Quelques jours après la pose de la première pierre du futur datacenter à Saint-Gaudens, le Journal du Gers a eu l'opportunité d'interviewer Cyril Gousse, président de la société Prosoluce.
Le Journal du Gers: Cyril, pouvez-vous vous présenter et nous présenter la société Prosoluce? Depuis combien de temps votre société existe-t-elle ? Combien êtes-vous dans cette aventure ?
Cyril Gousse : Je suis le Président de Prosoluce, opérateur télécom et hébergeur.
Prosoluce s'adresse exclusivement aux entreprises et aux collectivités, depuis maintenant plus de 15 ans.
Une dizaine de collaborateurs composent aujourd'hui l'équipe et nous recrutons régulièrement de nouvelles personnes.
Le Journal du Gers: Pour nos lecteurs, pouvez-vous, en quelques mots, expliquer ce que sont les datacentres et leurs utilités ?
Cyril Gousse : Comme son nom l'indique, un datacenter, ou centre de données en français, abrite des équipements permettant de stocker des données numériques, mais pas que.
Sont également hébergés dans ces bâtiments d'autres équipements permettant de faire fonctionner les liaisons télécom : l'accès internet et les communications de chaque abonné passent par des datacenters.
Autrement dit, toute notre vie numérique transite par des datacenters : sans eux nous ne pourrions même pas téléphoner.
Le Journal du Gers: Bien avant que ce projet sorte de terre, vous avez surement dû étudier les faisabilités d'un tel projet, les points positifs, négatifs… Combien de temps a mûri ce projet avant de commencer les démarches administratives, démarches de recherche de terrain ...... N'y avait-il pas d'autres solutions?
Vous avez le 4 janvier, en présence du maire de St Gaudens, Mr Jean-Yves Duclos, également conseiller départemental, du Conseiller régional Marc Sztulman en charge du numérique et de Mr Alain Fréchou de la Communauté de communes, inauguré le début des travaux. Dans combien de temps ce dernier sera-t-il opérationnel ? Êtes-vous pressé de pouvoir aménager dans vos nouveaux locaux ?
Cyril Gousse: Construire un datacenter classique est plutôt aisé, il existe même des constructeurs de datacenters pré-fabriqués, qu'il suffit de poser sur une dalle en béton.
Cependant un datacenter conventionnel consomme beaucoup d'électricité pour faire fonctionner les équipements qu'il contient, ces derniers chauffent, nécessitent des climatisations pour les refroidir, qui consomment à leur tour de l'électricité, pour au final rejeter l'air chaud dans la nature.
De plus, implanter un datacenter en plein milieu de nulle part, sans sécurisation électrique et réseau, parait peu pertinent : les services numériques sont vitaux pour de plus en plus d'usagers, leur taux de disponibilité se doit d'avoisiner les 100%.
Il nous paraissait ainsi important de tenter de créer un projet plus vertueux et cohérent.
Nous avons donc entrepris des échanges, il y a plusieurs années, avec la Communauté de Communes Cœur et Coteaux du Comminges.
Les élus nous ont rapidement fait confiance et nous avons travaillé avec eux pour créer une zone d'activité dédiée aux nouvelles technologies, le Futuropole, situé au niveau de la sortie d'autoroute de Saint-Gaudens (31).
Cette zone d'activité a été aménagée spécifiquement pour recevoir le datacenter : plusieurs arrivées électriques, plusieurs arrivées télécom, etc.
Il a ensuite fallu étudier le projet, le faire financer, passer la période Covid-19 où tout s'est arrêté, assumer l'augmentation du prix des matériaux, repartir quasiment à zéro, etc.
Nous avons également étudié comment fonctionner le plus possible en auto-consommation électrique, réutiliser l'air chaud du datacenter pour chauffer les bureaux attenants, réduire l'impact environnemental du bâtiment.
Au final environ 5 années se sont passées entre le moment où l'idée est née et le moment où nous avons posé la première pierre, le Mercredi 4 janvier.
La cérémonie s'est déroulée en présence des co-financeurs public : la Communauté de Communes Cœur et Coteaux du Comminges, le Département de la Haute-Garonne, ainsi que la Région Occitanie.
La construction devrait être achevée à la fin de l'été 2023, le datacenter disponible quelques mois plus tard.
Le Journal du Gers: Pourquoi avoir choisi Saint-Gaudens ?
Cyril Gousse : Saint-Gaudens est une ville peu connue sur le plan national mais présente de nombreux avantages :
- Il s'agit de la sous-préfecture de la Haute-Garonne, dans un territoire appelé le Comminges, qui affiche un PIB proche de celui du département de l'Ariège,
- La commune dispose d'une zone d'activité dédiée aux activités technologiques, juste à la sortie d'autoroute, à moins d'une heure de Toulouse et de Tarbes, avec un foncier à prix réduit,
- La zone d'activité est entourée de réseaux télécom passant au bord de l'autoroute, des lignes très haute tension RTE (Réseau de transport d'électricité), du réseau ferré et des routes départementales : cela permet d'amener au bâtiment des connexions fiables, performantes et peu chères,
- Le secteur n'est pas déjà couvert par un autre datacenter,
- Le climat de St Gaudens, plutôt frais, sans trop l'être, est idéal pour assurer le refroidissement optimisé de l'installation.
