Un constat grave: la pauvreté s'installe dans notre pays.

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1 216 € est le seuil de la pauvreté. Beaucoup de retraités survivent à moins de 1000 €

Plus de 9 million de personnes en France vivent sous le seuil de la pauvreté monétaire ( oct 2024 INSEE) . En 2024 10,8 % des retraités sont pauvres.  Nombreux  d'entre aux  doivent reprendre la route du travail.

 Ils avaient plié bagage, laissé derrière eux l'usine, le bureau, la salle de classe ou la caisse du supermarché. On les avait fêtés, une montre au poignet, une gerbe à la main, comme on salue les vaincus d’une longue guerre. Et pourtant, les voilà de retour, tête courbée, dos voûté, sur le chemin qu’ils croyaient avoir quitté à jamais. Chaque matin, avant même que le soleil perce l’horizon gris de banlieue, ils reprennent le bus, silencieux, tassés entre deux jeunes aux écouteurs. Ce sont les retraités du nouveau siècle, soldats fatigués qu’on rappelle au front faute de munitions.

Roland C - F. , remet son tablier de cuistot. Il a 71 ans, les yeux un peu cernés, il reprend un poste d'aide cuisinier ( il était cuisinier dans la restauration collective )  . Il nous confit: « J’aurais voulu me reposer, lire, marcher un peu. Mais je suis revenu. Pas pour l’argent, mais pour ne pas m’effondrer ». Et pour Bénédicte K., le retour au travail n’est pas un choix. C’est un sursis. Elle frotte les sols, à l’aube, les mains brûlées par l’eau de Javel. « Avec ma retraite, je ne vis pas. Je survis. Il faut bien manger, il faut bien payer mon loyer » Elle a 69 ans. Son royaume : un petit appartement dans le secteur d'Auch, froid et humide et froid en hiver, étouffant en été. « Je touche 950 euros. Je n’ai pas de mari, plus d’enfants à la maison. Mais j’ai des factures importantes, et pourtant je chauffe très peu ...   Alors je nettoie, je récure, je recommence »... Dans ses yeux, il y a toute la tristesse d’une République qui oublie ses mères. Et ses pères...  Bref ces petits vieux sous le seuil de la pauvreté, vont jusqu'à faire les poubelles. Pour Bénédicte et Roland, il ne sera pas possible de faire du bénévolat ... Autrefois, la retraite était un havre, aujourd'hui c'est un rêve qui recule. Une promesse faite au corps épuisé, à l’âme lasse. Aujourd’hui, c’est un mirage pour beaucoup, un mot de riche. On repousse l’âge, on grignote les droits, on ferme les yeux.

Ils seraient un demi-million comme Bénédicte et Roland.

Mais derrière ce chiffre froid, il y a des mains calleuses, des ventres creux, des nuits sans sommeil. Ce ne sont pas des héros glorieux, ce sont des ombres qu’on ne veut pas voir. Et pourtant, ils remplissent les trous du système, là où l’État ne recrute plus, là où les jeunes refusent d’aller. Quelle ironie cruelle : ces vieux qu’on disait inutiles, bons à mettre au rebut, deviennent indispensables quand tout s’effondre. Ils reviennent, et leur retour ne fait pas de bruit. Juste le glissement d’un balai sur un carrelage, le grincement d’un stylo sur le papier des copies. Ils n’ont plus les forces, mais on les exploite encore, à la tâche, au jour le jour, sans espoir d’amélioration. Car il ne faut pas croire : le travail qu’ils reprennent ne leur donne aucun droit nouveau. Ils cotisent dans le vide. C’est une machine bien huilée qui prend sans donner. Mais dans les hautes sphères du gouvernements on baguenaude à Mayotte et on jongle avec toutes leurs retraites cumulées ...

