Françoise Vignet-Gagnoulet a mené de front une carrière de professeur de lettres, l’écriture poétique et des randonnées difficiles en Asie. Et d’autres voyages, tant en Asie qu’en Europe. Avec son époux, elle s’est installée définitivement à Avéron-Bergelle, en 2009. Pour une personne habituée à la région parisienne, le silence de la campagne gersoise a été saisissant.
Ayant toujours écrit des poèmes (elle fit son mémoire de maîtrise sur Le Poème pulvérisé, de René Char), elle continue et s’efforce aussi de donner le goût de la poésie à ses contemporains en publiant – sur abonnement – une lettre en ligne (1) où elle propose des poèmes d’autres auteurs.
Rencontre
Le 30 août, Le Journal du Gers rencontre Françoise Vignet, qui lui fait lire plusieurs de ses poèmes. N’étant pas poète nous-même, les impressions livrées ci-dessous sont très discutables. Mais chacun ne doit-il pas trouver son bonheur personnel – différent de celui des autres – dans les œuvres artistiques ?
Dès l’abord, nous avons été embarrassé par la référence à René Char, qui est trop hermétique à notre goût. Mais au fur et à mesure des lectures, nous avons découvert des textes d’où sourd une musique profonde, des temps d’attente pour communier avec le monde, s’y insérer et peut-être se l’approprier en vue de le transmettre.
Notons que Françoise Vignet n’est pas d’accord avec cette notion d’appropriation…
Journal de mon talus
Prenons un exemple, tiré du Journal de mon talus (Éditions Alcyone) pour concrétiser ce qui précède :
« Ici, l’on écoute le silence : bruissement de ce jet d’eau végétal qu’est le tremble, roucoulement des tourterelles turques, froissement d’ailes dans les feuilles touffues, appel plaintif de la hulotte, friselis des maïs séchés sous le vent... »
Une paix, une sérénité vous envahit à cette lecture. Cela nous fait penser aux haï-ku japonais. Et cette fois, l’auteure est d’accord...
Un monde féerique
Mais le monde environnant, qui fait l’objet du Journal de mon talus, n’est pas la seule source d’inspiration de Françoise Vignet. Son imagination déroule sa toile dans d’autres poèmes comme cet extrait d’un autre poème :
« Berce-moi, petit génie des lieux, berce-moi comme l’on berce un enfant nouveau-né, à la peau laiteuse, aux yeux grand ouverts sur l’inconnu d’ici – murmure-moi, d’une voie sucrée de nourrice créole, ta chanson sans parole qui apaise et fortifie.
Emmène-moi, petit génie des lieux, emmène-moi dans la maison aux longs corridors baignés de pénombre, dont les portes dévoilent des appartements aux bruits assourdis par les tapis rebrodés, les tentures de brocart et d’or. Souvent y joue la lumière, qui dépose ses dentelles – éphémères – sur les parquets craquant dans le silence, comme sous l’effet de pas menus et enchantés... »
Propos pour un amour
Terminons par un extrait d’un poème sur l’amour, un peu énigmatique, mais un peu seulement :
« …Il n’est rien entre eux.
Un regard leur est un baiser et l’un lit l’autre en transparence.
Le silence alors se dédouble : les sens du silence glissent de l’un à l’autre.
Le fluide caresse. Le fort étreint.
Et c’est au secret, en une chambre lointaine, qu’ils s’absentent.
Joints, tout autrement que ne le font les amants, et pourtant tout à leur façon : chacun s’envoûte de la dissemblance de l’autre.
Il n’est rien entre eux. Seul se faufile le silence.
Pour passé, un intemporel partage. Pour avenir, le flux de l’être. Même l’absence n’a plus qu’un sens : la vie présente... »
Notons aussi que le Journal de mon talus a été « nominé » pour le Prix Toubadours/Trobadors 2014.
(1) (https://www.recoursaupoeme.fr/la-lettre-mail-vous-prendrez-bien-un-poeme/).
Abonnement gratuit à demander à cette adresse : [email protected].