a quelques temps, dans le cadre de la rubrique "Revenons sur nos pas", nous avions partagé ici le contenu d'un livret militaire de 1833 découvert dans un grenier.

https://www.lejournaldugers.fr/article/57215-un-livret-militaire-de-1833-decouvert-dans-un-grenier

Dans la liste du matériel à fournir par le soldat lui-même, figuraient deux plombs de pierre à feu, élément surprenant qui nous a conduits à faire quelques recherches.

Ces recherches nous ont menés dans le Loir et Cher dans la région de Saint-Aignan, lieu d'implantation principale des fabricants de ces pierres à fusil.

Ces pierres à fusil étaient des pierres de silex, une pierre très dure, utilisée pour produire des étincelles qui enflammaient la poudre.

Ces étincelles se produisaient lorsque le silex heurtait la batterie.

Une école de Meusnes a répondu à nos questions avec la participation du conservateur du Musée de la Pierre à fusil de Selles sur Cher.

A quoi servait la pierre à fusil ?

La pierre est en place maintenue par une lamelle de plomb. Le bassinet contenant la poudre est fermé par la batterie.

La pression sur la détente libère le chien. La pierre produit des étincelles au contact de la batterie qui se soulève.

La poudre s'enflamme dans le bassinet découvert. Le feu se propage à la cartouche par un orifice pratiqué dans le canon au niveau du bassinet.

L'extraction du silex

Pour extraire le silex, on creusait un puits en gradins. Chaque gradin faisait 3 mètres de hauteur et sur chaque gradin se tenait un homme -le caillouteur (celui qui extrait et taille le silex) qui  était descendu à l'aide de cordes.

Les morceaux de silex extraits au fond étaient lancés à la surface.

Les "chailloux" (blocs de silex) étaient triés et mis en autant de tas que d'ouvriers puis on tirait les tas au sort. 

On emportait les chailloux avec des ânes ou parfois dans des hottes à dos d'homme.

Les caillouteux payaient une taxe élevée aux paysans propriétaires au mètre carré.

Pour ne pas payer trop cher, les caillouteux louaient la surface la plus petite possible et creusaient des galeries, dépassant ainsi la surface .

Mais c'était très dangereux : les éboulements étaient fréquents et ils pouvaient mourir asphyxiés.

Ils travaillaient éclairés avec des chandelles jusqu'à ce que la lumière s'éteigne par manque d'oxygène. Alors ils remontaient pour éviter l'asphyxie.

La taille du silex 

Les caillouteurs amenaient les blocs chez eux et faisaient la taille de ce silex que l'on allait mettre dans le fusil.

La méthode était celle des hommes préhistoriques qui détachaient des éclats de silex en frappant le bloc avec un marteau à bout pointu.

Les déchets de la taille servaient à paver les routes. 

Les caillouteurs travaillaient sous des hangars. Le vent soulevait des poussières de silex qu'ils respiraient. Ils mouraient très jeunes.

Les caillouteurs de Meusnes 

Il y avait des caillouteurs dans toute la région de Saint-Aignan.

Pour l'armée napoléonienne, on a fabriqué de 25 à 40 millions de pierres à fusil par an.

A la fin du 1er empire, vers 1815, on comptait 168 caillouteurs dont 93 à Meusnes.

La population de Meusnes qui était de 500 habitants vivait de la taille du silex.

Vers le milieu du XIXe siècle, à l'apparition du fusil à amorce, l'industrie a commencé à s'éteindre dans la région.

En 1900, il ne restait que quelques caillouteurs déjà âgés.

Sur les terres où étaient extraits les cailloux, on a planté des vignes qui poussent bien et produisent un vin de qualité.

Une chanson disait que si les soldats avaient bu du vin de la Meuse, la guerre aurait été gagnée beaucoup plus tôt !

Pierre DUPOUY 

 

Publicité
Suggestion d'articles
Suggestion d'articles