Petite parenthèse

La création des astres.jpg

Mettre à l’index

Les faits se sont déroulés à Toulouse, alors que fleurissaient aux balcons des messages de profond mécontentement, concernant la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement.

Dans le quartier de la Roseraie, des habitants avaient affiché sur leur mur une banderole où l’on pouvait lire « Macronavirus, à quand la fin ? ». Une formule qui avait fait la Une du journal Charlie Hebdo le 29 janvier dernier, avant d’être reprise lors de manifestations précédant le confinement.

Mais dans la Ville Rose, la police est intervenue le 21 avril, intimant l’ordre de décrocher cette banderole. Avant de revenir le lendemain remettre à une locataire, pourtant compliante, une convocation pour audition, le 23 avril. Dès son arrivée au commissariat, la jeune femme s’est retrouvée placée en garde à vue pendant quatre heures, pour « outrage au chef de l’État » (délit supprimé depuis 2013), l’affaire étant loin d’être terminée puisque ses colocataires seront aussi auditionnés.

De nombreuses organisations syndicales et associatives se sont insurgées, dénonçant la mise en place d’une « police politique » révélée par cette mise à l’index.

Le fait de signaler une personne ou une chose considérée comme dangereuse, de façon à l’exclure et la condamner, a donné naissance à cette expression : mettre à l’index.

On pourrait penser qu’elle vient simplement de cette manière de pointer du doigt pour la désigner. Mais cet index là date de 1559, lorsque le pape Paul IV fit rédiger le premier Index librorum prohibitorum. Ce catalogue recensait des livres jugés pernicieux et dangereux, susceptibles d’égarer le catholique.

Au fil de ses nouvelles éditions, il constitua un sacré carnet d’adresses. On y relevait les noms de Copernic, Montaigne, Diderot, Rousseau, Voltaire, Balzac…et plus de cinq mille ouvrages au final, dont le point commun n’était autre qu’amener l’individu à développer l’esprit de libre examen. L’Index servait ainsi à étouffer toute forme de contestation envers l’Église apostolique et romaine.

Après la colère désormais muselée depuis l’interdiction des manifestations, c’est au tour de la liberté d’afficher ses opinions d’être réprimée. N’aurait-on pas le droit de critiquer le pouvoir, y compris par la caricature ?

Depuis l’état d’urgence entré en vigueur le 24 mars dernier, les libertés démocratiques semblent de plus en plus menacées. Alors que le gouvernement décide de prolonger de deux mois cet état d’urgence sanitaire, on sait déjà que la limite de déplacement de cent kilomètres sera réglementée par décret. Les malades et leur entourage bénéficieront d’un tracing, relayé à des brigades sanitaires (qualifiées « d’anges gardiens » par Olivier Véran), qui pourront avoir accès au secret médical sans pour autant être des médecins.

« On est très très loin du fichage », rassure le ministre de la Santé…

Illustration : La création des astres, Michel-Ange

Publicité
Suggestion d'articles
Suggestion d'articles