(I) Des experts de la vigne aux Journées ampélographiques de Plaimont

Les 2es Journées ampélographiques de Plaimont ont eu lieu en 2016 à Saint-Mont. Nous en avons gardé le souvenir d'une ouverture vers une grande richesse de connaissances sur la vigne et d'un coup de projecteur sur des cépages oubliés comme le manseng noir et le tardif, dont les caractéristiques de degré d'alcool modéré pour le premier et de maturation tardive pour le second sont adaptées aux besoins de notre temps.

Thierry Lacombe, enseignant-chercheur (1) et Laurent Audeguin, de l'Institut français du vin (2), présents en 2016, sont là en 2022 pour les 3es Journées le lundi 20 et le mardi 21 juin . Ils sont accompagnés d'Éric Serrano (3), d'Anna Schneider (4), de Jean-Baptiste Soula (5), de Pierre Seillan (6) et de Pierre Matayron (7) pour ce 1er jour lundi 20 juin.

1er jour qui a lieu au chai expérimental flambant neuf situé à côté de la boutique de la Cave de Saint-Mont. Le thème principal, pour ces 3es Journées, c'est la recherche de variétés à la fois résistantes, notamment au mildiou et à l'oïdium et porteuses des qualités des cépages emblématiques du piémont pyrénéen que sont le tannat, le gros manseng et le colombard.

Déroulement de la 1e journée

Olivier Dabadie, président de Plaimont souhaite la bienvenue dans le chai, bâti grâce au Plan Relance. Olivier Bourdet-Pees, directeur général, souhaite que ces Journées soient une ouverture aux idées, aux critiques et à toutes les sources d'inspiration. La création du chai témoigne que « qu'il y a des gens qui croient en nous et que l'État est à nos côtés ». Ce chai permettra de petites cuvées de 100, 300, 500, 1 000 et 5 000 litres pour de micro-crus et de micro-terroirs. « C'est un outil d'acquisition de connaissances, un signe de dynamisme ».

Cet article fait le compte rendu de la 1re des cinq conférences de l'après-midi du lundi 20 juin listées ci-dessous :

• De la lambrusque (vigne sauvage) à la domestication par les vignerons par Thierry Lacombe,

• Matériel végétal : panorama des dernières connaissances par Laurent Audeguin ; voir l'article (https://lejournaldugers.fr/article/58493-ii-des-experts-de-la-vigne-aux-journees-ampelographiques-de-plaimont)

• D'un Piémont à l'autre...diversité de la vigne, à l'ombre des Alpes italiennes par Anna Schneider,

• À la découverte des grands cépages d'Arménie par Jean-Baptiste Soula,

• Un vigneron, un cépage, de la Gascogne aux grands terroirs de la Sonoma Valley par Pierre Seillan.

L'après-midi continue avec la dégustation de grands vins de Saint Mont et aussi de vins italiens, de vin arménien et...de tardif en expérimentation. Enfin, c'est le dîner au Monastère de Saint-Mont.

L'intérêt et la profusion des connaissances exposées par les conférenciers a de quoi passionner les amateurs de vin. Nous ne pouvons en donner ici qu'une faible idée. D'autres articles suivent ce premier compte rendu.

Thierry Lacombe

La lambrusque

Le conférencier décrit l'origine complexe de 6 000 variétés cultivées issues de la lambrusque (liane ligneuse) sous-espèce vitis vinifera (issue elle-même du sous-genre vitis) et 2 000 variétés issues de 50 variétés asiatiques et de 25 +2 variétés nord-américaines (issues elles aussi du genre et du sous-genre vitis). La lambrusque, apparue après la fin du tertiaire dans le bassin méditerranéen (vitis vinifera sylvestris) est d'origine asiatique. Elle est devenue rare à cause de la déforestation, de la disparition des haies et du débroussaillage. Elle est protégée depuis 1995. Elle a un intérêt botanique, patrimonial et génétique. Il en reste 1 700 en France, surtout dans le Sud-Ouest et la Corse. Une trentaine sont présentes dans la région de Saint-Mont.

Domestication de la lambrusque (8)

Il y a différents processus de domestication. Voici les principales différences entre lambrusques et variétés cultivées :

• les lambrusques ont des plantes à sexes séparés, les variétés cultivées sont hermaphrodites ou exceptionnellement femelles,

• les baies de la lambrusque sont petites et arrondies, les baies des variétés cultivées sont grandes et de dimension variable,

• pépin petit et arrondi (lambrusque) contre pépin allongé (variétés cultivées,

• rameaux fins avec importante ramification secondaire (lambrusque), contre rameaux épais et faible ramification secondaire.

Pour étudier la domestication, une des méthode passe par l'analyse de l'ADN. On estime que les premiers cépages ont été créés en Transcaucasie et/ou dans le Croissant fertile du Moyen-Orient.

Le processus de domestication est assez rapide, comme on peut le voir avec les cépages nord-américains. Le caractère hermaphrodite apparaît naturellement : il n'y a alors plus besoin de planter des plants mâles pour féconder les femelles.

Le conférencier note qu'il y a une faible proportion de génome sauvage tant dans les cépages actuels que dans les pépins archéologiques.

En conclusion

Pourquoi l'homme est-il attiré par le vin ? Avec le cas du « singe ivre » (le singe qui se saoule avec des fruits fermentés) on tend à dire que l'homme est attiré naturellement par l'éthanol.

Thierry Lacombe conclut que la domestication est un phénomène ancien, complexe, multi-local qui pose encore beaucoup de questions et mobilise la recherche internationale et de nombreuses disciplines scientifiques.

(1) Professeur à Montpellier Supagro, il était auparavant ingénieur de recherche à l'Inra de Montpellier. Il enseigne l'amélographie et les Ressources génétiques de la vigne. (2) Directeur Recherche et innovation. (3) Directeur régional Sud-Ouest de l'IFV. (4) Chercheuse au Conseil national de la recherche d'Italie. (5) Directeur général de Vineam, vinificateur en Arménie. (6) Vigneron de vins de renommée mondiale de terroirs de la Sonoma et de Gascogne. (7) Éleveur de porcs noirs et bœufs gascons. (8) La domestication des plantes est un processus évolutif, lent et progressif, par lequel l'homme modifie, intentionnellement ou non, la constitution génétique d'une population de plantes jusqu'au point où les individus au sein de cette population perdent leur capacité de survivre et de se reproduire par eux-mêmes dans la nature. La domestication des plantes, parallèlement à celle des animaux, est liée à la naissance de l'agriculture qui a permis, lors de la révolution néolithique, la transition d'une société de chasseurs-cueilleurs à une société agricole sédentarisée. (…)  D'un point de vue biologique, on passe pour ces espèces domestiquées d'une sélection naturelle à une sélection artificielle par l'homme (d'après Wikipedia).

N.B. - Sur la photo du haut de page : Olivier Dabadie.