André Cabannes, figure emblématique de la passion taurine vicoise, a choisi de déposer la cape et de céder la présidence du Club Taurin après la feria 2025.
Une décision que l’on accueille avec respect, mais non sans un pincement au cœur.
Président du Club Taurin Vicois depuis 2012, André Cabannes y avait adhéré bien des décennies plus tôt, il y a plus de cinquante ans. Treize années à la tête du club, et une vie entière dédiée à la défense d’une certaine idée de la tauromachie, exigeante, sincère, fidèle à ses racines. Son départ marque bien plus qu’un simple changement de gouvernance : c’est une page de l’histoire taurine de Vic-Fezensac qui se referme.
André Cabannes s’est inscrit dans la lignée des grands noms qui ont façonné l’identité forte et singulière du Club Taurin. Il a été le digne héritier de Paul Clarac, dont le mot d’ordre résonne encore dans les arènes vicoises : « Des toros toros, et des toreros qui veulent bien les toréer. » Ce credo, il l’a toujours respecté, avec une rigueur inflexible, suivant les pas de ses prédécesseurs – Jean Arnaud, Jean Fitte, Jean-Jacques Baylac, Auguste Oller, Marcel Garzelli – tous fils du terroir vicois, tous porteurs de cette flamme si particulière.
La féria de Pentecôte est une entreprise colossale. Orchestrer des corridas à la hauteur de la réputation vicoise n’est pas tâche aisée : il faut du flair, de la fermeté, de la passion et une profonde connaissance du campo. André Cabannes, inlassablement, a su conjuguer ces qualités, scrutant les élevages, traquant le toro intègre, sincère, celui qui fait vibrer l’aficionado. Il raconte d’ailleurs avec humour cette anecdote où un ganadero tenta de lui dissimuler un excellent toro sous prétexte de boiterie. « Faites monter le boiteux dans le camion, on le prend quand même », avait-il tranché. C’est tout Cabannes : l’œil, la poigne, l’intuition.
Mais trouver le toro ne suffit pas : encore faut-il convaincre le torero de l’affronter. Et là aussi, il fallait du courage, une foi inébranlable en une tauromachie authentique, loin des logiques mercantiles. C’est cette intégrité qui a forgé le respect dont jouit le président Cabannes auprès des ganaderos comme des aficionados.
Pour sa dernière féria, il n’a rien laissé au hasard. Dès la fin de la temporada 2024, il était reparti au campo, visitant de nombreuses ganaderias avec son équipe, sélectionnant avec soin les toros dignes de conclure son mandat. Et pour signer cette despedida, un moment fort : un solo de Morenito de Aranda, orchestré comme un hommage d’ami à ami. Fidèle à son sens du spectacle, il a veillé à la variété en sélectionnant deux élevages, évitant la monotonie, et espérant offrir au public une sortie a hombros pour le torero… et pour lui.
« Que Morenito et Dédé sortent a hombros, voilà ce que je souhaite », glissait avec émotion Jean-François Piles, apoderado de Morenito, lors de la présentation de la féria 2025. C’est aussi le vœu de toute une aficion, reconnaissante envers celui qui, pendant treize ans, a porté haut les couleurs d’un club pas comme les autres.
À André Cabannes, notre gratitude profonde. Pour son exigence, son engagement, sa fidélité à l’esprit vicois. Le toro toro perd un de ses plus ardents traqueurs, mais le Club Taurin Vicois lui devra toujours une part de son âme.
Pierre DUPOUY