Les compositrices du XXème siècle ont du tempérament
Samedi dernier, à la médiathèque, une nouvelle causerie a eu lieu, accompagnée de chants venus de pays lointains...Roula Safar, née au Liban, une voix dont les frontières sont franchies en l’espace d’un éclair, une femme au visage grave, au regard intense, on perçoit à travers ses expressions, une vie intérieure riche et surprenante. Elle est présente aujourd’hui à Saint-Clar dans le cadre de « Eté au féminin » invitée par Roger Tessier qui lui-même est un compositeur connu de notre époque. Tous deux ont offert au public présent, une conférence remarquable sur ces compositrices du XXème siècle, dont la musique a changé, a évolué, a également perdu ses repères habituels. Parmi ces compositrices, on peut citer par exemple Betsy Jolas, Edith Canat de Chizy, et la « papesse de la musique » d’après Roger Tessier, Kaya Saariaho, d’origine finlandaise, connue dans le monde entier, dont on a pu voir quelques extraits de « L’Amour de loin » du célèbre troubadour occitan du 12ème siècle, Jaufrey Rudel. Ce fut un moment sublime, cette voix magique, dont les intonations vibraient, où se mêlaient gestes et mouvements scéniques, le corps entier au rythme de l’œuvre.
Rencontre avec Roula Safar
JDG : Comment êtes-vous arrivée au chant ?
R.S : J’ai toujours chanté depuis toute petite, bien sûr au début, je n’avais pas conscience de mes capacités dans ce domaine, puis j’ai commencé l’apprentissage du piano, ensuite de la flûte traversière. Enfin, la guitare classique en France pour accompagner mes chants, des poèmes également, ceux de mon père, puis Baudelaire, Eluard, des poètes libanais, mais aussi du Proche-Orient. J’en suis venue à les traduire en français, afin de les faire découvrir. À 19 ans, je rencontre mon premier producteur, Jacques Canetti.
JDG : Vous travaillez sur des compositions dont vous êtes aussi auteur ?
R.S : Effectivement, je mets des textes, des poèmes en musique, mais aussi des textes anciens, dans des langues disparues comme l’acadien, le submérien (basse Mésopotamie), l’égyptien ancien, et d’Occitanie…Je travaille en collaboration avec le compositeur François Bernard Mâche qui utilise des textes anciens. Aussi, par analogie, c'est-à-dire comment des textes anciens se rapprochent d’autres plus récents, puis je vois comment la pensée évolue, se transforme. Je suis passionnée de langues, je participe également à des rencontres avec des chercheurs, afin de décrypter les difficultés. La musique est le vecteur pour faire découvrir toutes ces langues.
Il y a comme une sorte de fascination quand on découvre sa voix de mezzo-soprano, qui s’élève vers les hautes sphères ou bien dans les basses, c’est grâce à son expérience assidue, qu’elle peut proposer aux gens, cette découverte de la musique à travers l’histoire des langues anciennes, tout cela véhiculé par la voix et des musiques diverses et abouties. C’est un travail de longue haleine qui s’étend sur de nombreuses années.
JDG : A propos des compositrices du XXème siècle, qu’en pensez-vous ?
R.S : Elles sont moins connues, moins entendues, et c’est ce qui me plaît, la rareté de leurs diffusions sur les ondes, et pourtant d’immenses talents. La femme compositrice est plus rare dans ce milieu également, mais elles possèdent souvent de fortes personnalités.
Dans ses projets, elle va participer, à Paris, à un festival de musique contemporaine sur l’eau, seule sur scène avec ses instruments, guitare, percussions…elle conçoit des concerts poétiques autour de René Char, Jean Richepin et Paul Valéry. Mais aussi, elle crée des rôles et des œuvres de Régis Campo, Mickaël Levinas, Florence Baschet, Betsy Jola, Karim Haddad, Roger Tessier, Nicolas Vérin et Charles David Wajnberg.
Le lendemain, elle a obtenu un vrai succès à l’église de Saint-Créac, ce fut un moment magnifique, exceptionnel, la petite chapelle était pleine à craquer. Avec un répertoire choisi de chansons anciennes, elle a interprété à la surprise du compositeur Roger Tessier , une courte mélodie a cappella en hongrois dont il est le compositeur et qui fait partie de son grand cycle de quinze mélodies pour voix et saxophone, qu’elle avait créé avec le saxophoniste Marc Sieffert, il y a environ trois ans.