Étant donné les trop grandes incertitudes qui règnent à l'heure actuelle sur la sortie du confinement et "l'après", la douloureuse décision d'annuler le festival Jazz In Marciac a finalement été prise par ses organisateurs.
Dans une longue lettre adressée à tous les amoureux de jazz, Jean-Louis Guilhaumon exprime sa profonde tristesse. Il salue tous ceux qui font la force de JIM, mais aussi tous ceux qui se battent au quotidien contre le coronavirus. Sans oublier ceux qui nous ont quittés, victimes de cette épidémie impitoyable.
" Chers amis,
C’est avec une très grande tristesse que je vous annonce la décision votée par le Conseil d'administration de Jazz in Marciac le 21 avril, d'annuler la 43e édition du festival qui devait se dérouler du 24 juillet au 15 août 2020.
Une décision inévitable après les mots du président de la République indiquant que « les grands festivals et événements avec un public nombreux ne pourront se tenir au moins jusqu’à mi-juillet prochain. » et ceux du Premier ministre évoquant, devant la représentation nationale, un délai « pouvant aller jusqu'à la fin du mois de juillet ».
Vous le comprendrez, ce « au moins » n’offre pas la visibilité nécessaire pour poursuivre notre travail afin de vous accueillir, comme chaque année, dans les meilleures conditions.
Les risques de toute nature sont trop importants : une annulation dans la dernière ligne droite compromettrait bien plus qu’une édition du festival, elle mettrait en péril son existence même.
Beaucoup d’obstacles se dressent devant nous. Fermées, les frontières de l’espace Schengen empêcheraient tout à la fois d’accueillir de nombreux artistes et de recevoir du matériel indispensable pour l’organisation des concerts. Concerts dont certains s’inscrivent dans des tournées internationales qui sont compromises, voire dès à présent annulées.
D’autres problèmes de logistique se posent. Un exemple parmi d’autres : dans quelles conditions les techniciens qui participent dès le mois de juin à la préparation de Jazz in Marciac peuvent-ils travailler à la mise en œuvre de nos infrastructures dans le strict respect des règles édictées par l’État et comment les recevoir alors même que les hôtels et restaurants doivent rester fermés ?
Il y a également le respect que nous devons à tous les acteurs du festival. Qu’ils soient spectateurs, artistes, partenaires ou bénévoles, leur implication repose sur une organisation personnelle parfois complexe, et qui se réfléchit bien en amont de l’événement. Avec si peu de certitudes, comment encourager toutes ces personnes à préparer leur venue comme si de rien n’était ? Leur déception serait à la mesure de leur engagement.
Il y a enfin, il y a surtout l’importance que nous accordons à la santé et à la sécurité de tous. À l’heure où je vous écris, nous ignorons si les mesures sanitaires prises permettront le retour à une vie normale durant l’été. La sortie du confinement sera manifestement progressive.
Depuis le début de son histoire, le jazz rassemble toutes les différences sous sa bannière. Il offre à tous les publics de la joie et du réconfort.
Nous ne voulons pas imaginer un festival interdit à telle ou telle catégorie de population. Nous ne voulons pas non plus faire courir le moindre danger aux amoureux de Jazz in Marciac. Nous ne savons que trop bien les ravages causés par le Covid-19 à l’échelon planétaire.
Mes pensées les plus compatissantes et les plus chaleureuses vont à cette heure-ci à tous les proches de ses victimes. Je salue notamment, avec une sincère affection, notre parrain Wynton dont le père, l’éminent pianiste Ellis Marsalis Jr, est décédé le 1er avril à la suite de complications du coronavirus.
En un mot, tous les éléments d'appréciation dont nous disposons à ce jour nous placent clairement dans une situation de cas de force majeure que l'État se refuse à acter, pour des raisons qui nous échappent, mettant ainsi en difficulté nos structures qui encourent le risque de ne plus être en capacité d'exister dans l'avenir.
Je pense aujourd'hui à tous les maillons de cette vaste chaîne humaine qui permettent chaque année de créer un festival dont la réputation et la fréquentation n’ont cessé de croître depuis sa naissance. Certains d’entre eux avaient commencé à travailler à la 43e édition dès la fin de la précédente, en septembre 2019.
L’annulation de ce rendez-vous tant attendu va entraîner, je ne l’ignore pas, non seulement de grandes frustrations pour de nombreuses personnes mais aussi de profondes difficultés.
Le domaine de la culture, plus que nécessaire, vital, paie un lourd tribut à cette épidémie. Un lourd tribut partagé par d’autres secteurs car Jazz in Marciac constitue un formidable moteur économique pour la région. Restaurateurs, hôteliers, producteurs locaux, commerçants, artisans, loueurs, saisonniers… Autant de professionnels qui seront affectés par cette annulation, on ne peut que le déplorer. Je voudrais les saluer, ainsi que toutes les personnes qui, en ces temps si éprouvants, nous ont manifesté de différentes manières leur soutien et leur fidélité.
Prendre cette décision est un crève-cœur, je le répète, mais je vous donne d’ores et déjà rendez-vous l’été prochain. J’en suis persuadé : cette 43e édition reportée n’en sera que plus belle et plus émouvante. Nous mesurerons plus que jamais l’importance d’être ensemble, le bonheur de partager notre passion.
Pour terminer, je voudrais rendre hommage aux chercheurs et au personnel soignant qui, en luttant sans trêve contre les méfaits du Covid-19, nous permettront dès que possible de nous retrouver. Dans l’espérance de ce moment, je vous remercie de votre compréhension.
Prenez soin de vous comme de vos proches : demain nous attend.
Bien cordialement,
Jean-Louis Guilhaumon"