 Comme beaucoup d'entre eux , ils avaient donné leur vie. Ils avaient construit, instruit, soigné, servi. Pendant quarante ans, cinquante pour certains, ils avaient œuvré sans gloire, sans faste, dans l’ombre et le silence. Puis un jour, le couperet tomba : « Vous êtes à la retraite. ». Ce mot, doux en apparence, devint pour eux une frontière. Une sortie. Une fin. Et pourtant, les voilà qui reviennent. Ils sont là, dans les rues encore endormies, les épaules voûtées sous le poids des ans. Leurs mains tremblent parfois, mais elles savent encore. Leurs pas sont lents, mais ils avancent, avec une dignité d’anciens rois déchus que la République a oubliés. Ils entrent à nouveau dans les écoles, les hôpitaux, les supermarchés. Non pas pour y apprendre, non pas pour y guérir ou y acheter, mais pour y travailler. Encore. Toujours. Ils sont les revenants du devoir. Ils sont là par choix, dit-on. Mais il est des choix qui ne sont que des déguisements de la nécessité. Car leur retraite ne suffit pas. Parce que le monde va vite et laisse les faibles derrière.

 

Et puis , pour d'autres c'est le bénévolat qui les anime. 

Dans l’ombre du monde professionnel, un autre univers s’active, souvent sans bruit mais avec efficacité : celui des bénévoles. Dispersés ici et là dans le tissu associatif, ils sont des millions à donner de leur temps, de leur énergie, de leurs compétences. Ils font tourner des structures qui, sans eux, mettraient vite la clé sous la porte. Mais une question revient de façon récurrente, presque lancinante : ces bénévoles prennent-ils, souvent sans le vouloir, la place de jeunes en quête d’un premier emploi ?

La question dérange.

Elle touche à l’essence même de l’engagement bénévole, à la frontière floue entre action solidaire et travail non rémunéré. Dans certaines petites associations, les missions confiées aux bénévoles ressemblent parfois à s’y méprendre à de véritables emplois. Accueil, animation, gestion, communication… Tout y passe. Et l’on se demande alors : qu’est-ce qui empêche ces structures de salarier des jeunes, notamment ceux qui peinent à entrer sur le marché du travail ?

Pour certains observateurs, la réponse est claire : c'est dû à la précarité des associations.

Faute de subventions ou de moyens propres, elles n’ont pas d’autre choix que de s’appuyer sur des bénévoles. Sans eux, ces structures ne survivraient pas. Le problème n’est donc pas l’existence des bénévoles, mais bien le manque de financement public pour professionnaliser certains secteurs. Supprimer les bénévoles n’ouvrirait pas de postes, cela fermerait des portes. D’autres vont plus loin. Ils rappellent que le bénévolat est un acte citoyen, libre, désintéressé, et qu’il ne saurait être réduit à une simple main-d’œuvre gratuite. Dans bien des cas, les bénévoles ne remplacent personne : ils accompagnent, soutiennent, complètent. Ils permettent à des projets de voir le jour, à des initiatives locales de perdurer. Parfois même, leur présence crée un environnement favorable à l’emploi, en attirant des financements ou en suscitant de nouveaux besoins professionnels.

Mais le débat reste légitime. Notamment lorsque certaines missions bénévoles s’installent durablement, sans encadrement clair, ni distinction nette avec le champ professionnel. Il arrive que des bénévoles, très compétents, très engagés, remplissent des fonctions qui devraient – théoriquement – relever de l’emploi salarié. C’est là que le bât blesse, et que la ligne rouge est franchie.

Alors, comment concilier engagement citoyen et justice sociale ? Peut-être en mieux encadrant les missions bénévoles, en clarifiant leurs objectifs, en renforçant les partenariats avec les dispositifs d’insertion (comme le service civique), ou en développant des “contrats tremplins” qui permettent à des jeunes de débuter dans le monde associatif.

En attendant, une chose est sûre : les bénévoles ne sont pas le problème. Ils sont souvent la solution – ou du moins, une partie de la réponse. À condition de ne pas leur faire porter des responsabilités qui devraient revenir, en toute légitimité, à de jeunes professionnels en quête d’avenir.

Pour le Journal du Gers . Enquête Isabelle Gaignier
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