Le Journal du Gers: L'installation de votre centre de données entraine également l’implantation d'un réseau de fibre optique dédié. Vous avez notamment, depuis quelques années, déjà déployé votre propre réseau d'interconnexion internet, des dizaines de kilomètres de fibre optique sur votre territoire.
Ce changement de structure va ouvrir la porte à de nouveaux services/prestations.
Cyril Gousse : Prosoluce a déployé son propre réseau de fibres optiques, de plusieurs centaines de kilomètres.
Les entreprises et collectivités sont aujourd'hui raccordées à ces fibres optiques et profitent de nombreux services chez Prosoluce et ses revendeurs (accès internet, téléphonie, interconnexion inter-sites, etc.).
Demain, le datacenter en cours de construction va devenir le point central de ce réseau de fibre optique.
Ainsi, les entreprises seront directement reliées à une offre de service incomparable, avec des performances très importantes, moyennant un coût réduit comme Prosoluce maîtrise toute la chaîne.
Les entreprises pourront par exemple accéder à une offre de cloud local et souverain.
Elles sauront où leurs données sont hébergées, en auront le contrôle, pourront y accéder physiquement pour ne plus être dépendant d'un seul prestataire, etc.
Le Journal du Gers: Pensez-vous que l'installation de ce datacenter va inciter d'autres entreprises du monde numérique à s'installer sur cette zone d'activité (ZAC du Futuropole) et donc créer de l'emploi qualifié ?
Cyril Gousse : Oui, d'autres projets d'implantation d'entreprise sont déjà en cours d'étude.
Je ne peux malheureusement pas encore en parler car rien n'a été officialisé.
Le Journal du Gers: Allez-vous, pour Prosoluce, créer des nouveaux postes ?
Cyril Gousse : Oui, Prosoluce embauche régulièrement de nouveaux collaborateurs.
La mise en œuvre des nouvelles infrastructures va, nous l'espérons, permettre d'accélérer les recrutements.
Le Journal du Gers: La plupart des centres de données actuels sont énergivores ! Avec la hausse des coûts énergétiques que nous subissons tous, n'est-ce pas trop risqué de se lancer dans un tel projet ?
Avez-vous prévu des solutions d'alimentations électriques dites "vertes" ou "vertueuse envers l'environnement" afin de réduire les coûts ?
Concernant le refroidissement des serveurs et appareils de connexion, climatisation et énergie ne sont pas forcément bons amis, si on peut le dire ! Existe-t-il des serveurs tout aussi performants, mais qui produisent moins de chaleur ? Existe-t-il d'autres moyens de refroidissement moins énergivore ?
Cyril Gousse : Tout d'abord, la tendance veut que nous utilisions de plus en plus les datacenters, mais en parallèle les ordinateurs/tablettes/smartphones personnels sont de moins en moins énergivores.
Au final les datacenters permettent de réduire la consommation électrique globale grâce à la mutualisation des puissance de calcul : on n'augmente pas la consommation électrique avec les datacenters, c'est plutôt l'inverse.
Cependant, vous avez tout à fait raison sur le fait qu'un datacenter consomme beaucoup d'électricité à cause de cette concentration.
Nous avons ainsi souhaité avoir une démarche vertueuse, en mettant en œuvre des technologies limitant l'impact environnemental du bâtiment.
L'objectif est également de réaliser des économies financières conséquentes, dans notre intérêt, mais également dans l'intérêt de nos clients : au final c'est eux qui payent la facture.
Les 750 m² de construction seront ainsi recouverts de panneaux photovoltaïques à haute performance, pour que le bâtiment soit le plus autonome possible.
Nous avons également veillé à ce que les systèmes de refroidissement consomment le moins possible.
Nous utilisons la majeure partie de l'année un système de freecooling : ce sont de gros ventilateurs qui refroidissent le bâtiment, leur consommation est nettement inférieure à celle d'une climatisation.
Quand l'air extérieur devient trop chaud, quelques jours dans l'année, c'est un système de refroidissement innovant qui arrive en complément : il consiste à faire passer de l'air dans du tissu humide pour abaisser la température, avec une régulation de l'humidité, et un recyclage d'une bonne partie de l'eau en suspension dans l'air.
Pour finir, nous recyclons la chaleur produite par le datacenter pour chauffer nos bureaux attenants.
C'est une économie d'énergie conséquente et, par la suite, nous aurons la possibilité de faire profiter les bâtiments voisins de l'éventuel excédent de chaleur.
Le Journal du Gers: Comptez vous vous installer dans d'autres pays?
Cyril Gousse : Si vous souhaitez nous accueillir, nous pourrions envisager de nous implanter en pays Gersois
Crédit photo: Mr Sébastien MATHIEU, Mr Serge GOUSSE et Mr Yoan NASSET