Cette année, il n'aura pas été nécessaire de sortir gants, manteaux et cache-nez pour aller sur les tombes, les nettoyer, enlever la mousse, les fleurir.
Un beau soleil règne sur le cimetière et ses mausolées.
C'est un temps de printemps qui allège un peu la peine de ceux qui se rendent sur la tombe de celui ou de celle qu'on a aimée.
Quand vous arrivez sur le plateau, vous avez une vue sur le nouveau cimetière vicois rempli de caveaux aux couleurs variées.
Là reposent nos proches qui n'ont cure du temps qu'il fait...
Ils sont là, est-ce qu'ils nous regardent, est-ce qu'ils sont prêts à nous reprocher ce que nous n'avons pas fait, à nous féliciter pour ce que nous avons fait, à savoir...
Cette journée de Toussaint est aussi la journée du chrysanthème, cette fleur qui marque le temps du souvenir des anciens.
Mais cette tradition est plutôt récente. Jusqu’au XIXᵉ siècle, la coutume était d’allumer une bougie sur les tombes afin de veiller les défunts.
C'est lors du 1er anniversaire de l’Armistice, le 11 novembre 1919, que le président de la République en exercice, Raymond Poincaré, a appelé à fleurir les tombes des soldats tombés au front. À l’origine, elles étaient ornées d’un plant de chrysanthème blanc, couleur représentant la mélancolie. Au fil du temps, l’arrivée des chrysanthèmes dans les cimetières a glissé du 11 novembre à la fête des morts le 2 novembre. Le chrysanthème a ainsi remplacé la traditionnelle bougie.
Le chrysanthème a été choisi car il fleurit tard dans l’année, à l’automne, lorsqu’il est planté au mois de mai. De plus, la fleur peut résister à un gel modéré. C’est donc tout naturellement qu’on a jeté son dévolu sur elle car, en plus de proposer une large palette de couleurs, elle est l’une des rares à fleurir en novembre
D'après les fleuristes, le chrysanthème est en train d'être oublié, remplacé par des compositions composées de 3 ou 4 fleurs et de plantes.
Il est remplacé aussi par les fleurs artificielles, aux couleurs éclatantes.
Elles sont faciles à transporter et surtout ne nécessitent aucun entretien.
Posées pour la Toussaint, elles embelliront le tombeau toute l'année...mais ce sont des fleurs artificielles...
Pour retrouver les cimetières d'antan, il faut aller dans les petits villages et pousser le portail qui grince.
Vous arrivez dans un espace moins « surchargé » de caveaux.
Deux mamies à l'entrée s'affairent.
L'une installe des fleurs sur une tombe et fait un petit chemin avec des feuilles de laurier.
« C'est là que se trouve Ernest », dit-elle, « il avait peut-être l'âge de « faire un mort » mais je suis bien seule... »
L'autre dame arrange elle aussi une tombe : « Eh oui, c'est Félicien qui est parti bien tôt et m'a laissée toute seule avec la ferme et deux enfants qui ont grandi »
Puis les deux dames entrent en conversation au sujet de leurs défunts.
«Je vais maintenant fleurir une tombe pour mes neveux, dit l'une des deux. Ils ne peuvent plus venir car ils ont quitté la ferme et la terre pour la ville tout comme mon fils et ma belle-fille.
Je vais les voir une fois par an. Ils ont une belle maison avec tout ce qu'il faut mais il leur manque quelque chose, une cheminée ! »
Ces petits cimetières sont bien entretenus car il reste le respect et le souvenir des anciens.
Le nom inscrit sur la stèle rappelle à tous ceux qui passent les souvenirs des défunts, parents ou amis.
A noter que certains monuments ou caveaux souvent en pierre du pays, endommagés par le temps et non entretenus en l'absence de descendants, sont vendus par les mairies qui ont besoin de place pour les défunts du lieu.
C'est devenu un commerce intéressant selon l'endroit où se situe le monument.
Il sera démoli et on construira à sa place un autre monument d'un tout autre aspect que celui d'origine et disparaîtra alors le souvenir du défunt qui y était enterré.
Pierre DUPOUY